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Billet de blog 21 juin 2024

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Malaise en démocratie.

Le malaise en politique qui s'exprime est profond. On voit bien à quel point la demande d'écoute est importante de la part des "citoyens ordinaires". Les appareils politiques doivent en prendre la mesure

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 Le malaise en politique qui s'exprime est profond. On voit bien à quel point la demande d'écoute est importante de la part des "citoyens ordinaires".(voir l'émission : https://www.mediapart.fr/journal/politique/190624/face-l-extreme-droite-la-societe-civile-interpelle-la-gauche)
Les appareils politiques doivent en prendre la mesure et créer partout, dans tous les territoires, les conditions d'expression populaire. 
La forme peut être une sorte d'Assemblée Générale Permanente, dans laquelle ils viendront puiser leur inspiration voire, au-delà, prendre leurs "ordres".

Essayons d'imaginer comment de telles assemblées pourraient être constituées et pourraient fonctionner.

Leur constitution est peut-être ce qui pose le plus de problème. Il va de soi qu'elles ne seront pas des assemblées élues. L'élection en tant qu'elle n'est qu'un renoncement à son pouvoir de citoyen ne doit plus être la règle, mais l'exception, uniquement destinée à désigner des représentant-e-s au-delà des territoires. Ces territoires étant justement le périmètre dans lequel la décision publique peut-être prise directement, sans intermédiaire. Il n'est pas question ici de mettre en place un CESER supplémentaire (encore que la notion de collèges qui existe dans ces conseils est quelque chose qu'on doit pouvoir recycler pour les AGP. On le verra plus loin).

On se tournera donc plutôt sur la notion de "public" au sens de John Dewey[1] : s'assemblent et délibèrent celles et ceux qui se sente concernée-e-s par un problème.

"L’avantage majeur du self-government est qu’il autorise la combinaison entre deux formes de contact : un contact avec les problèmes collectifs qui se posent et un contact de chacun avec ses concitoyens. Le premier forge une compétence au jugement politique tandis que le second forge « l’esprit public » (…). Dans le premier cas, être affecté et concerné suffit à produire les lumières nécessaires ; dans le second, on apprend dans les assemblées communales ou dans les conseils à délibérer et à décider en commun."[2]

Dans ces assemblées, des corps intermédiaires comme les syndicats de travailleurs ou patronaux – tant que la question de la propriété des moyens de production n'est pas tranchée -, les associations également, ont toute leur légitimité à intervenir es qualité. Imaginons un projet d'installation d'une unité de fabrication. Quel que soit l'objet fabriqué, on peut imaginer des intérêts antagonistes entre des emplois crées et des milieux naturels menacés. Un public pourra s'assembler, constitué à la fois de "simples citoyens", de défenseurs de l'environnement, de représentants de travailleurs et de représentants patronaux.

À ce stade se met en place une méthodologie visant à la prise de décision. La première phase étant l'acquisition de données. C'est à ce stade que les compétences se forment. C'est la condition sine qua non d'une délibération honnête. On peut considérer que toute personne ne suivant pas ce processus de bout en bout est disqualifié pour émettre un avis qui, de fait ne serait qu'une opinion. Quant à la décision elle-même, on tendra vers le consensus plutôt que vers une majorité. Là encore, le vote comme conclusion d'une discussion est contre-productif en termes d'acceptation d'un projet. Son emploi est souvent le signe qu'on ne veut pas se donner le temps nécessaire à un bon éclairage du problème.

Et, bien sûr ce problème du temps est primordial. La démocratie est chronophage. Elle vient directement concurrencer le temps passé à la production, le temps de subordination. On ne peut pas faire une bonne démocratie dans un contexte ou le travail salarié, le travail prescrit tient autant de place. Peut-être certains problèmes nécessiteront-ils que l'on consacre tout son temps durant une période donnée. Auquel cas on doit penser le salaire lié à la personne. Un-e citoyen-ne qui passe 3 mois à écouter des experts, à discuter des antagonismes mérite d'être rémunéré-e pour ce travail. C'est une compétence que cette personne acquière ; compétence dont elle fait profiter la collectivité. Ce qui est la définition même du travail.

On voit que cette démocratie est bien loin de celle dans laquelle on élit des délégués et à qui on abandonne tout pouvoir de décision. On voit également que cette démocratie réelle, délibérative, est (totalement) incompatible avec une organisation de la production telle qu'elle existe aujourd'hui dans nos sociétés industrielles.

Si je ne me prononce pas ici sur la question de la propriété des moyens de production, je n'envisage pas pour autant de démocratie réelle dans laquelle persisterait une relation de subordination quelconque.

Puisque le Nouveau Front Populaire qui vient de se constituer est un assemblage au-delà des simples appareils politiques, c'est sans doute un cadre dans lequel la démocratie doit être construite pour de vrai.

[1] Sur John Dewey, le public et ses problèmes on peut lire Joëlle Zask sur https://journals.openedition.org/traces/753

[2] Joëlle Zask. Ibid.

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