Cette fable, il semble bien que beaucoup d'entre nous l'ont intériorisée, au point qu'il et elles vont, de plateau en plateau, de médias indépendants en médias dépendants, serinant leur "machin, machine est le mieux placé pour gagner". Cette allégeance à l'esprit et à la lettre de la constitution de la Vème République augure mal de la capacité de ces mêmes personnes à en changer fondamentalement les règles. Respecter cette mythologie, c'est s'agenouiller devant les ors du pouvoir, les lustrer encore un peu plus. Entrer dans un costume plein de morgue avec un petit truc rouge au revers du veston.
"Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles…" disait le poète. Un énorme orage et une bande de fous furieux, c'est ce que je vois à l'heure actuelle. Chacun-e jouant les cadors. Certain- e que "les autres" vont craquer et être obligé-e-s de plier les genoux devant lui-elle, la soumission là encore est requise. Une séance de débourrage pour discipliner des étalons trop impétueux. Il et elles portent l'habit d'un Général pas à leur taille, trop grand ou trop étriqué. De toute façon, cet habit, il craque de toutes les coutures. Il est tellement élimé que c'est honteux de sortir dans la rue avec. Et pourtant c'est vêtu de ces oripeaux qu'on les voit parler "au peuple". Leurs adversaires, ce n'est pas la droite aussi extrême qu'elle se révèle, mais celles et ceux qui ne pensent pas absolument comme eux mais qui sont proches et leur masquent le soleil.
Ce sont pour la plupart des honnêtes gens. Persuadé-e-s de leur bon droit à incarner la France. Je suis brutal avec elles et eux, j'en suis conscient. Mais les logiques d'appareil nous font tellement de mal. Les structures ont leur propre individualité (sans parler de leur financement…). Elles œuvrent à se maintenir envers et contre tout, comme n'importe quel être vivant. C'est humain si j'ose dire[2]!
Pourtant à cette heure, Denis Kessler est en passe d'aboutir. Son grand projet : défaire méthodiquement le programme du CNR est quasi achevé. Son triple menton tressaille de bonheur. Leur programme à lui et aux crapules qui le soutienne, il est écrit, depuis longtemps. Et ils le déroulent en se marrant de notre impuissance. Est-ce que nous ne devrions pas avancer nous aussi en meute ? parce que c'est bien ce que nous avons face à nous : une meute de chiens jaloux (oui, c'est bien eux qui sont jaloux de ce que nous avions conquis, non l'inverse. Qui jalouserait leur toxicomanie à la richesse ?).
Je sais que ce que j'écris va susciter des réactions de colère. Je le redis, les militant-e-s sont sincères, impliqué-e-s, les "états-majors", les "cadres" le sont tout autant, tout le monde bosse prend sur son temps, va risquer de se faire casser la gueule par les flics ou les fachos. Mais quand on est dans une structure, quelle qu'elle soit, entreprise, parti politique, association, famille, on adopte le point de vue de cette structure. Beaucoup d'expérience de psychologie sociale le montre. La peur d'être rejeté est un sentiment puissant. L'esprit de camaraderie, la solidarité, nous tiennent chaud. Et on a toujours l'impression que ce qui est au-delà de la membrane qui nous abrite, qui nous constitue, nous veut du mal. On leurs trouve des tas de défauts à ces "autres". Le premier, de ne pas faire partie de ce "nous".
Mais décidément non, je ne voterai plus pour quelqu'un qui obéit. Je revendique le droit à la désobéissance.[3]
[1] https://www.youtube.com/watch?v=SVlm3WhrlPc
[2] En réalité, c'est une sorte de "syndrome de Carl", l'ordinateur de 2001 qui considère que le débrancher serait une entrave à sa mission.
[3] Vincent Brenghart, Jérôme Hourdeaux : Revendiquons le droit à la désobéissance.