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Billet de blog 1 juillet 2018

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Du pointillisme à la truelle.

Le mal que fait Emmanuel Macron à notre pays est incommensurable. Comme un peintre pointilliste, son action dessine un paysage apocalyptique au travers de touches de couleurs différentes qu'on pourrait penser sans intention globale. Et pourtant…

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Contre-réforme après contre-réforme apparaît ce que les français refusent depuis toujours : une société sans âme, uniquement préoccupée de la marchandise et de l'échange de la marchandise.

Une fois que les fausses évidences sont enkystées dans nos esprits, les fausses solutions semblent aller de soi.

Le talent de Macron, c'est de dissocier chaque partie de la société (de faire dissociété ?) de telle façon que chacun d'entre-nous ne puisse voir que la tache qui le souille ; que chacun soit trop préoccupé par l'attaque qu'il subit.

Une des méthodes consiste à utiliser les phénomènes d'identification au groupe.

L'individu n'est pas plus indivisible que l'atome n'est insécable. Nous sommes tous des éléments d'une multitude de groupes. Notre identité est l'intersection d'une kyrielle de sous-ensembles. A chaque instant, l'une ou l'autre de nos composantes prédomine. Rien de plus simple, pour manipuler les êtres humains que d'appuyer sur le sentiment d'appartenance au groupe. Ce sentiment déclenche des comportements stéréotypés qui trouvent leur origine dans un passé lointain où le groupe, la tribu n'était pas une option mais une condition nécessaire à la survie. Le conformisme fera le reste. Chacun observe ce que les autres membres du groupe font (ou anticipe ce que les autres vont faire) et fait la même chose de façon à ne pas être exclu (le conformisme est une des caractéristique d'Emmanuel Macron, au fond,  le principal argument qu'il avance, c'est : "tout le monde le fait").

Le prétendu individualisme n'est en réalité qu'une simplification à l'extrême de l'individu. Sa déstructuration. Totalement à l'opposé du projet des Lumières d'individuation. Il s'agit de persuader le citoyen qu'une attitude non coopérative est acceptable, qu'elle est normale. C'est l'idée trop souvent répandue que la somme des intérêts particuliers fait l'intérêt général. Le groupe ne percevrait pas l'égoïsme comme excluant, au contraire. Vous n'êtes, dès lors, plus un citoyen, mais un ouvrier, un artisan, un automobiliste, un religieux, un consommateur… vous êtes parcellaire. Vous endossez un nouvel habit à chaque instant, sans cohérence[1].

La socialisation "à la française" abouti à la création de super groupes : La tribu, le village, la communauté de commune, l’État-nation…jusqu'à l'humanité. L'individu complexe ainsi constitué est en capacité de prendre en compte un point de vue bien au-delà de ce que le "doux commerce"  lui propose. Son intérêt est possiblement indirect, sa jouissance différée. Bien sûr l'esprit de clocher et la fanfaronnade sont bien réels dans notre pays. Pour autant jamais ils ne sont autre chose que l'expression d'une adhésion à des valeurs communes, versus  d'autres valeurs communes. La sectorisation de l'"individu", tend à détruire cette adhésion.

Le monde d'Emmanuel Macron, le monde de l'échange marchand et des réseaux asociaux est aussi un monde où la subtilité est absente, car ne se préoccupant toujours que d'une chose à la fois. C'est le "toutes choses égales par ailleurs" tellement moqué par le regretté Bernard Maris[2]. Il y démontre que, la pseudoscience économique, pour singer la physique qu'elle enviait tant, applique à l'homme et aux communautés des méthodes d'ordinaire réservées aux objets : on fait varier un seul paramètre afin d'en observer les conséquences, "toutes choses étant égales par ailleurs".

L'homo œconomicus, dont Emmanuel Macron rêve qu'il se substitue au citoyen est un être théorique. L'humain, le vrai, n'est jamais "toutes choses égales par ailleurs".

Aujourd'hui, le tableau se précise. Les taches sont assez nombreuses pour que chacun puisse entrevoir le motif.

Et ce motif n'est pas réjouissant. Vaincre Emmanuel Macron, c'est lui opposer une nouvelle construction de l'individu. L'individuation contre l'individualisation.

[1] Cette parcellarisation a à voir avec la décomposition des taches que le taylorisme a théorisées : "déposséder les travailleurs de leur savoir et de toute forme de pouvoir dans l'entreprise" (voir Danielle Linhart)

[2] Bernard Maris, antimanuel d'économie.

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