Une vidéo promotionnelle devrait donner envie du produit ou service en question (voire même le faire comprendre). Meta réussit à ne rien expliquer et à faire fuir à la fois. Quelques recettes pour rater ce genre de video :
- Embaucher la dernière actrice à la mode Keke Palmer et croire que c’est gagné. Problème : beaucoup de gens ne la connaissent pas (mais un film sort en ce moment Nope donc c’est gagnant gagnant comme on dit… !) et elle nous joue l’excitée de service , en parlant à un débit de mitraillette avec un enthousiasme surjoué, tout aussi réaliste que les talk shows, les jeux et les séries. C’est-à-dire un style vieillot, artificiellement gonflé, ultra américain, qui fatigue d’avance. Mais c’est une bonne introduction au métaverse : être excité en permanence, comme dans les parcs d’attraction.
- Faire de l’humour en permanence et croire que le public sera de connivence et que cela peut dispenser d’expliquer avec précision. Vishal Shah, le Vice Président de Metaverse doit être sympa et surtout il doit être cool, tout est LOL dans ce nouveau monde, on rit de tout, on se joue de tout : la vie est un LOL, la vie est un jeu, vous devrez apprendre ça ! Quand on joue à Now/ Future/Never, qui consiste à proposer des possibles qui sont déjà disponibles dans le metaverse, qui le seront un jour ou jamais, les possibles proposés donnent une idée de ce que sont les préoccupations des concepteurs, des questions/ projets/ soucis de leur public : faire sauter ma grand-mère à l’élastique, faire une salade sans nourriture, visiter une colonie humaine sur Mars, créer une banane géante qu’on peut escalader, reconstruire le Titanic et un iceberg pour lui dire « pas cette fois-ci ». etc. Voilà donc le niveau de créativité que l’on attend des participants, qui doit attirer et exciter…
- Faire défiler un décor impressionnant, sans se rendre compte que l’esthétique proposée est à vomir : une esthétique de guimauve, de barbapapa, qui défile à toute vitesse dans une voiture simulée (en fait montée sur ressorts comme dans les trucages des films des années 50!!). Cette seule faute de goût devrait condamner les producteurs de ces vidéos et du métaverse à se couvrir de cendres. Pourquoi aller chercher ce qu’il y a de pire dans l’esthétique de certains jeux vidéo alors que d’autres réalisent des merveilles, de réalisme ou d’imagination, mais dans tous les cas avec une vraie culture non industrielle ? Certes, à l’époque de Second Life, on n’espérait guère mieux mais au moins il existait une certaine diversité dans les productions individuelles. Dans ce show, tout est standard bullshit, dirait-on !!
- Résumer le metaverse comme étant le nouvel internet. Inviter le VP de métaverse pour dire une telle banalité, c’est prendre le public pour des niais et s’autoriser déjà, avant même le lancement réel, à de la langue de bois. Tout ce qui est montré relève de la réalité virtuelle mais rien n’est dit des conditions pour y accéder, des équipements, des coûts, de l’enjeu de la réalité augmentée sur laquelle travaille Meta, de la diversité des compétiteurs déjà existants, du projet de Zuckerberg d’en faire le système d’exploitation associé à la future 5G 26GHz, celle de l’internet des objets, et de se débarrasser ainsi de la tutelle de Apple et Google, ce que Apple refuse tout net en poussant son propre metaverse… Bref, de fausses informations techniques tant elles sont générales et qui masquent sous l’effet entertainment les vrais projets stratégiques. Quand donc prendra-t-on le public pour des adultes qui veulent comprendre les perspectives et les possibles, voire même en débattre, ce qui serait vraiment irréel, j’en conviens, même si cet univers est supposé capter notre attention et nos ressources énergétiques en masse.
- Annoncer à tout le monde qu’il sera possible de produire des expériences de tous types en citant celles qui existent déjà telles qu’un comedy club, une maison hantée, une salle de méditation, …. Toutes choses vitales que le monde attendait en effet. Il faut un certain temps pour comprendre qu’elles existent sur l’offre Horizons de Meta, déjà très limitée, et dont on ne nous dit rien de plus qu’il y a presque un an… On nous annonce que tous les outils sont là, mais on ne sait pas lesquels, qu’on dispose d’un studio vidéo dans nos poches, etc. L’important est de vendre cet espace où chaque utilisateur deviendra producteur d’expériences. Expériences, c’est le mot clé, comme dans Roblox, pour éviter les régulations concernant les jeux, mais tout cela sera évidemment lucratif et même spéculatif, mais ne parlons pas de cela trop crûment dans une vidéo d’entertainment, ce serait indécent !!)
- Rassurer le public en lui parlant de sa sécurité, non pas parce que cela faisait partie du projet mais parce que des problèmes ont déjà été observés dans Horizons. Ici, on annonce doter les participants de superpouvoirs, oui vous avez bien lu: s’ils risquent du harcèlement, Meta ne les dote pas de droits, tellement ringard et formaliste, dans ce nouveau monde, on les dote de superpouvoirs. Puisque tout est jeu, LOL, fake et compagnie, inventons le geste qui bloque un autre membre et lui interdit votre espace personnel (un mètre autour de soi apparemment, la distance réglementaire à la suite des palpations indésirables observées dans ces univers). Pourrait-on savoir comment traiter sérieusement et juridiquement la question de la cohabitation dans de tels univers ? N’y pensez pas, les algorithmes qui vous dotent de superpouvoirs suffisent ! Au fond, la vie quotidienne qu’on nous propose dans ces métaverses sera dupliquée des mondes de Marvel : héros aux superpouvoirs, et aux armes innombrables, après tout, c’est le quotidien de la vie américaine désormais. Mais ici, les superpouvoirs seront pour le bien, croit Zuckerberg, irresponsable en chef, puisque de toutes façons, ce seront les producteurs d’expérience qui auront toute la responsabilité, voilà la manœuvre pour ne jamais être éditeur ou responsable légal dans ces plateformes.
Bref, un plantage en beauté que cette vidéo de promotion qui en annonce d’autres mais qui dit suffisamment pour éclairer le monde que Zuckerberg nous invente, lui qui connait la solution à tous nos soucis : l’évasion généralisée vers un monde en sucre !