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Djalila Dechache

Auteure, chercheure sur l 'Emir Abdelkader l 'Algérien, Kateb Yacine et le théâtre arabe.

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Billet de blog 21 janvier 2022

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Le poète comme boxeur de texte KatebYacine, mise en scène de Kheireddine Lardjam

Crée en 2011 au Creusot, le spectacle suit le parcours et l‘engagement de militant, d’intellectuel et d’écrivain de Kateb Yacine (1929-1989) à partir de cet ouvrage composé d’entretiens réalisés de 1958 à 1989...Dans ma famille( ...)... On aime la poésie...

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Le poète comme boxeur, texte KatebYacine éditions du Seuil, mise en scène Kheireddine Lardjam, dramaturgie / montage Samuel Gallet avec Azeddine Benamara et Larbi Bestam au Lavoir Moderne Parisien, lieu des émergences créatives, 35 rue Léon 75018 Paris

Tél : 01 46 06 08 05 du 19 au 23 janvier 2022 à 20h30 et 17 h le dimanche Durée 1h 10.

Crée en 2011 au Creusot, le spectacle suit le parcours et l‘engagement de militant, d’intellectuel et d’écrivain de Kateb Yacine (1929-1989) à partir de cet ouvrage composé d’entretiens réalisés de 1958 à 1989. A commencer par son enfance « Dans ma famille ma mère, mon père, mes oncles, mes tantes, nous avons tous ça dans la famille. On aime la poésie. J’avais donc cet amour de la poésie depuis l’enfance », jusqu‘à la création de son théâtre itinérant en arabe dialectal en Algérie.

« Dans la gueule du Loup » ou la France coloniale.

Lorsqu‘il arrive à Paris il connaîtra les vraies conditions de vie des émigrés, habitera une cave, se jette dans « la gueule du loup » en utilisant la langue française au sujet de laquelle il a dit qu‘elle est son« butin de guerre ».Plus tard il prendra la mesure de l‘utilisation de l‘arabe dialectal et du Tamazigh « la connaissance d’une langue est une arme ». Toutefois au cours des dix années passées en France, il supportera toutes les violences y compris celle de la DST qui fouillera sa chambre, il fera également des rencontres qui changeront le cours de sa vie : en premier lieu, le comédien et metteur en scène Jean-Marie Serreau formé par Charles Dullin qui l’initiera aux techniques du théâtre et créera à Paris en 1958 « Le Cadavre encerclé ». Autre rencontre décisive, Bertold Brecht qui lui apprendra le théâtre épique et son concept de distanciation. C’était en 1955, « J’airencontré Brecht (que j’admire), mais nous avons polémisé. D’après lui, la tragédie ne se justifiait plus, les situations tragiques étant sans issue ».

Suivrons des étapes majeures de la vie de Kateb Yacine avec la fusillade du 8 mai 1945, il a 16 ans, «  on fusille des gens », il voit du sang partout, l‘armée occupe le village, il est emprisonné à Sétif, découvre un camp de concentration, son père l‘envoie à Annaba où il rencontre sa cousine Zouleikha dont il tombera follement amoureux,il en fera un livre, la mythique « Nedjma », sa désillusion après l‘Indépendance «  je n‘ai jamais cru qu‘elle marquerait la fin des difficultés », sa définition du poète et du politique «  le vrai poète doit toujours manifester ses désaccords dans une société progressiste, le poète c’est la révolution à l‘état nu ». Et bien d’autres d’autres choses encore…

Une représentation inachevée

A trop vouloir réduire, le résultat est que le texte de Kateb Yacine est brouillé, perdant en profondeur et en force par le choix de cette multitude de chansons (entre 8 et 9 il me semble sur un spectacle d’un peu plus d’une heure), certes bien interprétées, choix qui peut être perçu comme une facilité du metteur en scène afin de susciter un enthousiasme évident du public algérien en Algérie. A Paris, à contexte différent,  il n‘en va pas de même. Le concept théâtre- concert ne fonctionne pas ici.

De même qu‘on ne comprend pas pourquoi ce si bel espace « vide », salle du Lavoir Moderne Parisien ressemblant à celle de Peter Brook aux Bouffes du Nord, n’a pas été utilisé de manière optimale lors des déplacements du comédien et du musicien.

L’on sort de cette représentation aux allures de travail inachevé, avec un manque, une frustration vis-à-vis de Kateb Yacine. Heureusement il y a son oeuvre et son livre qui existent et que l‘on prend plaisir à redécouvrir.

C’est un livre-testament, réunissant des entretiens de première importance qui aurait mérité un bien meilleur traitement.

L’homme, Kateb, que l‘on entend à la toute fin, déclare que le combat du théâtre est le combat du politique, le combat pour la révolution et contre l‘obscurantisme, sa voix résonne comme un cri qui n‘a été bien entendu.

Quoi qu‘il en soit, Kateb Yacine laisse l’héritage énorme d’un précurseur sans pareil pour toute personne soucieuse de comprendre ce que liberté, écriture, poésie, politique, Algérie, théâtre et engagement veulent dire.

Soulignons que l‘œuvre de Kateb Yacine est entrée au répertoire de la Comédie Française en 2003 par la volonté de l‘administrateur de l‘époque, Marcel Bozonnet.

Lavoirmoderneparisien.com

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