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Billet de blog 18 octobre 2025

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Mines de phosphate en Tunisie - Silence, on tue

La région de Gabès intoxiquée par les émanations toxiques d’une usine de phosphate opérée par le Groupe chimique tunisien (GCT) soulèvent des milliers de personnes qui manifestent pour la fermeture du site suite à de nombreux cas de contaminations, 310 depuis le 9 septembre.

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Plus de 120 personnes hospitalisées, à Gabès, depuis le 10 octobre. Malaises, asphyxies,  maux de crâne, sensations de brûlure, évanouissements, les intoxications deviennent plus nombreuse suivies parfois de paralysie.

L’usine installée depuis les années 1970 déverse ses fumées nauséabondes et toxiques dans la région de Gabès, ville portuaire située sur la côte est du pays. Lors de manifestations violemment réprimées, la population exige le démantèlement et la fermeture du site incriminé.  Des collégiens ont été contaminés et emmenés d’urgence à l’hôpital tandis que les secouristes portaient des masques à oxygène. Pas de communication, manque de transparence de la part du site incriminé.

Les sols, les eaux, les poumons des habitants, tout est impacté par ce que la Tunisie considère comme son or;  le phosphate utile comme fertilisant qui est une des principales ressources naturelles du pays. Un maximum de profit avec un minimum de maintenance au détriment d’une population prise au piège d’un mirage économique. Le GCT (Groupe chimique tunisien) décline sous toutes ses formes sur son site son engagement sociétal, environnemental et humain; une stratégie largement utilisée par les plus grands pollueurs de la planète qui brandissent l’étendard de leur éthique comme écran de fumée.

Et toujours dans le sud tunisien, que dire de la mine de phosphate de Mdhilla, située sur la terre de mes ancêtres proche de Gafsa? En 1947, mon père ancien mineur dans ladite mine à l’époque entre les mains des Fançais défendait déjà en sa qualité de syndicaliste à l’UGTT,  les mineurs et leurs conditions de travail précaires et dangereuses. Celui qu’on surnomma le Lion d’Orbat pour sa résistance armée contre la présence française peut se retourner dans sa fosse commune, rien n’a changé. La mine continue à tuer, la population s'asphyxie, les poumons des vieux mineurs déchirés par des quintes de toux interminables, les nombreux autres ne toussent plus, ils sont déjà morts. 

Aujourd’hui, les mines de  El Mdhilla, dans le gouvernorat de Gafsa, sont vétustes, elles polluent la région. Un projet d’usine de triple superphosphate (TSP) est à l’horizon. L’objectif est de produire 400 000 tonnes de TSP et 180 000 tonnes d’acide phosphorique par an pour générer un chiffre d’affaires de 521 millions de dinars.

Les affairistes ont toujours pignon sur rue et la rue contre eux, comme disait mon père : »Il suffit de couper la tête pour que les racines dessèchent. »  Continuer à faire du rendement dans des régions défavorisées et celles du Sud particulièrement , continuer à produire en tuant des vies, continuer à s’attaquer à l’environnement c’est l’assurance garantie de soulèvements et d’opposition radicale d’une population dont nul ne tient compte ni dans sa santé, ni dans ses besoins.

Après Gabès, il faut s’attendre probablement à des soulèvements à Gafsa. Un  nouveau Printemps arabe sous les émanations toxiques des usines de phosphate?

Silence, on tue………….

MINE DE PHOSPHATE DE MDHILLA , GOUVERNORAT DE GAFSA 

photos © D.Chraïti

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