(...) on peut classer les gens en « rigoureux », gens qui veulent façonner l'ordre à partir du chaos, les « permissifs » qui essaient de conserver la cohérence du groupe pas la compréhension et une recherche sans fin du consensus. (...) Et finalement, il y a les visionnaires qui ne prennent pas trop au sérieux ni la marche, ni eux-mêmes. Ils observent avec joie et stupéfaction la manière dont ce mouvement incroyable se développe.
Montlhéry, 15 Septembre, 52 è jour de la Marche. 29 km depuis Etampes
Chers Tous,
Ce matin, au lieu de nous mettre en marche de bonne heure, nous sommes allés nous asseoir dans la taverne « Le Petit Caporal », pour déterminer nos actions à Paris. Nous n'étions pas les seuls. Il y a de petits groupes au sein de notre Marche qui préparent des actions et des manoeuvres de diversion de leur propore chef. La Marche de Méditerrannée ainsi que les Indignés parisiens sont eux aussi occupés à mijoter leurs propres projets.
Alors, quand vient le moment de coordonner le tout à l'assemblée interne, on perd des heures à décider s'il est possible de permettre à un journaliste ou un magazine photographique d'assister à l'assemblée. A la fin, on n'arrive même pas à parler des choses importantes.
Mais ne pensez pas que ceci soit un grotesque chaos, oh non, c'est de la tactique. La seule façon que nous ayons d'empêcher la police de savoir ce que nous allons faire, c'est que nous-mêmes n'ayons pas la moindre idée de ce qui va arriver.
Voilà, en pratique, les choses jusqu'à présent. Ces derniers jours j'ai parlé de la nature théorique de notre mouvement avec le camarade Roberto, de la commission Economie, qui est maintenant connue sous le terme « Autogestion » pour calmer les anti-monnétaristes de la Marche.
Roberto est un ancien agent de change (courtier?) et employé de banque. Il a débuté comme enfant de choeur à l'église. Il connait l'ennemi, et il a une manière de penser très analytique qui n'est pas brouillée par quelque morale que ce soit. J'essaie de le persuader de rentrer dans la commission du Renseignement, avec l'objectif de recueillir toutes les infos possibles sur la Marche.
L'information est partagée à plusieurs niveaux. L'un est l'organisation de la Marche, un autre concerne le classement de ses participants sur le critère de leur mentalité, et un troisième sur la base de leurs idées politiques.
Nous avons fait un schéma des commissions. Route, Economie, et Dynamisation sont celles de base. "Route" décide où nous allons. "Economie" chapeaute les commissions secondaires de la "Logistique" et de la "Cuisine". La "Dynamisation" est une sorte de comité central qui prépare les politiques de l'assemblée. Qui contrôle ces trois commissions contrôle aussi la Marche.
Mais peut-être la commission la plus importante est-elle celle des Communications. Par les Communications, nous créons une image publique de la Marche. Nous dépendons du soutien du public. Sans propagande efficace, il n'y a pas de marche.
De même que par leur mentalité, on peut classer les gens en « rigoureux », qui veulent façonner l'ordre à partir du chaos, les « permissifs » qui essaient de conserver la cohérence du groupe par la compréhension et une recherche sans fin du consensus. Il y a les parasites, qui ne s'occupent de rien tant qu'ils n'ont pas à marcher et reçoivent un repas gratuit. Et finalement, il y a les visionnaires qui ne prennent pas trop au sérieux ni la marche, ni eux-mêmes. Ils observent avec joie et stupéfaction la manière dont ce mouvement incroyable se développe.
Sur le plan politique, on peut retrouver la distinction classique entre les révolutionnaires radicaux et les réformistes pragmatiques. Les premiers veulent tout changer du jour au lendemain, pour qu'aussitôt on puisse tous vivre ensemble, heureux pour toujours. Les seconds reconnaissent que les choses sont un peu plus compliquées. Mais la plupart des gens n'ont pas la moindre idée politique claire. Ils savent qu'il y a quelque chose qui cloche dans la société, mais ils ne savent pas vraiment par quoi commencer pour changer tout ça.
A midi, on marche. C'était étrange aujourd'hui. Sur une partie du trajet j'ai marché seul, et chaque fois que je l'ai fait, je me suis perdu. Cela ne m'arrive presque jamais. Je suis arrivé bon dernier, tard dans la soirée. J'ai loupé l'assemblée populaire sur la place du village, ce qui est une honte, parce que j'ai entendu dire que ça avait été très intéressant.
Il y avait une femme qui travaille dans un établissement psychiatrique. Elle nous a raconté qu'elle avait 23 patients dans son unité, dont dix ont des problèmes de boisson. Il semble que Sarkozy ait fait passer une loi qui autorise la police à envoyer en institution psy les gens trouvés ivres dans la rue. L'un des patients a été ramassé la toute première fois qu'il avait touché une bouteille. Après six mois dans la clinique, il était devenu un véritable alcoolique.
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Retrouvez l'original en anglais avec les photos sur le blog "Spanish Revolution"
Comme les autres billets sur la Marche, celui-ci n'est pas de moi, mais juste une traduction que j'en fais aussi souvent que je peux. je suis en train de remonter mon retard...