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Billet de blog 9 mai 2020

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Les objets nous regardent

Entre temps perdu et temps retrouvé se pose la question de notre inscription dans le temps suspendu du confinement

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans tous les films d’Ozu apparaissent des « plans vides », c’est-à-dire sans personnages et sans lien avec l’intrigue. Pour ceux filmés en intérieur, ce vide est relatif dans la mesure où le plan en question s’organise souvent autour d’un objet du quotidien, un vase, une théière qui prennent de ce fait une valeur particulière. Au point que des critiques de cinéma ont pu dire qu’à ces moments du film ce n’étaient plus nous qui observions ces objets mais eux qui nous regardaient, introduisant un état de fait qui allait au-delà du simple effet miroir ou de la symbolisation.

 Cette approche croise celle de certains chercheurs (Marielle Macé par exemple) sur la place que nous accordons aux êtres non-vivants et sur l’attention que nous portons à ce qui relève de l’inanimé.

 Il semblerait que la singularité de ce temps de confinement ait amplifié nos capacités à percevoir ce qui, d’habitude, nous échappe et donne à cette question une acuité particulière.

 Qu’en est-il des humains assignés dans un espace intérieur restreint et autoriser à se déplacer à l’extérieur selon des règles et une temporalité strictes ?

 Une part se rattache au numérique, à la capacité de ses outils (gps, caméras) et de ses supports à scruter l’homme jusqu’à, d’une certaine manière, l’introspecter. Le sujet, largement débattu en cette période dite de déconfinement, est trop vaste pour être ne serait-ce que survolé ici.

 Une autre dimension, ayant trait à l’évolution de nos points de vue lorsque l’occasion nous en est donnée, est tout aussi intéressante en ce qu’elle met en tension, à savoir l’interaction entre humains et non-humains.

 Deux exemples issus d’expériences personnelles :

 Le confinement a commencé au début du printemps, période où les feuilles des arbres n’avaient pas encore poussées. Pour qui se promenait, durant son heure légale non joggée, autour d’un parc, de jour en jour le ciel devenait moins visible au travers des branches, le vent plus perceptible, le vert s’imposait, le tout provoquant un effet de resserrement autour du marcheur. Alors que la nature dénudée semblait en mars indifférente au passant, en ce début mai elle l’interpelle et interroge sa présence.

 Lors des promenades plus urbaines, le passage devant les vitrines est là aussi, sujet à transformation : Assignés et provisoirement inaccessibles, les livres, les vêtements, les produits cosmétiques, etc… guettent notre passage et nous interrogent autant sur notre utilité que sur la leur ; de même pour les voitures, privées de leur mobilité et donc stationnées toujours au même endroit.

 Alors peut-être que ces temps troublés ne l’ont pas seulement été en négatif et auront permis à quelques-uns (dont je suis) de percevoir ce qui jusqu’alors leur échappait.

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