Le T1: A la fois fondu dans le quotidien et le paysage urbain et objet de fantasme pour ceux qui le côtoient sans l’emprunter, réputé sale, malodorant voire dangereux depuis que s’est produit il y a quelques années une sorte d’ « attaque de la diligence » qui a marqué les esprits sans pourtant jamais se reproduire depuis.
Pourtant, pour qui veut vraiment découvrir ce département et ne pas se contenter des clichés ânonnés par des pseudo-affranchis du « 9-3 » qui, au mieux, ont parcouru à pied l’avenue Lénine pour se rendre la MC 93 ( cette dernière elle-même valant bien mieux que sa caricature, cela dit en passant), pour les dépasseurs de légende urbaines, je recommande vivement ce trajet qui très vite se transforme en voyage sociologique de première main.
Pour autant, bien sûr, qu’on se sente l’âme d’un observateur bienveillant plutôt que celle d’un voyeur ou d’un arbitre des élégances de la mixité sociale. Car, c’est un fait, le T1 est le mode de déplacement du pauvre, pauvreté qui, en Seine Saint-Denis, se corrèle fortement avec des origines immigrées. Et que rares sont parmi les voyageurs les cadres ou hipsters, la gentrification n’étant pas (encore ?) à l’œuvre dans les villes traversées.
On l’aura compris, j’aime prendre le T1 car il me donne l’impression, et sans doute plus, de me fondre dans la multiplicité des origines et des langues, les deux voitures du tramway formant comme un espace monde à échelle réduite, de mieux saisir ce qu’il y a de vain dans les discours propagandistes à l’œuvre actuellement sur les échecs de l’immigration, car ici, au propre comme au figuré, chacun à une place, assis ou debout, la civilité et la convivialité ont cours tout comme parfois les emportements c’est vrai. Je disais « précipité d’un territoire » car, en ce lieu confiné, cohabitent voiles et jeans déchirés, âges, nationalités et couleurs de peau dans une forme de banalité qui frôlent l’évidence, réponse silencieuse mais implacable aux extrémistes de droite et leurs placages idéologiques.
Les habitants donc, et leurs lieux de vie qui défilent eux aussi dans leur diversité. Par la vitre on aperçoit, ou on devine, certes des zones en déshérence aujourd’hui encore et ici plus qu’ailleurs, mais aussi des centres villes ou des cités rénovées, des zones piétonnes, des friches industrielles en devenir, bref un territoire vivant comme le sont ses habitants.
Si vous le pouvez, faites-en l’expérience : C’est un remède puissant pour résister à la mélancolie malsaine des déclinistes et autres affolés du « grand remplacement ».