Je ne le connaissais pas vraiment, j’avais du le croiser une ou deux fois, j’étais là car il a été le compagnon d’une amie chère, Delphine. Ensemble ils ont eu deux garçons, Marius et Nino. Le rendez-vous était fixé à 13H30, devant la salle de la coupole. Dès 13H, l’esplanade a commencé à se remplir, comme ça se passe toujours dans ces moments là, des groupes se formant au gré des affinités ou (re)connaissances, d’hier ou d’aujourd’hui. A l’heure dite, plus de trois cents personnes étaient rassemblées et ont commencé à s’acheminer vers l’entrée, trop tôt et donc arrêtées par le maître de cérémonie. A ce moment, le corbillard est arrivé et la petite foule s’est fendue en deux, faisant une haie spontanée au cercueil, avec quelque chose d’à la fois solennel et protecteur. Ensuite, il a été annoncé que les membres de la famille devait s’avancer en premier, suivis des proches et des « autres » distinguo approximatif qui fut peu respecté. Très vite les places assises furent occupées ainsi que les travées latérales et centrale, nombre d’autres restant dehors.
L’ambiance était au recueillement et à la tristesse, et singulièrement pas à la colère, du moins ouvertement exprimée. Une belle photo de Nicolas, imprimée sur une bâche, nous faisait face. Sur son visage, quelque chose d’à la fois goguenard et perplexe, comme s’il se disait « alors vraiment, vous êtes tous venus.. ». Les témoignages se sont succédés, de celles qui ont partagé sa vie, de ses enfants, de son père, de ses amis, de ses collègues d’université.
En les entendant, les uns et les autres, serré contre ma fille Lisa, plus émue que moi encore, m’est venue l’idée et l’envie de ce billet. Pour dire combien, en cette après-midi d’automne, se racontait à la fois la vie d’un homme de 43 ans riche de rencontres, d’émotions, de bonheurs et de moments plus compliqués, d’un homme aimé, entouré. Mais à travers lui j’ai entrevu, et je n’étais sans doute pas le seul, l’absurdité de ces vies sacrifiées sur l’autel d’une cause au sens propre insensée. Ces cent trente existences d’hommes et de femmes, jeunes beaucoup et moins jeunes aussi qui en ce soir là n’aspiraient à rien d’autre que continuer à vivre le plus intensément possible. Et d’éprouver, devant une scène ou sur une terrasse de café, toujours plus ce qu’il en est de la liberté de se retrouver, de s’étreindre, de s’apprécier, de s’aimer, de partager ses idées pour tomber d’accord ou s’engueuler.
Nicolas, comme les cent vingt neuf autres, sont nos repères absolus, nos vigies qui sans cesse nous répèteront que sur rien désormais il ne faut céder.
Comme nous nous le disions avec mon ami Jean, en sortant du Père Lachaise, si les terroristes ont pour l’instant réussi à instiller en nous un sentiment d’intranquilité, il faut lui résister et ne pas renoncer à s’avancer la main tendue. Comme Peter Falk dans Les ailes du désir: «Compañero(s) »