Chacune des Marches a son esprit propre. Il est présent dès le début selon les gens qui démarrent la marche, et même s'il se peut que les participants changent, généralement l'esprit reste.
Si la marche est bordélique les premiers jours, il est probable que ça continuera de la même façon. On peut discuter à perte de vue, on peut élaborer des schémas organisationnels parfaits jour après jour, mais en pratique ça ne marche pas.
Arras, 1 er Octobre, 68 è jour de la Marche vers Bruxelles, 31 km depuis Acheux.
Chers Tous,
Chacune des Marches a son esprit propre. Il est présent dès le début selon les gens qui démarrent la marche, et même s'il se peut que les participants changent, généralement l'esprit reste.
Si la marche est bordélique les premiers jours, il est probable que ça continuera de la même façon. On peut discuter à perte de vue, on peut élaborer des schémas organisationnels parfaits jour après jour, mais en pratique ça ne fonctionne pas.
Notre marche est loin d'être parfaite. On est forts, on a un tas de gens qui marchent, mais nous n'essayons pas vraiment d'intégrer les gens qui nous ont rejoints à Paris, tout comme nous n'avons jamais tenu compte de l'expérience des gens de la marche de Toulouse. On opère toujours de la même façon qu'à notre entrée en France.
A présent, il est trop tard pour essayer de changer les choses. Dans une semaine nous serons presque à Bruxelles. Néanmoins nous avons tenu hier une assemblée interne dont le thème central était le « vivre ensemble ».
Notre marche a rencontré tous les problèmes de la société. Vols, violence, tensions, conflits, parasitisme, comportements anti-sociaux, mensonge, menaces etc... La façon de traiter tout cela a consisté essentiellement à regarder ailleurs, et à parler dans le dos des gens.
Hier tous ces problèmes devaient être discutés en public. Au début de l'assemblée, on a proposé à ceux qui pensaient devoir reconnaître des erreurs, de se lever pour en parler
Silence complet. Une troupe d'anges. Tous, sauf une, notre camarade Grecque Marianne. Elle a participé à diverses commissions et ateliers, surtout aux Communications. Elle a admis qu'elle aurait pu faire plus que ce qu'elle avait fait. Elle est trop mignonne.
Après Marianne, tous ceux qui prirent la parole le firent non pour une auto-critique, mais pour s'auto-congratuler, et accuser les autres de leur manque de dévouement. Ils n'osaient pas le faire nominativement. Après tout nous sommes décents et compréhensifs, nous accusons seulement dans le vague, chacun sachant de qui nous parlons.
C'était immonde. Un instant, j'ai envisagé de faire cette proposition : notre marche est un échec, retournons tous chez nous. Au revoir, Bruxelles.
Je ne l'ai pas fait, bien sûr. J'ai rejoint ma tente, de laquelle j'ai entendu tous le reste.
Dans l'assemblée d'hier, notre (ex-) camarade Felix était présent. Il était venu nous saluer, seul. Les gens ont dû être soulagés, parce que ça permettait de lui tomber dessus plutôt que de nous questionner sur nos propres fautes.
Son addiction à la picole, l'argent, l'histoire de la sécession, tout a été redéballé. La discussion sur nos problèmes sociaux internes s'était muée en un tribunal révolutionnaire, un simulacre de procès. Une demi-douzaine de gens menaient l'attaque et les autres suivaient. Beaucoup de ces gens n'avaient jamais vu Félix ni entendu parler de lui et des Prétoriens auparavant, mais voilà qu'il se mettaient à brailler à pleins poumons de le virer et le crucifier. C'était la bête cachée dans chaque foule. C'était le spectre des fourches et des torches.
Felix n'a bénéficié d'aucune des garanties qu'une justice impartiale devrait offrir. Présomption d'innocence, droit à la défense, etc... Nous avons un besoin absolu de travailler là-dessus avant de changer le monde.
En tant que mouvement nous sommes ouverts et "tout compris". Nous n'avions jamais repoussé personne avant, même si on l'aurait dû. Cette fois les loups réclamaient le sang, si bien qu'une fois que l'accusation ait exposé l'affaire et fait taire l'accusé, le modérateur proposa le verdict.
Dans notre mouvement les propositions sont toujours formulées de façon négative. Non « Qui est d'accord pour...? » mais « Qui est radicalement contre....? »
Félix fut sauvé, parce que deux personnes bloquèrent le verdict. Ils argumentèrent que comme mouvement nous n'avions pas à virer les gens, mais à toujours essayer de résoudre nos problèmes en interne. La chose amusante est que ceux qui ont bloqué la décision ne faisaient même pas partie de notre marche. C'étaient des cyclistes de la marche Mediterranéenne, et ce matin ils sont repartis.
Leur intervention aurait pu avoir de graves conséquences. Parce que, quand Felix fut autorisé à rester, le camarade Charlie décida de partir avec sa camionnette. Cela aurait signifié que nous aurions dû trimballer sur le dos notre barda, et la cuisine.
Ce fut un plaisir de le voir réapparaître ce matin. Il s'est avéré que le procès d'hier soir était complètement superflu. Felix n'avait jamais eu comme première intention de rester. Il était déjà parti quand les gens se sont réveillés. Alors on a déjeuné, on a laissé nos sacs près de la camionnette et on a commencé à marcher comme si rien ne s'était passé.
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Original sur Spanish Revolution
Comme d'habitude, j'ai traduit à la volée avec mon intuition plus qu'avec le dico.
Mais de nouveau j'ai pris du retard, pour une question très bête. Je suis partie voir ma maman. J'avais déjà bossé sur les deux billets d'hier et d'avant-hier il ne me restait que les dernières finitions à faire) , et je croyais avoir sauvegardé tout ça sur mon disque dur nomade. Mais en fait, comme je n'en trouve pas trace j'en déduis que c'est resté sur mon ordi de Charente. Grr... Avec tous ces logiciels qui sauvegardent automatiquement dans le répertoire "mesdocuments" je me suis fait avoir. Pourtant j'étais sûre de tout sauver sur le disque externe!
Bon, je ne vais pas tout retaper, il faudra donc attendre mardi soir ou mercredi pour les traductions des billets du 30 et du 31 septembre.
Au demeurant, ce billet de "Kasper" me semble très intéressant, et appeler une réflexion sur les moyens dont se doter dans des groupes de ce type. J'ai quelques pistes... Mais pas trop de temps ce soir pour les développer.