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Billet de blog 3 octobre 2011

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Marche des Indignés -02/10 - Qui a peur du Grand Méchant Loup?

Mauvaises nouvelles... Je vais déroger à l'habitude que j'avais prise de mettre en valeur un extrait de billet. En effet, ces derniers jours il semblerait que les choses soient en train de se dégrader dans le groupe de l'itinéraire n° 1 vers Bruxelles. Nous saurons sans doute ailleurs, ou plus tard, comment se passent les choses sur les autres itinéraires. Il se trouve que pour ma part c'est ce groupe-là que j'ai rencontré en Charente et que je "suis".Mais c'est aussi celui auquel participe l'auteur du blog "Spanish Revolution".

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Mauvaises nouvelles... Je vais déroger à l'habitude que j'avais prise de mettre en valeur un extrait de billet. En effet, ces derniers jours il semblerait que les choses soient en train de se dégrader dans le groupe de l'itinéraire n° 1 vers Bruxelles. Nous saurons sans doute ailleurs, ou plus tard, comment se passent les choses sur les autres itinéraires. Il se trouve que pour ma part c'est ce groupe-là que j'ai rencontré en Charente et que je "suis".
Mais c'est aussi celui auquel participe l'auteur du blog "Spanish Revolution".
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Carvin, 2 octobre, 69 è jour de la marche vers Bruxelles, 30 km depuis Arras.
Chers Tous
Je suis arrivé à Arras hier avec le camarade Alexis. Il est resté avec la Marche ... il essaie d'éviter Cowboy et, là où c'est possible, la plupart des autres.
Alexis n'est pas une mauvaise personne ou un flemmard. Il se rend seulement le plus souvent impossible. Depuis qu'il a perdu foi en la Marche, voici une quinzaine de jours, il est devenu un petit peu plus sympathique. Maintenant, au lieu de se mettre en boule, il ironise sur les choses. Beaucoup de gens ne supportent pas ça, mais moi si.
A Paris il a passé quelques jours avec les Prétoriens. A ses yeux, ils doivent être apparus comme une bande d'escrocs à la petite semaine échappés d'un film de Woody Allen. Ils arpentaient les bourgs et les villes, demandant de l'argent pour le mouvement, mais leur butin ne s'élevait pas à grand'chose. A Paris ils voulaient sortir le grand jeu. Ils ont essayé d'ouvrir un compte en banque, sur lequel les gens des campements (restés en Espagne, ndlt) pourraient faire des dépôts pour la marche.
Cela n'a pas marché. Et cela s'est su... Mais j'aurais adoré voir ça. Le Cubano dans le rôle du grand-père, Félix dans le rôle de son auxiliaire, et Légionario dans le rôle du baraqué mononeuronal. Aucun d'entre eux ne parlant un mot de français, essayant de monter leur imposture à Paris.
Alexis, avec deux autres personnes qui en ont ras-le-bol, est parti ce matin pour prendre une autre route. On continue, mais non sans que quelques personnes aient instillé la peur dans le groupe ce matin.
Le terrorisme, loin d'être une menace pour notre mode de vie contemporain, en est un des principaux piliers. Ca établit le contrôle par la peur. Le citoyen lambda est contrôlé et influencé par la peur toute la journée. Peur pour lui-même, peur pour la sécurité de ses enfants, Peur de son patron, peur de perdre son boulot. Peur pour sa santé, peur de perdre sa bonne mine. Peur au sujet de sa maison, sa propriété, sa pension, son futur. Le terrorisme est partout, et on l'appelle publicité. Il renforce le pouvoir en vendant des produits.
Le terrorisme a pénétré dans notre marche, non comme outil, mais comme la conséquence d'une authentique peur. Aujourd'hui on est allés à Carvin, mais quand certaines personnes ont entendu ce nom ce matin, elles ont commencé une campagne de rumeurs. Carvin est censé être contrôlé par l'extrême-droite. Ce qu'on en entendait laissait entrevoir l'endroit comme une place-forte nazie pleine de gangs de skinheads déambulant dans les rues et d'embusqués tirant sur quiconque ne correspondrait pas au standard du blond aux yeux bleus.
Les gens qui semaient la peur étaient les mêmes qui buvaient et dansaient la nuit précédente quand le camarade Abel s'épuisait à annoncer une réunion de la commission de l'itinéraire.
A Arras les signes familiers de d'identité flamande s'accroissent, dans l'architecture, avec les bières et les frites, les noms des rues et les visages de la population. En continuant à marcher plus au nord, nous avons pénétré dans une région minière. Une grosse agglomération qui déborde largement sur la Belgique, centrée autour de Lille. On y voit d'impressionnantes collines artificielles, qui indiquent les mines, et de village en village on retrouve les mêmes constuctions de briques.
Carvin a énormément souffert de devoir basculer d'une économie de l'exploitation du sous-sol à l'esclavage de la dette. Il y a beaucoup de chômage, ce qui peut expliquer la poussée de la droite profonde dont notre groupe bruisse avec tant de crainte. Mais nous ne rencontrons pas de gangs, ni de tireurs embusqués. Que des citoyens hospitaliers, et un homme sur une place de parking, qui a perdu sa maison quand il a divorcé de sa femme. Il a toujours un boulot, mais il doit dormir dans sa voiture. Il est aussi "indigné" que ce qui reste de nous, et même encore plus.
La matin, avec Christ, j'ai examiné en détail l'état de la marche. Le point positif, c'est qu'on va y arriver, à Bruxelles. Mais en ce qui concerne les points négatifs, on n'a que l'embarras du choix. Le "cas de Logrono" est un exemple patent de certaines faiblesses humaines de notre groupe.
Voici peu, le campement de Logrono a fait don de quelques centaines d'euros pour la marche. Ils ont dit qu'ils désiraient que ça profite au goupe, mais ont laissé la décision de l'usage de cet argent aux trois personnes de notre groupe originaires de Logrono. Ces trois-là n'ont pas hésité à partager la somme entre eux.
Pour deux d'entre eux, je ne suis pas étonné. Le troisième était notre vétéran, le camarade Abdullah Il a vendu le respect et l'autorité morale dont il bénéficiait pour acheter du tabac, avec une poignée d'euros.
Pour le côté positif, je peux révéler que les choses graves qui étaient arrivées à Paris sont résolues. Nous avions peur d'avoir perdu là-bas ce que nous nommons "Le livre du Peuple". C'est un cahier dans lequel nous avons consigné les problèmes des villages et les propositions des gens, afin de les porter à Bruxelles. C'aurait été un scandale si ça s'était su. Pourquoi bon sang faisons-nous cette marche si nous ne sommes même pas capables de veiller sur les choses que nous voulons apporter à Bruxelles? Nous avions déjà projeté une feinte, en essayant de rassembler l'information que nous pouvions, à partir des comptes-rendus, et de nos souvenirs.
Mais hier, heureusement, Christ a demandé une morceau de papier à l'un de nos camarades.
"Voilà" a répondu l'autre en déchirant une feuille de papier dans un cahier.
"Hé!" Mais c'est le Livre du Peuple!"
"Ah bon?"
"Mais oui!" Donne-le moi! Je suis le documentaliste de la marche."
Problème résolu.

Original en anglais sur Spanish Revolution

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