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Billet de blog 7 juin 2012

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Situation linguistique de l'Europe: RAS, passez votre chemin?

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Voici donc le début du billet du 31 mai dernier:

"I want you to speak english or get out"

"Peut-on gouverner une zone euro qui compte 330 millions de citoyens dans une langue qui n’est parlée que par moins de 5 millions d’Irlandais ? La réponse paraît si évidente qu’il est curieux de la poser. Pourtant, c’est exactement ce que prétend faire la Commission européenne. Hier, elle a publié 60 rapports (oui je dis bien soixante) sur la situation économique et budgétaire des États membres, soit 1500 pages, et tous en anglais. Soyons juste : ils concernaient en fait les vingt-sept pays européens, ce qui fait grimper le nombre de locuteurs anglophones à environ 70 millions de personnes sur 550 millions. Mais les recommandations de ces milliers de pages ne sont contraignantes que pour les dix-sept pays de la zone euro, ce qui fait quand même 43 rapports… La conférence de presse de José Manuel Durao Barosso, le président de la Commission européenne, et de son commissaire aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, présentant les rapports était aussi, indeed, in english. 

Évidemment, lire une telle masse de documents pour un journaliste anglophone (alors même que la Grande-Bretagne n’est pas membre de la zone euro), qui dispose d’un avantage compétitif absolument déterminant à l’heure de l’information instantanée (je pense en particulier à mes camarades des agences de presse), est déjà difficile. Mais un pour un non-anglophone c’est quasiment impossible d’autant que le langage économique n’est pas d’une grande simplicité.  (...)"

Lire la suite sur "Coulisses de Bruxelles"

Ce billet renvoie à un autre plus ancien: "No taxation without translation"

dont voici quelques lignes:

"Un porte-parole anglophone du commissaire européen chargé de la culture à peine capable de bafouiller quelques mots dans une autre langue que l’anglais pour annoncer la journée européenne des…langues qui a eu lieu le 26 septembre. Ce serait amusant si cela ne traduisait une réalité inquiétante pour l’avenir de l’Union : l’anglais est désormais la langue unique, ou presque, des institutions communautaires. Ainsi, en 2010, selon des chiffres obtenus par mes collègues d’Europolitique, l’anglais est la « langue source » de 75 % des documents rédigés par la commission, contre 8,32 % pour le français et 2,74 % pour l’allemand.  (...)

Ainsi, l'actuel secrétaire général du Parlement européen, un Allemand,a supprimé la signalétique en français des écrans, y compris à Strasbourg, pour ne laisser subsister que l’anglais, comme si la seule vue du français le rendait malade. L’intervention du  gouvernement français a permis de revenir au statu quo ante.

Une logique pour le moins étrange : couler le français va-t-il sauver la langue allemande ? On la retrouve pourtant chez les Italiens ou les Espagnols, comme si l’anglais était une langue neutre et moins « arrogante » que le français. Sur ce point, un des mes collègues d’Afrique du Nord vient de m’en raconter une bien bonne : appelant un des conseillers (anglais, bien sûr) de Lady Ashton il y a quelques jours, il lui demande effrontément s’il parle français. Réponse : « non, nous sommes Anglais et nous parlons anglais ».

Cette domination de l’anglais est très loin d’être neutre. Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, une langue, c’est un moyen de communiquer (argument de ceux qui défendent l’anglais langue unique), mais aussi de transmettre un système de valeurs. Vous ne verrez par exemple jamais un Américain accepter de négocier dans une autre langue que la sienne, à la différence d’un Français toujours prompt à complaire. (...)"

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J'ai déposé là-bas plusierus commentaires, que je reproduis ici. Ce n'est pas dans l'ordre chronologique, mais le nombre de commentaires là-bas est colossal:

en réponse à ceci:

Medvedek
Quoiqu'anglais, je soutiens entierement le combat de ce blog contre l'unilanguisme anglais de fait des institution de l'EU. Ceci pose en effet un danger grave pour l'avenir culturel et democratique pour L'Europe tout entiere, mais ne fait que refleter l'arrogance actuelle des institutions europeennes. (...) [la France, chez elle]  mene une politique de suppression de la diversite linguistique  (...)  depuis plusieurs siecles

J'ai écrit:

Vous n'avez pas tort Medvedek... Tous ces mécanismes sont complexes, mais la plupart des réponses sont simplistes.
Le premier pas, comme je le disais dans un de mes commentaires, est de faire quelques rappels historiques, et de procéder à une analyse des positions de divers pays à diverses époques...
On a longtemps conforté une vision "ingénue" (quasi angélique) des échanges entre diverses cultures, des équilibres linguistiques.
Je vais vous conter une anecdote.
En août 2006 j'étais au camping de la "Villa Camerata" à Florence (également Auberge de Jeunesse). Trouvant sur mon pare-brise (véhicule immatriculé en France...) un mot disant: "Can you please come at the reception, and tell us if you want to stay one more day", je me rends à la reception et je tends le papier à la réceptionniste, et dis: "Mi dispiace, potresti per favore tradurmi questo cartello, io sono francese..." ("svp peux-tu me traduire ça, je suis Française")... en fait je parle 5 langues, dont l'anglais et ai des bases de 2 ou 3 autres. La réponse méprisante (et stupide) ne se fit pas attendre. On en goûtera le paradoxe... puisque je m'exprimais en italien. "Communque voialtri Francesi siete nulli in lingue!" (de toutes façons, vous autres Français êtes nuls en langues). Alors je fis remarquer à la donzelle que
1) je parlais italien, n'était-ce donc pas "une langue"?
2) aurait-elle accusé de "nullité" un Britannique ne connaissant que l'anglais?

