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Billet de blog 11 octobre 2013

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BEAU COMME UN CAMION/In memoriam Patrice Chéreau

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Combien de fois ai-je pensé à lui, le regard attiré par son nom au bas des poids-lourds croisés sur l’A86 ou sur la Francilienne? Tous les jours à vrai dire, et cela parce qu’un certain Chéreau, un jour, s’est lancé dans l’aventure de la carrosserie de camions, et y a depuis fructifié.

Cela m’a toujours fait du bien de penser à lui car, et nous sommes beaucoup, je l’ai toujours considéré comme un maître, au sens le plus simple et le plus plein du mot. Il était celui qui avait réalisé ses rêves d’adolescent, qui avaient su se faire aimer, celui dont les doutes chassaient les nôtres, dont l'indépendance d’esprit nous libérait par procuration. 

Et bien sûr l’artiste absolu.Qui n’a jamais vu sa dernière mise en scène de «Dans la solitude des champs de coton», celle où il interprétait le rôle du dealer aux côtés de Pascal Greggory, ne saura jamais ce qu’il en est du jeu et de la tragédie. Et ne comprendra jamais pourquoi certains, dès que résonne karmacoma de Massive Attack, esquissent un drôle de pas de deux.

Il est celui qui, tout simplement, a accompagné ma vie, quand encore lycéen j’étais subjugué par l’affiche de «combat de nègre et de chien» dans le hall de la gare de Sartrouville, gardant en tête qu’il existait un théâtre des Amandiers où cela se jouait.

Puis Nanterre justement, où il m’accorda un rendez-vous dans son bureau parce qu’un de mes professeurs, Napo, le lui avait demandé. Sa patience, face à ma peu convaincante demande de stage, et une autre affiche, dans son dos, celle de l’homme blessé, le film dont il était si fier. 

Toutes ces petites histoires...Comme la fois où les représentations de son travail d’atelier sur Shakespeare avec les élèves du Conservatoire étaient complètes avant même d’être mises en location. Je lui avais écrit ma déception, au bon vouloir du Théâtre de l’Odéon où il répétait. Quelques jours après, un après-midi de pentecôte, il m’avait appelé pour me dire que non ce n’était pas normal et qu’il m’invitait un jour prochain. J’avais été bouleversé par ce geste, j’aimais l’idée que cet homme adulé puisse aussi être généreux et spontané, à l’écoute. 

Dernièrement, je me suis lié d’amitié avec l’un de ses très proches et, c’est étrange, je n’ai pas osé lui dire la place inconditionnelle que son ami avait dans ma vie, il le découvrira peut-être en lisant ces lignes. 

Le chagrin est là, massif. Je repense à ce mouvement de tête très particulier qu’il avait souvent, qui semblait pousser plus loin ses mots. Ce quelque chose de têtu, d’obstiné.  

Allez, il n’aurait pas aimé les pleurs, je ferme les yeux et je le revois, beau comme un camion.

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