Pour la plupart d'entre nous, aller sur Mars, que ce soit avec Elon Musk ou une agence spatiale publique, paraît un objectif atteignable. Terraformer la planète rouge, y installer des colons, nous est présenté comme allant de soi. Exploiter les ressources minérales des astéroïdes comme celles des abysses ne serait qu'une question de temps. Mettre au point des drones qui se substitueraient aux insectes pollinisateurs, serait une façon censée de faire face à leur disparition. Imaginer des robots pour tout et n'importe quoi, plus particulièrement pour compenser les effets néfastes de nos agissements ne pose aucune question, on appellerait ça le "progrès".
Aller vers la transition énergétique ou se passer de poison pour produire notre nourriture, voilà, par contre qui serait insurmontable. Envisager la vie comme absolument respectable, ne pas la lire avec notre grammaire pseudo darwinienne dépasserait la capacité de notre merveilleuse machine cérébrale. Quand un agriculteur dit qu'il faudrait "inventer un désherbeur laser pour faire mourir toutes les mauvaises herbes qui concurrencent son blé"[1], il faut entendre la dissonance absolue, la dysharmonie, le crissement des ongles sur le tableau noir.
Il ne s'agit pas d'une sorte de dysfonctionnement, d'un défaut de réglage dont un ajustement viendrait à bout. Ce n'est pas une scène de ménage anodine, c'est une rupture consommée, définitive. Chaos, entropie, il faut re-mobiliser des concepts d'irréversibilité.
La course est lancée entre les tenants du glyphosate et les adeptes de la coopération, de la symbiose, du mutualisme, de l'intelligence.
Nous partons avec un handicap incontestable. Car comment en finir avec Descartes ? Comment dépasser l'humanisme ?
[1] France inter, le 5/7 21 nov. 2017