Il y a une grosse différence entre la politique et l'action. La politique doit être préparée par des travaux de groupe et décidée en assemblée, mais les actions devraient être décidées par quelques personnes seulement. Dans une assemblée on n'atteint jamais le consensus assez vite, et même quand ça arrive, on perd l'effet de surprise.
Paris, 20 Septembre, 57 è jour de la Marche vers Bruxelles. Repos forcé.
Chers Tous,
Notre mouvement est extrêmement versatile. Nous pouvons improviser et saisir l'instant, comme nous l'avons fait hier, ou nous pouvons, comme c'est arrivé aujourd'hui, perdre une journée entière en assemblée pour essayer de décider ce que nous allons faire.
Rien d'étonnant. Après tout le temps passé pendant la nuit à se regrouper à la Bastille, beaucoup de gens ne sont allés dormir qu'à huit heures du matin. La plus grande partie de la journée, je suis resté au squatt de la Communication, près du centre Pompidou, où les gens continuent à couper, éditer et publier du matin au soir. L'après-midi, la marche s'est de nouveau réunie à Bercy, et ce n'est que le soir que nous avons pris notre unique décision: où dormir.
Un petit groupe de gens voulaient aussi préparer des actions pour aujourd'hui. Ils voulaient continuer sur la lancée. Après que nous ayons été gazés et arrêtés la nuit précédente, nous avons bénéficié d'un peu de soutien populaire à Paris et de la publicité en Espagne. Les blessés sont sortis de l'hôpital, et autant que je puisse en juger, les détenus sont libres.
Je suis désireux de prendre une carte et de commencer à faire des projets. Il n'y a pas de limte au genre de choses qu'on puisse faire avec un groupe pacifique de citoyens insoumis. Si on était un petit peu plus organisés -ou si on l'était tout court – on pourrait former différents groupes et coordonner des actions en divers points de la ville, se servant du métro comme moyen idéal de déplacement rapide d'un point à un autre.. Il y a un tas de policiers prêts à nous contrecarrer, mais Paris est grand. On pourrait les faire tourner en bourriques, si on le voulait. Aussi longtemps qu'on reste pacifiques, ils ne peuvent pas nous vaincre.
Nos camarades Américains, que nous avions perdus à Dax, sont de retour. Ils m'ont dit que le mouvement à San Francisco tourne avec de petites équipes tactiques qui préparent des actions dans le secret. Ils communiquent au dernier moment le point de rendez-vous et c'est de là qu'ils guident les opérations. Les autres se fient à l'équipe pour bien faire les choses. S'ils cafouillent, ils ne font pas partie de l'équipe tactique la fois suivante.
Je pense que notre organisation devrait évoluer dans cette direction. Il y a une grosse différence entre la politique et l'action. La politique doit être préparée par des travaux de groupe et décidée en assemblée, mais les actions devraient être décidées par quelques personnes seulement. Dans une assemblée on n'atteint jamais le consensus assez vite, et même quand ça arrive, on perd l'effet de surprise.
A la tombée de la nuit, l'assemblée reçoit la visite d'un représentant de la police. Après ce qui est arrivé la veille, ils viennent nous offrir la possibilité de camper ici, à Bercy.
Notre alternative est située à 9 kilomètres, à faire à pieds pour atteindre des installations dans la banlieue. On décide de camper carrément ici, à Paris. Mais non sans que les gens se soient adonnés à une discussion dialectique sur la décision. En fin de compte, nous campons près du stade de Bercy, non parce que nous avons obtenu l'autorisation de la police, mais parce que nous l'avons décidé nous-mêmes – et parce qu'on est trop crevés pour bouger.
Nous avons atteint un objectif. Nous campons à Paris. Le moment est venu de « crier victoire et décamper ». D'un autre côté, nous savons que les autorités craignent nos actions. Peut-être que nous pourrions encore préparer quelque chose de marrant avant de nous mettre en route...
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Retrouvez l'original en anglais avec les photos sur le blog "Spanish Revolution"
Comme les autres billets sur la Marche, celui-ci n'est pas de moi, mais juste une traduction que j'en fais aussi souvent que je peux .
J'espère bientôt parvenir à les remettre dans l'ordre chronologique, pour une mielleure compréhension.