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Billet de blog 2 juin 2008

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L'annulation de l'annulation: c'est nul!

Rachida Dati, lis-je en colonne de gauche « notre conférence » demanderait au parquet de faire appel de la décision d’annulation du mariage contracté à Lille en 2006, rompu depuis, on le suppose, pour cause de mensonge à propos de la virginité de l’épousée. On va finir par la bousiller, l’épousée.

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Rachida Dati, lis-je en colonne de gauche « notre conférence » demanderait au parquet de faire appel de la décision d’annulation du mariage contracté à Lille en 2006, rompu depuis, on le suppose, pour cause de mensonge à propos de la virginité de l’épousée. On va finir par la bousiller, l’épousée.

Cette jeune femme de 22 ans aujourd’hui, qui sans doute pensait opter pour la discrétion, même pas un divorce, juste une sorte de non-lieu conjugal, se retrouve emblème, objet d’empoignades passionnées, et légèrement à côté de la plaque.

Que la virginité soit requise, ici, et là – le drap ensanglanté qu’on brandissait devant la famille n’est pas si loin, pour les familles juives sépharades, comme pour les musulmans - (même si à lire Barbara Strandman, http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/barbara-strandman/010608/depucelage-n-est-pas-defloration-ou-l-hymen-est-un-mythe , on devine que nombre de fraîches épousées devaient se munir d’un peu de sang en réserve, au cas où) , c’est insupportable, mais nous le savons tous, c’est.

Que la polygamie soit insupportable – et pour s’en assurer, on pouvait regarder, la semaine passée, un remarquable documentaire diffusé par Canal plus, où des femmes maliennes racontaient sans ambages qu’il n’y avait pas d’arrangement, juste une souffrance pour la première comme la seconde épouse, et ce qu’il en coûtait de se rebeller contre cette humiliation, nous le savons, mais c’est. En France, en 2008.

Rompre avec sa communauté, sa famille, son réseau social n’est pas si facile, dans un pays qui vous renvoie si fréquemment à vos origines.

Rachida Dati a d’abord soutenu la décision judiciaire, en relevant, à tort ou à raison, que la jeune femme avait pu sauter sur l’occasion de se défaire d’un lien conjugal fort mal embarqué.

Peut-être, peut-être pas. Peut-être aussi que la jeune femme – avec la famille en attente au rez de chaussée – a été raccompagnée chez ses parents en fautive.

Le jugement ne portait pas sur la virginité en tant que telle, mais sur le mensonge quant à une qualité essentielle. Qu’est-ce qu’une qualité essentielle ?

Un homme qui se fait passer pour riche sans l’être , est-ce une qualité essentielle ?

Un homme stérile ?

Un homme buveur ?

Un homme brutal ?

Et, ajouterais-je, un homme idiot, tout bien réfléchi ?

Que de possibilités d’annulation, sans en passer par un divorce à 2000 euros, prix plancher.

Rachida Dati vient de faire volte face en demandant au parquet de faire appel de la décision. Cela ne fait que confirmer son inconsistance, comme Garde des Sceaux, les grands ministres de la Justice ont toujours su faire face à l’impopularité temporaire, résister à la décision d’opportunité.

Il y a bien sûr un énorme travail d’information à faire, sur cette membrane qui n’existe même pas ( ce que je viens d’apprendre, je le confesse, n’ayant jamais eu à m’angoisser sur le sujet). Par delà, un autre travail : une femme qui a aimé n’est pas souillée, elle a aimé.

Par ailleurs, faut-il légiférer sur l’intime ?

Présentement, je pense à cette fille, qui doit se terrer, la France entière en attente, dont nous ne savons rien finalement, ostracisée pourtant, suffit qu’un cousin, un ami se confesse, et c’est reparti. Notre indignation est destructrice, et fait d’elle ce à quoi, peut-être, elle a tenté d’échapper : un objet.