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Billet de blog 21 octobre 2014

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Intervalle, parenthèse, suspension: de l'usage de la typographie dans la réappropriation du temps.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Etre en activité, aujourd'hui, signifie souvent être en suractivité, non seulement professionnelle mais aussi personnelle. Nouvelles technologies aidant, les pratiques se sont démultipliées sans réelle possibilité de les contingenter. La gestion du temps n'est plus une question de compétences ou d'aptitudes à acquérir, sauf dans des stages aux contenus obsolètes. Les moments qui nous constituent sont devenus poreux et fongibles. Notre présence matérielle et immatérielle semble devoir s'envisager dans des formes de simultanéité de plus en plus complexes.  

Et chacun de se poser la même question: "Comment/où trouver le temps de... ?" et de tenter une réponse. La mienne sera celle-ci, en référence au titre de ce billet: Le temps est là où une discontinuité peut advenir. Preuve par trois:

Intervalle: La durée, telle qu'envisagée par nos contemporains, est contrainte: les horaires règnent en maître, ils nous aliènent et obligent  à nous déterminer en fonction d'eux. Avec comme résultat paradoxal que plus nous nous y conformons et moins nous maitrisons notre temps. Combien de fois à la fin d'une journée, avons-nous l'impression d'avoir été plus souvent en retard qu'à l'heure? 

Se poser la question de la durée, c'est déjà répondre en partie à la question.Hors la tyrannie des horaires imposés, sur laquelle on ne peut mais, il faut oser jouer des intervalles, c'est à dire imposer un tant soi peu son rythme plutôt que le subir, en recréant des plages de temps qui nous soient propres. Nombre d'évènements quotidiens relèvent d'une durée inadéquate, plus souvent trop longue que trop courte. Jouer de l'intervalle consistera à  bousculer cette durée de façon inopinée, de telle manière à ce que les instants dégagés puissent nous profiter, pour brefs qu'ils soient. Ainsi d'une réunion sur laquelle on a la main et qu'on décide d'abréger ou d'un diner avec des amis dont on décale l'heure. La saveur du temps libéré au dernier moment n'a pas de prix.

Parenthèse: Dans ce cas, il s'agira plutôt de considérer un événement dans sa totalité et de s'interroger sur le caractère nécessaire, non de sa durée même, mais de sa présence dans la chronologie où nous l'avons assigné. Et de faire accepter l'idée qu'il est envisageable de l'inscrire, le cas échéant, dans un autre chronologie, cf le cas classique des anniversaires à fêter le jour même ou pas. Ce qui importe, c'est s'autoriser à sortir de la rigidité des obligations et des rituels qui rend quasi-impossible toute disponibilité.

La mise entre parenthèses représentera la possibilité de rendre différable un temps "incontournable", une forme d'ajournement sans autre conséquence que, là encore, laisser la place pour autre chose. 

Suspension: Sans doute le plus délicat car sollicitant non plus la maîtrise mais la déprise voire la vacuité. Les deux propositions précédentes visaient à dégager du temps potentiellement mobilisable pour le partager avec d'autres alors que cette dernière est sans doute plus égoïste... La suspension dont il est question est le moment où l'attention, non pas flotte, mais est concentrée sur un sujet qui nous fait du bien et qui n'a évidemment rien à voir avec la situation dont on est partie prenante. Le cas typique est la réunion de groupe, qu'il s'agisse d'un repas de famille, d'une discussion entre amis ou d'un cours. Là encore du temps se regagnera si une pensée a percé là où on l'avait trop longtemps laissé en jachère. 

Voilà ma modeste contribution à la question, sans doute trop volontariste, mais tout de même je veux croire aux vertus de ces micro-résistances. Tempus fugit etc...

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