C’est une décision qui si elle est entérinée sera lourde de conséquences. Elle met en danger l’industrie de défense nationale et affaiblit la France sur le plan international en en faisant un acteur de peu de foi. On peut se demander si la décision de cette suspension n’a pas été prise ailleurs, à Washington, et ce à la veille du sommet des chefs d’Etats de l’OTAN qui s’annonce comme l’antichambre d’une nouvelle escalade guerrière en Europe.
Dès l’annonce de la "suspension" de la vente des porte-hélicoptères à la Russie, l’information a été relayée dans les médias russes. Néanmoins, le porte-parole du ministère des affaires étrangères de Russie a déclaré que la Russie n'a pas reçu de lettre officielle de la part de la France suspendant la vente du 1er Mistral et que celui-ci n’était que "reporté" d’un mois.
Si cette "suspension" devait être confirmée, les conséquences seraient relativement lourdes pour la France. Ce serait une perte sèche d'1,2 milliards pour l'Etat, à laquelle il faudrait ajouter l’amende pour non-respect du contrat signé - au moins 3 milliards d'euros. Bien évidemment, le pire serait le désastre humain que subiraient les ouvriers des chantiers navals de Saint-Nazaire entre autres ; plusieurs milliers d’emplois directs et indirects sont menacés.
Les Russes eux souhaitent acheter les bâtiment de projection et de commandement de classe Mistral afin d'acquérir deux "briques" (ou composantes technologiques) qu'ils ne maîtrisent pas parfaitement : un système efficace et sécurisé de communication entre bâtiments en mer et un système de contre-mesures électroniques pour les opérations navales.
Ici, la réaction de Jean-Luc Mélenchon sur son blog à l’annonce de la "suspension" de la vente du porte-hélicoptères de classe Mistral à la Russie : http://www.jean-luc-melenchon.fr/2014/09/03/navires-mistral-francois-hollande-commet-une-trahison-insupportable/
En prenant cette décision, François Hollande fait un pas de plus dans celui des étasuniens en provoquant la Russie, là où la France devait tenir un rôle d’arbitre et de pacificateur. Il ne fait que poursuivre son penchant belliqueux qui l’a conduit à envoyer les navires de guerre français Dupuy de Lome et Alizé en Mer Noire pour espionner les Russes.
Ici le communiqué du Parti de Gauche sur la présence de la flotte française en Mer Noire : http://www.lepartidegauche.fr/actualites/communique/que-fait-la-flotte-francaise-en-mer-noire-27937
Cette décision de François Hollande consiste en un énième abandon de la souveraineté nationale et d’une nouvelle mise en danger - cette fois sérieuse - de l'ensemble de l'industrie de défense de la France.
Après l'épisode vénézuélien, où les Etats-Unis avaient fait pression sur Hollande pour interdire la vente des avions Rafale, c'est une nouvelle ingérence dans la politique souveraine de la France, au risque de saborder toutes capacités géostratégique propres.
Que peut gagner Hollande à satisfaire toutes les exigences les plus incroyables de Washington ? On se rappellera à ce titre l'indigne interdiction du survol du territoire national par l'avion présidentiel bolivien d'Evo Morales au titre qu'il aurait pu transporter Edward Snowden
On peut légitimement maintenant se poser la question de savoir si le chef de l'Etat ne trahit tout simplement pas l’intérêt national.
D'ailleurs, les Etats-Unis n'ont pas manqué de saluer une "sage décision" qui démontre clairement qui est le donneur d'ordre à l'Elysée : http://www.liberation.fr/societe/2014/09/04/ukraine-la-france-suspend-la-livraison-du-premier-mistral-a-la-russie_109338
Notons enfin que cette "décision" survient à la veille du sommet des chefs d'Etat de l'OTAN qui commence aujourd'hui 4 septembre et se prolongera demain à Newport au Royaume-Uni. Ce sommet se déroule dans un contexte de tensions fortes entre l'OTAN et la Russie sur le dossier ukrainien et au moment où... la Russie propose un plan de paix et un cessez-le-feu applicable aux belligérants dans la guerre civile qui sévit dans l'est de l'Ukraine, ce qui rend la "décision" (dictée ?) de Hollande particulièrement étonnante.
Le plan de paix tel que proposé par la Russie se décline ainsi :
- Arrêt des opérations militaires des forces rebelles et des milices gouvernementales.
- Éloigner significativement des villes les unités régulières de l'armée ukrainienne, en particulier les unités d'artillerie.
- Les tirs d'artillerie sur les civils doivent cesser.
- L'utilisation des avions doit être exclu (exclusion aérienne - ce qui dans les mêmes circonstances ou presque était demandé par les pays occidentaux lorsque l’aviation de Kadhafi bombardait les civils à Benghazi).
- Le cessez-le-feu doit être garanti par des observateurs internationaux.
- Procéder à un échange de prisonniers "sans conditions" et "tous contre tous".
- Mise en place de couloirs humanitaires pour faire parvenir l'aide nécessaire aux populations civiles déjà en grande détresse.
- Reconstruire rapidement les infrastructures publiques.
Tout un chacun pourra constater que ces clauses ne semblent pas particulièrement choquantes. Toute personne recherchant sincèrement la paix devrait y trouver son compte.
(Ici, l'article de RFI sur le sujet) : http://www.rfi.fr/europe/20140903-ukraine-poutine-porochenko-russie-propose-plan-paix-sept-points/
La "décision" de "suspendre" la livraison des porte-hélicoptères survient donc à un bien mauvais moment, justement quand chacun devrait chercher des moyens d’apaisement. On peut supposer que par cet effet d'annonce, Hollande veut faire bonne impression auprès d'Obama. Mais à quelle fin ? Que peut-il attendre en échange du sacrifice de l'industrie de défense française dont profitera bien évidemment celle des Etats-Unis ?
Dans la même logique que la "décision" prise par Hollande, peu avant l'ouverture du sommet de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN (qui sera remplacé par Jens Stoltenberg), a critiqué la proposition de cessez-le-feu de la Russie. On peut dès lors s’attendre à ce que risque d’être ce colloque, une escalade dans les tensions avec la Russie.
La chose semble entendue puisqu’on assiste en parallèle à ces événements à un coup de force au parlement européen. Martin Schulz a passé un accord avec Petro Poroshenko pour accélérer la procédure de ratification de l'accord d'association UE-Ukraine. Concrètement, et concrètement à toutes les procédures du parlement européen, aucune étude d'impact, ni demande d’opinion dans la commission parlementaire du Commerce international ne seront effectuées.
On peut réellement se demander quel jeu dangereux jouent l'OTAN et les Etats-Unis et jusqu'à quel point ils sont prêts à menacer la paix en Europe, car, comme l'a avoué Rasmussen il y a peu, les événements d'Ukraine justifient l'existence de l'OTAN.
Encore une fois cet épisode montre combien, dans l'intérêt national, dans l'intérêt de la défense de la souveraineté nationale et populaire, dans l'intérêt de la paix, la France doit sortir au plus vite de l'OTAN et reprendre le rang international qui est le sien.
On ne peut pas impunément servir les intérêts des Etats-Unis et jouer avec la paix et la vie des Européens. Un président de la République française n'est pas élu pour ça.