« Quand on est attaqué, il faut contre-attaquer encore plus fort ; trouver quelqu’un de plus faible pour s’en servir comme bouc émissaire ; étourdir et distraire tout le monde avec un brouillard de mensonges ». C'est, selon Médiapart[1], le conseil qu'aurait donné « Roy Cohn, un homme sulfureux proche de la mafia » à Donald Trump.
On voit bien que cette stratégie n'est pas l'apanage de l'ancien président Étatsunien. Si on regarde la scène politique – mais peut-on toujours appeler ça de la politique ? – en France, on retrouve les mêmes pratiques. En plein désarroi, la droite, l'extrême-droite et la gauche productiviste se façonnent des adversaires qu'ils jettent en pâture à leurs soutiens médiatiques et, par leur intermédiaire, à une partie de la population. Cette partie qui voit bien que, dans l'état actuel des choses, ils risquent de laisser des plumes dans la bifurcation écologique et sociale qui doit advenir.
Contre-attaquer encore plus fort. Les outrances langagières du ministre de l'intérieur vis-à-vis de l'écologie politique, assimilée au terrorisme – écoterrorisme, un terme au sujet duquel même BFM.TV semble avoir des réserves[2] – cette outrance verbale, radicalement agonistique oblige chacun-e à se positionner binairement, à laisser tomber toute espèce de subtilité.
Cette stratégie absurde fonctionne. Un petit coup d'œil sur les "réseaux sociaux" nous en dit long. Les Soulèvements de la Terre, malgré le fait qu'ils ont échappé pour l'heure à la dissolution administrative– ou peut-être à cause de ça –, concentrent une quantité de haine phénoménale tout au long de leur déambulation[3].
"Horreur de la Russie stalinienne", "dégénéré", "animal", "marxiste lunatique" voilà quelques-uns des termes que les soutiens de Donald Trump jettent à la presse pour décrire leurs adversaires[4]. Quelle différence cela fait-il avec les "traine-savates", "clodos", "pathétiques", "La fiente insoumise", "punks à chiens", "crasseux", dont les "réponses" aux post des Soulèvements sont remplies.
L'analyse est au degrés zéro[5].
Certes, la longueur maximale d'un tweet n'encourage pas les développements logiques. Mais on voit bien que ces critiques n'ont rien à dire (et la méthode n'est pas aussi nouvelle que ces réseaux[6]). Elles sont les cris proférées dans une multitude, ces cris qui disent : à mort les sorcières, à mort les juifs, à mort les arabes, à mort les écolos[7]. L'extrême droite est tout à fait habile à ce genre de manipulations. L'extrême centre macroniste en a pris de la graine. Toutes ses théories s'effondrent, les fables sur lesquelles le néolibéralisme s'est construit, l'homo oeconomicus par exemple[8] ou Mandeville et ses élucubrations apicoles. On sait aujourd'hui leur fragilité théorique. Si ce n'est leur inanité. Mais le pouvoir s'obstine à se maintenir sur ces bases erronées. À tout prix. Quitte à nier le réel.
Quitte à invectiver une partie de la jeunesse qui ne souhaite rien d'autre que d'avoir un monde habitable pour elle, un avenir. Y réfléchir, en parler, en débattre. Quand bien même, leurs craintes ne seraient pas fondées, est-ce que leurs revendications en font des ennemis à abattre ? Des terroristes ?
Les fascismes, les autoritarismes, prospèrent sur ces terreaux débiles et haineux. Pensons-y. Posons-nous la question de savoir si nous devons nous aussi, à gauche, aller dans cette voie de la conflictualisations. Est-ce que ce ne serait pas jouer contre notre camp ?
[1] "Menaces, intimidations, mensonges : la dangereuse stratégie du chaos de Donald Trump." Médiapart, 24 aout 2023
[2] https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/ecoterrorisme-pourquoi-gerald-darmanin-hausse-le-ton-face-aux-manifestants-de-sainte-soline_AV-202210310333.html
[3] https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/le-convoi-de-l-eau-est-la-preuve-que-le-conseil-d-etat-a-conforte-la-desobeissance-civile_221852.html
[4] Médiapart, Op. Cit.
[5] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/30/les-maux-inquietants-de-la-presse_5416659_3232.html
[6] "Certains Juifs seraient aussi les meilleurs agents du communisme en France, et favoriseraient l'immigration, honnie par Gringoire car génératrice de troubles. Le 10 novembre 1938, Gringoire titre : « Chassez les métèques »". (Wikipédia : Article Gringoire)
[7] Le nombre de défenseurs de la biodiversité et de l’environnement assassinés ne cesse d’augmenter : https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/13/le-nombre-de-defenseurs-de-la-biodiversite-et-de-l-environnement-assassines-ne-cesse-d-augmenter_6094532_3244.html
[8] https://www.cairn.info/l-economie-ordinaire-entre-songes-et-mensonges--9782724611564-page-51.htm