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Billet de blog 3 janvier 2018

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Nicolas Hulot ou l'écologie humiliée

Nicolas Hulot étant une personnalité non clivante de l'écologie médiatique, sa présence dans le gouvernement d'Edouard Philippe est un symbole puissant.

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Encore une fois, depuis l'élection d'Emmanuel Macron, c'est l'allégeance à la société libérale qui est requise.

Allégeance des travailleurs avec la sape du code du travail. Allégeance de l'écologie avec l'appel fait aux "investisseurs" lors du "One Planet Summit"[1]. Le message qui y a été délivré est le suivant : c'est le "Marché" et lui seul qui est la solution. Dans cette philosophie, l'Etat n'a qu'un rôle à jouer, celui de favoriser l'allocation optimale des ressources. Ce n'est pas la philosophie de Paul Ricœur, mais celle de la Société du Mont-Pèlerin de Friedrich Hayek et Milton Friedman.

Il faut donc que l'écologie se soumette. Quoi de plus logique que d'utiliser ce M. Hulot, sans soutien politique mais très populaire pour symboliser cette soumission.

Le voilà donc exhibé en victime sacrificielle : le climat est confié aux "investisseurs", la production d'électricité au lobby nucléaire, l'aménagement du territoire au tourisme, l'agriculture et l'alimentation au duo grande distribution/FNSEA et ainsi de suite.

Merci aux écologistes de nous avoir alerté, ("c'est un inquiet, c'est pourquoi je l'ai choisi"[2]), mais maintenant laissons faire les forces du marché.

Le message ne saurait être plus clair. Oui, le capitalisme à crée des "difficultés" au niveau de l'environnement et les écologistes atrabilaires ont eut raison de s'inquiéter. Mais c'est terminé, le capitalisme reprend les choses en mains. Le monde qui vient sera toujours le même, mais en plus propre.

Enfin, sous réserve de quelques arbitrages bien sûr ! Parfois la propreté sera… comment dire ? Un peu trop chère.

Peut-être ici ou là devrons-nous remplacer des forêts par des champs d'arbres à croissance rapide. Sans doute, l'extraction de l'uranium continuera-t-elle à se faire au détriment des populations nigériennes et autres bagatelles. Trois fois rien.

C'est la victoire de Thomas Hobbes, et de sa vision négative de l'Homme (Homo homini lupus). Le "contrat" s'établira entre les Hommes et leurs nouveaux "souverains" : les investisseurs. Le Léviathan moderne est dans les banques, dans les salles de marché. Ceux qui se sont enrichi en détruisant la Nature, vont consacrer une partie de leur fortune à agir pour sa "préservation"[3]. A condition que cette action accroisse encore leur richesse bien sûr, ce sont des gens sérieux quand-même ! L'écologie ne doit pas être négative au contraire elle peut rapporter !

Peindre les marchandises en vert, ne guérira pas du fétichisme qu'on leur voue.

Voilà toute la complexité (la vraie) de la pensée écologiste réduite aux acquêts !

Hulot donc, est cet être éternellement sacrifié. Comme un bouc qu'on pourrait égorger à l'infini et qui se relèverait à chaque fois. Comme Sisyphe ou Prométhée dont le pire aspect de la peine consiste à ne jamais finir.

"C'est un inquiet, c'est pourquoi je l'ai choisi", cette phrase est parfaitement glaçante. L'inquiet, celui qui ne dort pas, l'intranquille, l'insatisfait.

En fait, Nicolas Hulot est une image, l'image que le système politico-économique veut présenter de l'écologie. Plus ou moins consensuelle –la nature c'est beau, polluer ce n'est pas bien…-, purement morale et esthétique. C'est l'écologie dévitalisée.

Et pourtant, comme l'économie, l'écologie n'a rien à voir avec la morale. L'écologie décrit les interactions complexes entre les différentes composantes des biotopes. Chacune de ces composantes ayant à la fois une logique propre, et un ensemble de logiques partagées. Le capitalisme, dont Emmanuel Macron n'est qu'un des avatars, ne reconnaît rien qui n'a pas de "valeur". Le capitalisme en est à peine au stade pré-écologique, celui dans lequel seul l'échange imprévisible crée de la richesse[4]. A ce stade, détruire l'humus, par exemple n'a pas de conséquences puisqu'il n'est considéré que comme un "lieu" d'échanges prévisibles d'éléments chimiques.

"C'est un inquiet, le capitalisme déteste l'inquiétude, j'ai choisi mon camp : celui de l'optimisme à tout crin, celui de ceux qui n'entendent pas les Cassandre" voilà ce que le président de la république pense de son ministre de la transition écologique.

"C'est un visionnaire, c'est pourquoi je l'ai choisi", voilà ce qu'un président de la république réellement conscient des enjeux aurait du dire, ou mieux, "je suis un visionnaire, c'est pourquoi vous m'avez élu".

[1] A ce sujet, il faudrait rappeler au président de la république qu'il est le garant d'une constitution qui dispose que le français est la langue de la République.

[2] Emmanuel Macron sur France 2 le 17 décembre 2017.

[3] Et la plus grande partie du reste à préparer un départ vers Mars !

[4] Voir : https://www.pauljorion.com/blog/2017/12/27/les-matins-de-france-culture-le-genie-technologique-sera-t-il-a-lorigine-de-la-prochaine-crise/

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