Algérie Mon amour, artistes de la fraternité algérienne, Expositions de peintres algériens, Institut du Monde Arabe Paris, Salle des donateurs 17 mars – 31 juillet 2022.
Dans le cadre de 2022, Regards sur l'Algérie à l'Institut du monde arabe (IMA), année de la célébration des 60 ans de l'indépendance signée lors des Accords d’Evian, un certain nombre de manifestations culturelles auront lieu.
A travers cette exposition, le musée de l'IMA et le fonds de donation Claude et France Lemand présentent une partie d’une collection exceptionnelle de 38 œuvres de 18 artistes issus de trois générations, sur un total de 600 œuvres d’artistes algériens. Claude Lemand a dressé un panorama de l’histoire des peintres algériens, venus à Paris, centre mondial des artistes en 1947, pour compléter leur formation aux beaux-Arts, exposer ou encore intégrer, sans succès, le très fermé cénacle des peintres américains venus avant eux, beaucoup mieux lotis qu’eux, avec plus de 1600 bourses substantielles accordés par les Etats-Unis à cette époque. « Les artistes algériens n‘ont pas été soutenus comme il se doit » ajoute leur défenseur. Comme lui-même ne les connaissait pas suffisamment dit-il, il est allée à leur rencontre là où ils se trouvaient en France et en Algérie pour l‘essentiel, afin de les découvrir un par un. Chaque artiste ajoute-il est particulier avec un univers qui lui est propre. C’est ce que j‘ai voulu montrer dans le livre, conçu comme « un acte d’admiration que j‘ai pour ce peuple qui a su inspirer tant d’artistes ». L’ouvrage est cours d‘édition, à paraître en juillet 2022. On serait tenté d‘ajouter qui a su l’inspirer également, lui Monsieur Claude Lemand ambassadeur de l‘amour de la peinture et de la fraternité envers le peuple algérien. Dès 1980, un mouvement artistique « Auchem » (taouage) voit le jour, qu‘il soit pictural, littéraire, musical ou encore sociétal, insufflé par le Printemps berbère, montre une fois de plus que l‘Algérie est plurielle et ne saurait être réduite à une et unique appartenance.

« Musique », de Baya (1974. Gouache sur papier, 100 cm x 150 cm). Donation Claude Lemand, Musée de l'Institut du monde arabe.
« L’Algérie est en moi, seuls mes pieds l‘on quittée, mon esprit rôde en permanence parmi les miens ».
Cette constatation en forme de vérité (que l‘on entend en arabe) est du peintre Abdallah Benanteur (1913-2017), elle pourrait s‘apparenter à toute personne ayant quitté son pays quel qu‘il soit et de toutes les manières qui soient. Pour rester dans le même esprit, Choukri Mesli (1931-2017) a inscrit son œuvre dans le prolongement de sa filiation à l‘histoire patrimoniale du Tassili, en insérant signes et lettres, notamment dans son œuvre de 1991 « Al Hamiyate »,« Les Protectrices », où l‘on décèle des inscriptions en lettres arabes et en Tifinagh.

Choukri MESLI, À l’ombre des femmes. Les Protectrices, avril 1991. Technique mixte sur carton, 110x75cm Donation Claude et France Lemand, Musée de l’Institut du monde arabe.
Ainsi en est-il pour Denis Martinez avec deux œuvres imposantes « Portes de l‘illuminations » 1991 et « Anzar, le prince berbère de la pluie » 2001, dédiées à la culture berbère superbes toiles « précisant que « malgré ses couleurs joyeuses, elles sont porteuses du malheur de la décennie noire en Algérie ».
« La créativité algérienne est pour moi l‘une des plus importantes du monde arabe ! »
Cette assertion est celle de l‘amateur d’art, du collectionneur et du donateur franco-libanais Claude Lemand qui a procédé à la visite-présentation de cette superbe exposition. En fait, il faut l‘entendre, lui personnellement, évoquer ces artistes qu‘il aime véritablement. Il en parle avec chaleur, émotion, fraternité, respect et bienveillance, il connaît l‘histoire de chacun et de chacune par cœur, il y a trois femmes artistes, sur le bout des doigts, chaque détail est important pour lui, il nous restitue leur parcours en humaniste, avec une précision d’orfèvre.
