Il y a un peu plus de trois ans, j’ouvrais ce blog pour rendre hommage à Patrice Chéreau qui venait de mourir. Depuis les années 80, il était ma figure tutélaire, un repère dans une époque qui en manquait (déjà) cruellement. Avant tout par son engagement artistique, sa façon de ne rien céder sans se dérober, faisant œuvre et l’offrant à chacun sans prétendre qu’elle était partageable avec tous.
Dès cette époque, disons à partir des Amandiers, j’ai aimé sa façon de rester ouvert à l’air du temps, de saisir la fébrilité d’une société française qui, ayant mis la gauche au pouvoir, s’interrogeait sur des lendemains qui déjà ne chantaient plus.
Je retiens de lui ce devoir de lucidité, sur lui-même et sur la vie telle qu’elle allait, ne s’interdisant pas de prendre part au débat public lorsqu’il le fallait.
Cette digression pour dire que je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il aurait pensé, lui l’homme aux convictions attachées à une certaine idée de la gauche, de cette fin de quinquennat, de sa faillite morale, de son éclatement, de son incapacité à mobiliser autour d’idéaux sans s’auto-dénigrer.
En cette période politiquement troublée, à la veille d’élections à haut risque, j’aimerai tant que la voix des artistes se fasse entendre pour rappeler combien le sensible et la politique ont à voir ensemble, et pour ne pas laisser penser que ce qu’ils ont à dire se résume aux propos sans doute sincères mais caricaturaux des éternels emportés que sont Arditi ou Torreton, sans parler des éructations obscènes de Depardieu et de Renaud.