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En 1981, Jacques Rivette réalisait « Le pont du nord », malicieuse variation sur les mystères de Paris où des personnages énigmatiques parcouraient la ville en combattant des lions de pierre et des dragons en acier. La fin du film se déroulait dans le 19éme arrondissement, près du chantier du futur parc de la Villette, avec en arrière fond les abattoirs en cours de démolition.
Dans une des séquences, on voit Bulle Ogier téléphoner à l’homme qu’elle aime, pour ce qui sera son dernier coup de fil. Pourquoi certaines images se fixent plus que d’autres dans la mémoire des spectateurs ? Celle-ci m’avait marqué, peut-être par son harmonie entre le personnage et le lieu, tous deux tristes et empreints d’une infinie poésie.
Aujourd’hui, 35 ans après, la cabine téléphonique dans laquelle se réfugiait Bulle Ogier est toujours là, posée sur l’Ecluse qui relie les canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis. Sa présence laisse perplexe tant cet objet, jadis si familier, a disparu du paysage parisien. Au choix, on peut y voir l’oubli par France Télécom d’un objet hors d’usage, le lieu n’étant par ailleurs pas accessible au public.
On peut aussi imaginer une histoire de celles dont raffolait Jacques Rivette, où énigmes et terreurs enfantines se fixaient sur des objets et des lieux improbables. Qui sait si la cabine, n’a pas survécu tout ce temps pour nous permettre d’envoyer au cinéaste un dernier mot d’adieu, là où il est désormais…