Cette jeune étudiante avait (consciemment ou non), intégré le fait que, parlant anglais, elle faisait partie des "dominants", et que moi, supposée non-anglophone, je méritais son mépris. Les rapports entre les locuteurs de diverses langues font bien partie d'un rapport de forces politiques et sociales !!!!
Bref, cette idée que l'anglais est incontournable et se trouverait être "de droit" par fatalité historique (et bénéfique) "LA" langue de communication internationale a été infusée lentement pendant des décennies... A tel point que les 3/4 des gens (qu'ils soient ou non capables d'utiliser cette langue) ne voient pas ce qui devrait leur crever les yeux: cette situation est scandaleusement inégale, et, en outre, relativement inefficace, sauf (globalement) pour les classes dominantes (disons... au moins à partir des classes moyennes ou moyennes supérieures).
Ceci dit, vous avez raison, si la France avait eu la possibilité de se trouver dans la position linguistique de la GB, elle en aurait fait autant. D'ailleurs, son représentant à la SDN en 1922 a agi dans le sens de ce que j'affirme... Notre langue était alors "forte", et notre empire colonial...
C'est pourquoi il conviendrait que les peuples de tous pays se saisissent de la question linguistique, au lieu de faire confiance à ce que leur prêchent les oligarques ou leurs valets... Il n'y a pas que dans ce domaine-là d'ailleurs. Mais dans ce domaine AUSSI !

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ominik_Onagrin said in reply to Dominik_Onagrin...

Post-scriptum: Cette anecdote italienne n'est bien entendu pas une preuve, mais un indicateur du fait qu'une utilisation de plus en plus large de l'anglais est néfaste pour la diversité linguistique.
Une autre anecdote est celle-ci. Un dimanche après-midi(en octobre ou novembre?), un ami toulousain (donc proche de l'Espagne) essaie de pousser sa fille de 13 ans (venant d'entrer en 3 ème) à réviser ses leçons d'espagnol. "Et si on va en vacances en Espagne, comment feras-tu?" demande-t-il à l'ado.
-Ben, je parlerai anglais, évidemment!
Je dois dire que de mon côté, on m'a souvent parlé anglais, ou répondu dans cette langue dans divers pays dont je parlais la langue (Italie, Espagne...) ou dans des circonstances où une autre langue que l'anglais aurait été plus efficace.
Exemple: à Rotterdam, de jeunes Italiens ont fait la moue que je préfère utiliser leur langue plutôt que l'anglais... (cf: savoir parler anglais à peu près ou assez bien est un "marqueur" social)
NB: la fille de mon ami ignore sans doute que dans le rapport Grin, des chiffres de 2001 indiquent que les Espagnols, Italiens et Portugais ont des pourcentages d'anglophonie un chouilla inférieurs aux nôtres... mais quand on nous désigne, nous, "Frenchies", comme les "cancres en langues de l'Europe", presque personne ne va vérifier la véracité de cette "légende urbaine"... allez donc savoir d'où elle provient... Qui aurait eu intérêt à "broder" sur une réalité incertaine (peut-être l'incompétence linguistique des élites françaises dans l'entre deux-guerres???...). Qui aurait eu intérêt à "rabattre le caquet" des Gaulois qui, dans la foulée d'un De Gaulle, résistaient à l'Atlantisme???
Je ne peux que me poser la question, pas y répondre...

Pour les compétences en anglais dans l'Europe des 15 en 2001, voir l'image ici:
http://u1.ipernity.com/15/21/45/8162145.0516db8b.jpg

Vous constaterez que nous sommes dans la moyenne (environ 25% de la population), et finalement pas si incompétents que ça par rapport aux Autrichiens, Grecs et Belges!...
les chiffres originaux sont dans le rapport Grin, dans les annexes (cliquez sur "Annexes" dans la colonne de gauche du PDF). Je m'étais permis de classer les chiffres à l'aide d'un tableur, pour les rendre plus lisibles... privilégiant les données "total pays".

Ah... Encore un truc marrant. Quand j'étais jeune, dans les années 70, pas mal de copains ayant voyagé en Grèce revenaient affirmant que "tous les Grecs parlent anglais". Or, dans le tableau du rapport Grin, on voit que parmi la population de mon âge, l'anglophonie se situe entre 6% et 12% maxi!! Cela devrait nous rendre prudent sur les conclusions que nous tirons de notre expérience personnelle... (et c'est curieux, la mienne est "décalée" par rapport à nombre de gens...)

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