Brest-Vladivostok, journal d’un optimiste, Philippe Fenwick, Editions Equateurs, 2021, 157 p.
Dédicacé à son fils et à Georgette Rocton, (un nom d‘héroïne de roman semblant sortir du « Voyage au bout de la nuit »)Philippe Fenwick se lance dans sa propre aventure en reprenant le fil de celles qu‘il s’est données dans sa quête des origines.
On le connaît depuis longtemps, presque 20 ans lorsqu‘il était en binôme avec William Mesguich, tous deux avaient entrepris « un rêve modeste et fou » de traverser la France à pied (bonjour les ampoules et le stock de chaussures) avec une représentation chaque soir pour les villages, ceux et celles pour qui la capitale est bien trop loin dans tous les sens du terme de leurs préoccupations journalières, dont le seul message est le ronronnement sournois de la télévision.
C’est de là que commence à germer dans sa tête une épopée des temps modernes qui le mènerait au fin fond de la Russie pays de sa grand-mère.
Philippe Fenwick est au premier abord, sympathique, très cultivé, exigeant, attachant on ne sais jamais ce qu‘il veut, ce qu’il cherche, jamais à court d’une idée, d’un projet, il court tout le temps, il n’est pas là où on l’attend : comédien professionnel, il a crée une compagnie de théâtre, il devient photographe puis organise une lecture à La SACD avec Tom Novembre, puis vidéaste puis comédien chez Macha Makeïeff au Théâtre de la Criée de Marseille, il écrit, c’est son deuxième livre et plein de choses en veille, en advenir. Il échappe à toutes « les cases », n’est-ce-pas Philippe !
Là, pour ce livre-ci c’est autre chose : c’est sa vie, sa vie intime, émotionnelle de cet écorché vif, ce mélancolique romantique, qui a le sens de l’amitié, des voyages, des lectures, des rencontres, de la vie en somme.
Il lui fallait un fil conducteur, un argument narratif qui traverserait son œuvre : voilà donc Jacques Mercier au nom aussi connu que le nom d’une ruelle de province mais à la vie et la fin de vie aussi mystérieuse qu‘une enquête à la Colombo.
Le voilà parti à la recherche de cet homme mystérieux en se posant à Brest, en questionnant en cherchant et en trouvant des éléments de vie de ce comédien solitaire et isolé de music-hall puis en décidant de partir pour Vladivostok par voie de chemin de fer, (plus de 12.000 Kms, près de 9 jours de train, 7 heures de décalage horaire) c’est long à souhait pour vivre toutes les émotions qu‘apportent les villes rencontrées, l‘accueil de leurs habitants dont il ne comprend pas la langue évidemment sinon ce serait trop facile pour Philippe.
Entre temps, il s’adresse à l’Administration publique pour finaliser un travail de création qui nécessite des subventions : là, il faut se préparer à lire des pages qui deviennent anthologiques du Service Public, qui n’a guère beaucoup changé depuis jean Vilar ou Antoine Vitez ! C’est épiquement drôle et dramatique en même temps. Il faut être très costaud nerveusement ou être dans les petits papiers de ceux qui tiennent les rênes des budgets.
Philippe Fenwick, il faut le dire a une belle écriture, il écrit comme il parle et inversement, sa prosodie, sa diction toujours parfaites donnent le sentiment qu’il mâche ses mots et ses pensées même si parfois il a le regard hagard : c’est qu’il est plein de pensées, de désirs, de projets comme je l’ai dit plus haut. Je croyais le connaître, je le découvre et c’est un choc !
En fait, il est habité : de personnages, de textes, de sa famille au destin plutôt romanesque, sa vie est extraordinaire comme il le décrit dans ce texte, il s’est toujours gardé d’en parler devant moi, par pudeur je pense.
De plus il coche toutes les cases Philippe, parce qu‘il est foisonnant, multiple, exubérant et rieur comme le monde ! C’est cela qu‘il devrait dire lorsqu’il demandera une subvention !
Philippe Fenwick, est un auteur romantique et romanesque, un batailleur lucide du XXI ème siècle dans la pure lignée de Baudelaire, Céline et Brecht : il sait raconter des histoires par tout moyen possible, qui nous emportent, nous émeuvent et nous rassemblent.