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Billet de blog 3 avril 2024

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Centre de reproduction d'esclaves – Un secret bien gardé

Combien de centres de reproduction d'esclaves méconnus au Portugal et en Espagne ? Un secret qui en dit long sur une pratique inhumaine.

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Lors de mon passage à Alvito au Portugal, l'année passée, je présentai mon dernier ouvrage « Benkos Biohò – L'esclave libre ou le roi de la Matuna. » Figure emblématique de la résistance d'un jeune qui devint le leader charismatique de l'émancipation des esclaves en Amérique du Sud.

Après avoir visité sa palenque à San Basilio en Colombie et m'être rendue sur les îles Bijagos en Guinée Bissau d'où il était originaire, je décrivis son parcours et ses luttes; vendu par les Portugais aux Espagnols en Colombie, il s'enfuit et parvint à créer une palenque toujours existante, à ce jour. La Couronne d'Espagne dut proposer un traité de paix avec Benkos Biohò pour mettre fin à sa lutte armée. Un exemple parmi tant d'autres de résistance extraordinaire de femmes et d'hommes et pas suffisamment relatée. 

Durant ma présentation devant un parterre d'une trentaine de personnes, je vois quelqu'un qui se lève et crie : « Au Portugal, nous sommes des hypocrites, à moins de 50 km d'ici, il a existé un centre de reproduction d'esclaves, tout le monde le sait et personne ne dit rien ! » des gens se mettent à pleurer. Surprise par cette intervention, je me retourne vers l'historienne et la traductrice qui m'accompagnent et elles confirment d'un signe de tête dépité.

En menant l'enquête, je finis par trouver l'information via un article : « O segredo dos escravos reprodutores » qui relate effectivement un centre de reproduction d'esclaves à la Vila Viçosa siège de la maison ducale de Bragance dans l'Alentejo et cité par un voyageur italien Venturino, au XVIème siècle, texte qui se trouve à la Biblioteca de Ajuda.

Une pratique immonde et crûment décrite, des femmes esclaves sont violées par d'autres esclaves mâles en vue uniquement d'être fécondées pour la revente de leurs enfants.

Ce commerce inscrit sous la vente de chevaux n'apparaît pas dans les chroniques historiques de façon claire et c'est la raison pour laquelle sans doute que ce trafic a rarement été cité par les historiens, le travail de recherches reste à faire au Portugal et en Espagne.

Combien de centres de reproduction d'esclaves sous le couvert de reproduction d'animaux ? La question même soulève l'indignation. Mais le travail historique doit se faire et il n'a pas encore commencé.

Pardon à tous les descendants d'esclaves de devoir traiter de sujets aussi odieux, or, il n'y a pas de construction durable sans vérité historique.

Bravo à la journaliste Christiana Martins pour son courageux article :

https://expresso.pt/sociedade/2015-12-08-O-segredo-dos-escravos-reprodutores

Autre article sur une ferme d'élevages d'esclaves américaine

https://ichi.pro/fr/le-modele-typique-d-une-ferme-d-elevage-d-esclaves-americaine-186976879359787

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