M'Hamed Issiakhem, La mère, 1965 © Donation Claude et France Lemand. Musée de l’Institut du monde arabe.
Tout au long de la présentation de l‘exposition, il s‘arrête devant chaque toile comment autant d’étapes de sa vie, présentant ici Baya, avec deux toiles « Les rideaux jaunes »1947 et « Musique » 1974, cette dernière œuvre est sur la couverture du catalogue de l‘exposition, là M’Hamed Issiakhem, boursier venu en 1951 à Paris qui ne peint que des figures féminines, « Mère courage » 1984 et « La mère » 1967, toutes deux portant des titres connus d’inspiration théâtrale et littéraire. Abdelrahmane Ould Mohand quant - à lui évoque la tragédie des Moines de Tibhirine par une œuvre expressionniste en diptyque, « Le jardin des moines » d‘apparence bucolique en haut, quand en bas, le visiteur devine les noms des moines disparus.
Claude Lemand n‘oublie pas ses prédécesseurs, cite également Jean Sénac pour l‘exposition de 30 artistes algériens qu‘il a réalisé au musée des Arts décoratifs à Paris en 1964, et de rappeler en quelques mots les affres de la France post-coloniale concernant cet admirable auteur.
Rachid KORAICHI, Tu es mon amour depuis tant d'années, 1999-2000. Cahier dfe 61 dessins. Donation Claude et France Lemand. Musée de l'Institut du monde arabe.
On retrouve avec bonheur l‘artiste Rachid Koraïchi et son cahier de 61 dessins « Tu es mon amour depuis tant d‘années », effectués à l'encre de chine. Claude Lemand évoque une « dimension sacrée de la vie » et pour l’artiste, le cercle représente le cycle de la vie.
On pourrait dire que Claude Lemand est un artiste lui aussi, son art est de rassembler des artistes et de les présenter au public avec amour et humanité. C’est un tel bonheur de rencontrer une telle personnalité, affable, disponible, souriant, illuminé par tant de beautés qu‘il nous restituent avec bonheur, élégance, chaleur, au savoir sans limites.
C’est un pan important de l‘histoire de l‘Algérie et de la France qui nous est donné à l‘occasion de cette magnifique exposition à l‘IMA par Claude Lemand. Plus qu‘une exposition, c’est une entreprise de réconciliation des algériens avec eux-mêmes tout d‘abord afin d’inaugurer une nouvelle phase d’être et d‘exister, dépassant le Comment nous vivons pour affirmer le Qui sommes-nous ? Cette exposition y contribue, c’est certain. « Le plus important pour moi à travers cette exposition est de rappeler combien cette fraternité est fructueuse et combien la culture peut y contribuer. Et c’est le principal message de cette exposition », dit - il.
Nous le croyons aussi.
Un livre est prévu en juillet sur les 600 œuvres de la collection, textes de d’Anissa Bouayed, d’Emilie Goudal et de Claude Lemand, abondamment illustrés.
Une exposition dédiée à Abdallah Benanteur en novembre prochain, précédée d’une exposition en hommage à l’artiste Baya, toutes deux à l'IMA.
Artistes exposés
- Mohamed AKSOUH1934
- Mohand AMARA1952
- BAYA1931-1998
- Souhila BEL BAHAR1934
- Abdallah BENANTEUR1931-2017
- Mahjoub BEN BELLA1946-2020
- Zoulikha BOUABDELLAH1977
- Halida BOUGHRIET1980
- EL MEYA(Benchikh El Fegoun) 1988
- Abdelkader GUERMAZ1919-1996
- M’hamed ISSIAKHEM1928-1985
- Mohammed KHADDA1930-1991
- Rachid KORAICHI1947
- Denis MARTINEZ1941
- Choukri MESLI1931-2017
- Abderrahmane OULD MOHAND1960
- Louis NALLARD1918-2016
- Kamel YAHIAOUI1966