Emmanuel Macron a, nous dit-on, fixé à sa nouvelle ministre de la culture une feuille de route l’enjoignant de marcher sur deux jambes, l’une rurale, l’autre urbaine. Nul besoin de trop chercher pour la première, de la page d’accueil du site ministériel aux dépêches de presse, le Printemps de la ruralité tient lieu de viatique, sans autre véritable substance que sa viralité médiatique. Tout nouveau tout beau, étouffant de son omniprésence toute velléité de rappeler qu’en matière de désert culturel, les banlieues en remontrent souvent aux campagnes (quartiers défavorisés/territoires ruraux selon une autre terminologie). Concernant cette autre jambe, les regards ont été priés de se focaliser sur les ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil, bébé chéri de l’Etat dont la légitimité à incarner à eux seuls le meilleur de la démocratisation culturelle est pour le moins discutable. Car, assumé ou non, le fait est que cette institution, qui s’appelait au départ la villa Médicis des banlieues, a été conçue et pensée comme un emblème et un outil de reconquête, devenu depuis une vitrine voire un paravent destiné à masquer l’indigence de l’action publique en milieu suburbain. Non par l’inexistence de cette dernière mais par sa dilution dès lors qu’il s’agit de soutenir de manière conséquente et spécifique les initiatives relevant de l’éducation artistique et culturelle. En ce sens, la surexposition des MJC par la ministre est symptomatique, en cela qu’elle légitime comme acteur majeur des structures qui ont peu à peu disparu des centres urbains ou périurbains ( 58 en Ile de France pour 1000 sur la France) et ne peuvent constituer le bras armé d’un renouveau en la matière, d’autant que leurs pratiques en matière d’EAC sont pour le moins disparates et parfois obsolètes ( cf le débat jamais éteint autour des pratiques relevant du socio-culturel plutôt que l’action artistique, avec en son cœur la place des créateurs, de leurs œuvres et des processus de création).
Et corollaire de tout cela, la mise sous l’éteignoir de la question primordiale du soutien financier aux collectivité locales, asphyxiées par l’écart croissant entre leurs ressources en baisse et leurs dépenses en augmentation (le fameux effet ciseaux), au premier rang desquelles devraient figurer les villes accueillant les populations les plus pauvres. Car, pour beaucoup de ces dernières, qui peinent à financer leurs missions régaliennes, la question est désormais d’examiner quels pans de politique publique (non obligatoire) vont devoir être revus à la baisse et on sait qu’à cette aune la culture se retrouve souvent bien mal lotie. Et ce ne sont pas les dispositifs disparates et autres appels à projets qui sont susceptibles de remédier à cette situation. Pour inverser cette pente, seule une contribution pérenne et spécifiquement fléchée de la part de l’Etat en direction des collectivités, par exemple sous la forme une dotation globale culturelle, permettrait de redonner un nouveau souffle à une ambition culturelle porteuse d’émancipation et d’épanouissement. Comme un souffle printanier, en somme !