Décidément ça ne passe pas.
Le hasard des embouteillages aidant, j’ai entendu l’édito politique de Thomas Legrand diffusé dans le 7-9 de France Inter le vendredi 23 janvier 2015 ( en rediffusion ici:http://www.franceinter.fr/emission-ledito-politique-la-fracture-territoriale ). Il était consacré au commentaire du discours de manuel Valls de la veille sur la nécessité d’une politique de peuplement pour encourager la mixité sociale et s’intitulait « La fracture territoriale ». Après avoir rappelé que chacun entretenait ses stéréotypes sur ces sujets, il a lui même égrené les poncifs en brodant autour de la vieille opposition entre banlieues Ouest et Est, dans les grandes villes au début, et en Ile de France ensuite.
Le ton m’avait déplu, le contenu aussi mais, m’étais-je dit, « aussi vite entendu, aussi vite oublié » sauf que cette fois non. Plus d’une semaine après, je l’ai réécouté et ce qui m’avait gêné la première fois m’a sauté aux oreilles: un éditorialiste peut dire à peu près n’importe quoi pour autant qu’il en reste aux généralités et que son ton soit assuré.
En l’occurence, parmi un florilège d’approximations parfois limites (la transhumance est/ouest quotidienne qui concernerait principalement les populations immigrées, ah bon, on a des statistiques ethniques pour les transports en commun?), une phrase m’a choqué, sans doute parce qu’elle touche au coeur de ce que je défends au quotidien: le maillage culturel du territoire, la relation à l’art et à la création au plus près des habitants. Thomas Legrand, tout au manichéisme de sa démonstration, a asséné que « les équipements culturels et sportifs de qualité (en Ile de France) sont à l’Ouest » privant ainsi « les plus pauvres » de leur usage. A une exception près a-t-il ajouté, la Plaine-Saint-Denis, j’imagine qu’il pensait au stade de France sans doute sa seule référence en termes d’équipement sportif (plus au Nord qu’à l’Est d’ailleurs).
Ainsi la Seine-Saint-Denis, pour ne pas la nommer, manquerait d’équipements culturels? Passons-les en revue: 3 centres dramatiques nationaux à Montreuil, Aubervilliers et Saint-Denis, pour mémoire les Yvelines, en ont 1 et les Hauts de Seine en ont 2; une scène nationale de réputation internationale, la MC 93 à Bobigny; une seule scène conventionnée à Tremblay-en-France depuis la fermeture du Forum du Blanc-Mesnil par une municipalité obtuse qui a refusé d’admettre que 70 % du public étaient originaires de la ville. Près d’une dizaine de théâtres de ville à la programmation régulière et pluridisciplinaire.
Sur chacune des 40 communes, existent un conservatoire et au moins une médiathèque - sans exception qui dit mieux en termes de proximité? - et sur plus d’une moitié d’entre elles un cinéma d’art et essai. Sans parler des nombreux festivals qui jalonnent l’année, de la présence d’établissements publics nationaux tels le centre national de la danse à Pantin ou les archives nationales à Pierrefitte et les nombreux projets menés par d’autres sur le territoire, je pense à la Philharmonie (projet DEMOS), au Centre Pompidou, à la Comédie française ou au Louvre etc...
Le public séquano-dyonisien, tout autant scolaire que familial, est au rendez-vous, parfois aussi le public parisien mais depuis quand serait-il proscrit des salles de banlieues, la mixité c’est cela aussi, non ?
Pour les équipements sportifs, la situation est en effet plus complexe et des efforts, en cours, sont à prolonger pour augmenter l’offre, notamment de piscines.
Faut-il le rappeler, le 7-9 est l’émission matinale la plus écoutée en France. A minima un journaliste se doit de prendre le temps de se documenter pour informer les autres, visiblement ce n’était pas le cas de Thomas Legrand ce jour là.