Alors nous en sommes arrivés là ! la France bascule dans un régime autoritaire. Au nom de deux principes primitifs : le droit sacré de propriété et la liberté d'entreprendre ; au nom d'une idéologie dépassée ; au nom d'une modernité archaïque.
Le banquier d'affaire et son monde, tout en voracité, sentent que leur époque prend fin. Ils se débattent, comme pris dans des pièges à loups. Leurs élucubrations, châteaux de sables, s'effondrent de toutes parts, mais ils s'obstinent, comme des enfants gâtés qu'ils sont, à les entourer de digues dérisoires, refusant l'inéluctable, le soulèvement.
Leur époque prend fin et avec elle leur illusion de grandeur. Ils se révèlent pour ce qu'ils sont : rois nus, vers de terre parmi les vers de terre. Alors ils tapent du pied, et leurs valets redoublent d'obséquiosité. Voyez les pathétiques, les flatteurs, les ramasse-miettes, qui prennent de grands airs offusqués qu'on ose seulement vouloir regarder la réalité en face et la dire. Voyez les serviteurs du dogme passé qui fourbissent leurs armes contre quiconque ose émettre un doute à l'égard de leur vérité révélée. Ils sont comme cette inquisition qui pourchassait l'apostat. La folie qui les habite est celle des enfermés : quand la réalité s'obstine à ne pas entrer dans votre cadre et que vous refusez de changer de cadre, vous devenez un enfermé. Et vous frappez les murs de votre prison espérant qu'ils cèdent et que la réalité se pliera enfin à votre géométrie absurde.
Le banquier d'affaire et son monde tout en voracité s'entêtent dans le déni. Leur Moloch-Marché fait mine de trembler ? Vite lui sacrifier encore et encore des vivants : hommes, femmes enfants, biotopes tout est bon pour requinquer la bête vacillante. Ses serviteurs ne manquent pas de victimes expiatoires. La gueule du monstre paraît ne jamais vouloir cesser de mastiquer, de broyer. Le banquier d'affaire et sont monde vont et viennent continuellement du monde réel vers l'autel du sacrifice. Toute beauté, toute organisation un tant soit peu humaine, toute vie extravagante, doivent être éradiquées, remises en ordre de marche pour le marché. Nulle friche ne doit subsister.
Que vous fassiez mine de ne pas vouloir de ce monde chimérique, et on brandira devant vous de vieux grimoires dans lesquels une révélation a été écrite il y a des siècles et contre laquelle il ne saurait être question d'aller. Et au nom de laquelle on va vous remettre dans le droit chemin. Rédemption ! Expiation ! Bavassent les prêtres outragés. Et ils fourbissent leurs crucifix-LBD. Un rempart de brutalité se dresse autour du banquier d'affaire et de son monde.
Et nous l'avons laisser s'ériger sous nos yeux ce rempart. Les pieds calés dans nos pantoufles. Loi sécuritaire après loi sécuritaire. Humiliation sociale après humiliation sociale, nous nous somme laissés enfermer dans la nasse vers la subordination perpétuelle, nous avons laissé le banquier d'affaire et son monde colmater toutes nos échappatoires.
Les grand-messes et les célébrations étaient là à nous répéter inlassablement la vraie doctrine de la vraie foi : le marché est la vérité, communiez toutes et tous ! Et nous nous sommes laissés séduire par ses supermarchés regorgeants de pacotilles.
Le banquier d'affaire et son monde ricanent aujourd'hui, petits bourreaux sadiques, devant notre désarroi. Et, faute d'avoir vu venir, il ne nous reste plus que des armes très lourdes à disposition. Des armes politiques, des soulèvements, des armes de réflexion massives. Ils voudraient nous inciter à utiliser des bombes sales, comme le recours à l'extrême droite, mais ce serait encore et toujours le monde des banquiers d'affaires. Son dernier rempart en fait. Ne nous laissons plus abuser.
Le monde du banquier d'affaire est totalement, absolument, le monde de la subordination. C'est une incongruité anthropologique. Un monde où la "grandeur" n'a plus à se "justifier"[1] est un monde dans une impasse. C'est pourtant ce modèle qu'on veut nous imposer depuis des lustres. La non-démocratie représentative dans laquelle règne le "j'ai été élu je fais ce que je veux" a supplanté le triptyque de notre République.
Leur seul adversaire, leur cauchemar, la seule arme dont nous devons nous saisir, c'est l'arme de la démocratie radicale[2]. Ce sont les entreprises débarrassées de la subordination, redevenues collectifs de travail au lieu de ces misérables pelotons d'exécution de tâches prescrites qu'elles sont actuellement.
Tout commence là. Mais ce sont également les communes – ou tout autre échelon territorial qu'il nous plait - où on délibère dès qu'un sujet ne fait pas consensus. Le temps libéré de la subordination nous servira, entre autre, à ça. Le libéré délibère.
En conclusion, la description que fait la presse bourgeoise[3] du moment que nous vivons, le qualifiant de "crise" est mensongère. Une crise, c'est un mauvais moment à passer en attendant un retour à meilleure fortune. Non, ce que nous vivons est un effondrement. Ne tentons pas de (ne laissons pas) sauver ce qui ne peut plus l'être. Rebâtissons sur ces ruines !
Je propose que l'on se déclare en Assemblée Générale permanente dans toutes les villes de France, on en averti les préfectures et on se réuni autant qu'il nous est possible pour débattre et surtout délibérer, proposer des véritables progrès sociaux, écologiques. Là encore, on en informe les préfectures. Il ne s'agit pas de cahiers de doléances. Nous ne nous adressons pas de subordonné à supérieur. Mais de citoyens souverains à administration exécutante. Ce qu'est, en définitive, l'État. Nos représentants élus ayant pour tâche de défendre ou critiquer ces délibérations. Ils n'ont plus de légitimité à proposer quoi que ce soit qui ne soit pas issu de ces AG.
Ce que je peux proposer pourra sembler dérisoire dans de grandes métropoles où ça doit déjà exister, mais il y a de nombreuse (sous)-préfectures, chefs-lieux de cantons, villes moyennes dans lesquelles on ne trouve rien de tout cela. Et une systématisation de ce genre d'action devra être prise au sérieux.
[1] Lire à ce sujet Marc Jaquemin : "Les cités et les mondes : le modèle de la justification chez Boltanski et Thevenot".
[2] L'expression est de Laclos et Mouffe. À nous de décider ce qu'on met dedans, pour ma part je propose l'a‑subordination comme principe premier.
[3] La "presse de préfecture" comme la nomme ACRIMED.