Exposition Picasso et les avant-gardes arabes,Institut du Monde Arabe -Tourcoing, Commissariat Mario Choueiry, historien de l‘art etFrançoise Cohen directrice de l‘IMA-Tourcoing, jusqu‘au 10 juillet 2022. / ima-tourcoing.fr
C’est un événement sans précédent dans l‘histoire de l’art contemporain : plus encore, c’est l’invitation à « une relecture de l‘histoire de l‘art » hors de ses scènes européennes, comme le suggère Françoise Cohen dans le dossier de presse.
© Portrait de Dora Maar » (Pablo Picasso/1937) & Visage d’Homme à la Bougie (Samir Rafi/ 1956)
Jusqu‘en 1900 on ne peint pas dans les pays arabes ! Cela ne signifie pas qu‘il n‘y avait pas d’art, il n ‘était pas connu et cela signifie surtout que les pays arabes étaient sous tutelle coloniale.
Depuis les campagnes napoléoniennes, les artistes européens découvrent ce qu‘il est convenu d’appeler l‘Orient, rencontre avec d’autres peuples et recherche de cette fameuse lumière unique qu’ils restituent sur leurs toiles. Cependant, deux manifestes des avant-gardes arabes tiennent Picasso comme l’axe central de l‘art : celui de 1938 d’Egypte et de 1951 d’Irak.
Dans le manifeste d’Irak, pour n’évoquer que celui-ci, il y est proclamé « la naissance d’une nouvelle école tant au nom de la civilisation irakienne que de la civilisation universelle » ; il a été rédigé par le jeune peintre Shakir Hassan qui avait compris que Picasso n‘avait pas de frontières et qu‘il a fécondé les avants - gardes de l‘Ecole de Paris.(Extrait de Shakir Al Saïd 1925-2004 de Mario Choueiry, Centre Culturel du Livre, 2019, p 41et sq).
Baya, Sans titre, 1998, Paris, musée de l'Institut du monde arabe,© Musée de l'IMA / Philippe Maillard
S’agissant de Pablo Picasso (1881-1973) certes, il ne s’est jamais rendu en pays arabes, il avait l‘ouverture du cœur et de l‘esprit qui ne l‘a pas empêché d‘en être imprégné et de dire « J’aurais aimé être oriental, tout ce qui touche à l‘orient me séduit. L’occident et sa civilisation sont des miettes de ce gigantesque pain qu‘est l‘orient ».(Extrait de Geneviève Laporte dans « si tard le soir … » éditions Plon, 1973, p134).
Picasso est resté en France de 1904 à 1973 c’est à dire tant que son amie et mécène Gertrude Stein arrivée elle aussi à Paris à la même date, habitait au 27 rue de Fleurus, où elle tenait un véritable salon-exposition permanente des peintres modernes jusqu‘à sa mort en 1946. Paris était connue pour être la place forte de l‘art et plus encore depuis 1904, date de l‘arrivée de Picasso à Paris et jusqu‘en 1929, année du Krach économique qui ébranla le monde.
Cette remarquable exposition Picasso et Les avant - gardes arabes à l‘IMA-Tourcoing est le fruit d’un travail exigeant comprenant 70 œuvres inédites, toiles, céramiques, dessins, sculptures et textiles de 32 artistes issus de 9 pays arabes ( noms des artistes ci-après).
Les œuvres ne sont pas classées. C’est au visiteur de se laisser porter par les œuvres et leur agencement.
Il y a deux œuvres politiques phares que nous retenons personnellement et qui ont marqué le monde entier : celle de 1937 Guernicaqui commémore le bombardement par les nazis de la ville basque éponyme, peinte dans son atelier de la rue des Grands Augustins à Paris. Cette œuvre deviendra le symbole de toute guerre qui a déchiré le monde arabe.
Et celle du portrait de décembre 1961 de Djamila Boupacha, en couverture du livre paru chez Gallimard, portant sur cette jeune femme indépendantiste algérienne emprisonnée, torturée et défendue en Algérie par maitre Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir notamment.
Pablo Picasso, Page de titre du livre de Djamila Boupacha de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir avec un dessin de Picasso, aux éditions Gallimard, 1962, Paris, Musée national Picasso - Paris, © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean© Succession Picasso 2022
Cette relecture n‘avait jamais été faite et qui plus est avec cette qualité, elle propose un regard inédit, un dialogue passionnant, une affiche remarquable.
Et c’est une révélation d’en connaître la genèse. Elle lève le voile sur un pan entier, méconnu de l‘histoire de l‘art arabe.
Comme une nouvelle Nahda, cette exposition donne l‘acte de naissance des avants - gardes arabes en termes artistiques.
A n‘en pas douter, comme le souligne Françoise Cohen, « cette exposition va ouvrir un nouveau champ de recherche » d’investigation, et d’intérêt et pas seulement dans le domaine de l‘art.
De quoi ravir un grand nombre de personnes dans le monde.
Liste des artistes présentés :
Pablo Picasso 1881-1973
Dora Maar 1907- 1997
Algérie :
Baya 1931-1998
M’Hamed Issiakhem 1928-1985
Mohamed Khadda 1930-1991
Egypte :
Ezekiel Baroukh 1909 – 1984
Inji Efflatoun 1924-1989
Abdel Hadi Al Gassar 1925-1966
Samir Rafi 1926-2004
Ramsès Younan 1913- 1966
Irak :
Dia Al Azzawi né en 1939
Hafidh Droibi 1914-1991
Jamil Hamoudi 1924-2003
Faik Hassan 1914-1992
Sakir Hassan al Said 1925- 2004
Kadhim Haydar 1932- 1985
Nazar Selim 1925-1982
Jewad Selim 1919- 1961
Lorna Selim 1928-2021
Liban :
Wahid Bteddini 1929-2011
Rafic Charaf 1932-2003
Saliba Douaihy 1915- 1994
Laure Ghorayeb née en 1931
Paul Guiragossian 1926- 1993
Nabil Kanso 1940- 2019
Hussein Madi né en 1938
Aref El Rayes 1928- 2005
Maroc :
Miloud Labied 1939- 2008
Palestine :
Mustafa Al Hallaj 1938- 2002
Soudan :
Ibrahim Al Salahi né en 1930
Syrie :
Nasser Chaura 1920-1992
Mahmoud Hammad 1923-1988
Adham Ismaïl 1922- 1963
Alwani Khozaima né en 1935
Hatem Al Mekki 1918- 2003