Numéro spécial de Libé aujourd'hui, mediapartlive il y a quelques jours: Le Bondy Blog semble plus que jamais porter à lui seul la "voix des banlieues", en cette période de haute intensité commémorative.
Quelle que soit la sympathie qu'on porte à cette aventure, et l'empathie ressentie pour ceux qui en sont les acteurs, cette surexposition interroge.
Sur la forme d'abord, il n'est jamais sain d'être à la fois le témoin, l'analyste et le commentateur de ce qui est constitutif de sa propre histoire, et c'est pourtant ce à quoi se prête le Bondy Blog, qui plus est sur une mode plus simultané qu'alternatif. Au risque d'entretenir le doute sur l'objectivité de son regard. La réponse a déjà été donnée, elle consiste à revendiquer l'invention d'un récit de la banlieue et des ses habitants, de vouloir en raconter les histoires grandes ou petites. Pourquoi pas mais, là encore, on peine à distinguer ce qui relève du récit ou de l'humeur, de la conversation ou de l'interview.
De même pour les contenus qui, doux paradoxe, par leurs angles même entretiennent une idée commune, si ce n'est caricaturale, de ce qu'est la banlieue. A trop vouloir exemplariser, ou emblématiser, on finit par entretenir les clichés qu'on pense combattre.
Un exemple dans la rubrique culture du numéro spécial de Libé, les lignes d'introduction de l'interview de Fleur Pellerin: " Symptôme d'une culture dissemblable (sic), relayée au rang de sous-catégorie, les territoires péri-urbains dans leur globalité, et la Seine-Saint-Denis en particulier, sont aussi à la périphérie des politiques publiques." Passons sur le style approximatif, le blogueur n'est pas un journaliste, mais comment peut-on, en si peu de mots, accumuler autant d'approximations et faire preuve d'une telle absence de nuance? Entretenir l'idée que les banlieues sont des déserts culturels, pour un media qui revendique son ancrage territorial, démontre une méconnaissance totale de la question:Chaque ville de Seine-Saint-Denis dispose d'un conservatoire, d'une ou plusieurs médiathèques, une sur deux possède un cinéma d'art et essai, toujours financés par les collectivités locales malgré les coupes budgétaires de l'Etat.
De même pour l'entretien qui, sous des dehors un peu punchy, en fait sert la soupe à la Ministre et lui permet une nouvelle fois de sortir une de ses énormités: Qui peut croire qu'après être passée par l'ESSEC, Sciences-po et l'ENA, elle a "mis 25 ans avant oser entrer à l'opéra" et qu'elle ne se "sentait pas légitime" dans sa médiathèque de quartier. Comment ne pas relancer et relever l'improbabilité de sa réponse ?
Qu'un espace de paroles et d'écriture comme le Bondy Blog ait pu naître et exister, nul ne le conteste. Mais en aucune manière il ne constitue un modèle. Le consensus dont il a toujours bénéficié ne l'a sans doute pas servi et fait qu'aujourd'hui nombreux sont ceux qui y voient un label voire une marque plutôt qu'un laboratoire des expressions urbaines. C'est dommage.