L'automne approche, et pour nous qui marchons vers le nord, il arrive deux fois plus vite. Nous commençons à le remarquer, les nuits deviennent plus fraîches et notre rythme quotidien change.
Comme les autres billets sur la Marche, celui-ci n'est pas de moi, mais juste une traduction que j'en fais aussi souvent que je peux (voir le lien en bas de billet)
Naintré, 5 septembre 42 jour de la Marche vers Bruxelles 26 km depuis Poitiers
Chers tous,
L'automne approche, et pour nous qui marchons vers le nord, il arrive deux fois plus vite. Nous commençons à le remarquer, les nuits deviennent plus fraîches et notre rythme quotidien change.
Il n'est plus raisonnable pour nous de nous fixer d'arriver à six heures. D'habitude, les gens sont debout vers sept heures et demie, et nous commençons à marcher entre 8 h 30 et 9 h. Nous avons donc à planifier nos assemblées plus tôt que nous en avions pris l'habitude, de façon à les avoir finies avant la tombée de la nuit. Entre temps, nous n'avons le temps que de marcher.
Aujourd'hui encore, je me suis rebellé contre la route officielle. Elle semblait trop grosse sur la carte, et il y avait des petites routes parallèles qui suivaient la rivière. Cette fois, il n'est pas étonnant qu'un groupe d'environ dix personnes m'ait suivi, avec une confiance aveugle dans mes techniques de navigation. Ils étaient ravis que je les guide au travers de petits villages le long de l'eau. Ce n'est que les dix derniers kilomètres à peu près que les gens se renfrognèrent, trouvant la route trop longue.
« C'est parce que je n'ai pas la moindre idée d'où nous sommes ni où nous allons » Dis-je, avec un visage sincère. Mais ils ne me crurent pas.
Notre expédition vient vient de dépasser la moitié du chemin, et je commence à remarquer des signes d'épuisement. J'ai également l'impression que la structure sociale de notre tribu est en train de prendre de jour en jour une forme plus statique. Les gens se connaissent plus ou moins les uns les autres et ont développé certaines sympathies ou antipathies. Sur cette base, de petits groupes se sont formés. Et comme l'assemblée interne ne se tient ni régulièrement, ni de façon efficace - même si des décisions sont prises - l'organisation se résume à l'interaction de toutes les personnes ou des différents groupes, voire au manque de de celle-ci.
Ce n'est pas forcément négatif. Nous sommes tous des individus. Et c'est comme ça que ça devrait être. Mais avec une routine quotidienne contraignante, des frictions récurrentes, et toujours une longue route à faire, les gens peuvent devenir irritables. Ceci peut conduire à une sorte de laisser-faire dans lequel nous laissons aux choses le soin d'aller toutes seules de l'avant, sans que nous, en tant qu'individus, soyons prêts à un effort supplémentaire pour le bénéfice du groupe.
Et pour couronner le tout, le fourgon blanc est tombé en panne. « C'est un vrai désastre » dit le camarade Alexis. J'en doute, parce que nous sommes toujours là, et que nous allons rejoindre Bruxelles à pieds, il n'y a aucun doute là-dessus. C'est le but commun qui nous cimente. Mais les jours à venir vont être critiques pour l'équipe de soutien logistique. Il faudra voir si nous pourrons continuer comme avant, ou si nous devrons porter la cuisine et les sacs sur nos épaules.
Pendant que d'un côté nous devons affronter nos problèmes sociaux et pratiques quotidiens, l'intérêt et le soutien populaires pour notre marche continuent à croître.Dans la petite ville où nous sommes arrivés, un tas d'habitants essentiellement d'âge mûr a pris part à notre assemblée. Pour la première fois le maire du village s'est assis dans notre cercle, sous la banderole qui incite les peuples d'Europe à se lever. Ce n'est pas complètement illogique, parce que ce sont surtout ces villages en déclin qui ont à gagner d'une révolution citoyenne.
Mais dans l'assemblée, continuent aussi à émerger des différences politiques inhérentes à notre groupe. On a les partisans d'un assemblisme horizontal. Ils soulignent le fait que le mouvement du 15 mai est ouvert aux citoyens privés, et non lié aux partis politiques, syndicats ou associations de quelque sorte que ce soit. Ce sont des camarades qui recherchent la coopération sur la base d'objectifs communs, et il y en a d'autres qui parlent principalement de l'aspect "pacifique- amour - et - harmonie - universels" du mouvement.
Le grand défi de l'anarchisme est de s'assurer que chaque membre singulier de la société puisse mener ses propres affaires, et que ça fonctionne bien pour tout le monde. C'est réalisable, parce que nous sommes de braves gens, et que nous sommes conscients du fait que comme êtres humains nous avons beaucoup de choses, les choses les plus importantes en commun.
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Original (en anglais) en ligne sur le blog "Spanish Revolution"