Dans l'antiquité, lorsque la réflexion d'un quidam déplaisait au puissant, ce dernier dépêchait quelques sicaires pour résoudre définitivement le problème. Aux 17 et 18èmes siècle, les seigneurs envoyaient leurs laquais bastonner l'insolent. Au 19ème siècle des nervis bien choisis et fort costauds vous faisait regretter les vilaines paroles que vous aviez sorties à l'encontre de leur patron ou d'un magnat quelconque, passons ce sinistre 20ème siècle : on se retrouvait dans des camps d'où on éprouvait toutes les difficultés à revenir vivant à cause d'un simple délit d'opinion.
Désormais, à l'instar de nos amis d'outre Atlantique, les élites mondialisées ne se séparent plus de leurs cohortes d'avocats ! La plainte auprès des Tribunaux de justice est devenue pour tous ceux qui possèdent d'abondantes ressources financière, un métier de juriste ou des relations éminentes, un moyen banal, soit de dissuader, soit punir le cuistre qui aurait eu l'outrecuidance de vous moquer, soit de tenter de ruiner l'impudent. Et comme les frais d'avocats et de Justice sont exorbitants pour des accusés dotés de revenus médians ou des journaux libres dont on connaît les difficultés de trésorerie, beaucoup peuvent se retrouver dans des situations dramatiques, acculés à la faillite.
En cette époque où, dans les pays occidentaux, la liberté d'écriture et de publication est accordée, même à contrecœur, à tous les citoyens désireux de s'exprimer sur Internet, chacun ne peut s'empêcher de penser à la menace qui pèse potentiellement sur l'interprétation de ce qu'il rédige, surtout s'il conteste un système, un people médiatisé, un haut fonctionnaire, un politique, un apparatchik oligarchique ou un responsable économique.
Parce qu'il est tellement facile, en étudiant attentivement un pamphlet de découvrir, derrière chaque phrase, chaque mot, chaque tournure, chaque ponctuation, une allusion, un double sens, une allégation suspecte, une diffamation cachée, une insulte, une critique infondée justifiant une procédure de Justice !
Fort évidemment un plumitif de 3ème zone, tel que votre serviteur, pondant un texte insolent ou iconoclaste devant une audience confidentielle dans un blog dont la notoriété ne dépasse pas trois pelés et un tondu, aussi illustres lecteurs de Médiapart fussent-ils, ne risque pas grand chose : il passera entre les gouttes, mais à partir d'une certaine réputation professionnelle, on peut s'attendre à de sérieux retours de bâtons...
Depuis quelques temps, une offensive tous azimuts contre la Presse écrite et Internet semble se déchaîner.
En effet, le site de Médiapart fait l'objet d'une dizaine de plaintes visant des articles de Laurent Mauduit publiées début 2008 sur des pertes financières, de Natixis, et je cite, « sanction des dirigeants, enrichissement des dirigeants et appauvrissement de l'entreprise, aventurisme et imprévoyance. »
Une autre plainte vise un papier de Laurent Mauduit, je cite, « mettant en évidence les conflits d'intérêts sous-jacents à la nomination d'un proche collaborateur de Nicolas Sarkozy à la tête du nouvel ensemble bancaire Caisses d'Epargne-Banques Populaires imposé par l'Elysée. ». Une condamnation trop lourde pourrait mettre l'entreprise en péril.
On notera également le cas d'Olivier Bonnet, journaliste de son état, et promoteur de l'excellent site, Plume de Presse qui vient de se voir traîner en Justice par le Sieur Bourragué, magistrat, pour le délit : " injures publiques envers un fonctionnaire public " à la suite d'un billet de blog. Olivier Bonnet risque une sévère amende de 12.000 €. Somme considérable , s'il en est, pour un citoyen ordinaire.
Silvio Berlusconi, dont on connaît l'exemplarité et la probité, réclame un million d'euros de dommages et intérêts pour diffamation au quotidien La Repubblica qui, je cite, lui a posé publiquement dix questions sur sa vie privée.
Quelque soient vos opinions politiques, il est de notre devoir de protester contre cette banalisation de l'outil judiciaire pour tenter de bâillonner de véritables lieux d'opposition et de débats en Europe : la Presse écrite et Internet. Les médias étant presque tous , non seulement, aux mains d'amis ou de partisans des oligarchies européennes et anglo-saxonnes, tous ardents défenseurs d'un système économique scandaleusement injuste.
Défendre Médiapart, Olivier Bonnet et la Reppublica, c'est aussi symboliquement sauvegarder la diversité de vos lectures, protéger votre indépendance d'esprit, favoriser la liberté de ton, aiguiser son sens critique et donner libre cours à la malice, l'impertinence, l'humour et la créativité !
N'en déplaise à certains, la conception névrotique de la Loi, la dictature obsessionnelle du Droit, le dépiautement systématique de chaque texte pour y trouver une vague faille ou un hypothétique double sens, le développement lancinant des procédures tatillonnes qu'on observe de plus en plus dans nos sociétés dites évoluées favorisent systématiquement la mainmise d'une élite technocratique et financière au profit de ceux qui osent s'attaquer à elle.
Amis, nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers une société effrayante où la Presse et toute forme d'expression libre, à l'écart des grands groupes internationaux , se risqueront à de gros dégâts lors de chaque publication d'enquêtes, d'articles, d'opinions personnelles, de pamphlets. La judiciarisation extrême de la société, importée des USA, favorise la mainmise idéologique des classes dirigeantes disposant de myriades d'avocats compétents, de financements ininterrompus et de juristes confirmés ; elle provoquera à terme, l'asphyxie progressive de ceux qui oseraient s'élever contre la pensée dominante.
L'avenir paraît bien sombre, mais à nous, les minuscules foumis, de lutter opiniâtrement : le pire n'étant jamais sûr...
Billet de blog 1 septembre 2009
La judiciarisation de l'espace médiatique.
Dans l'antiquité, lorsque la réflexion d'un quidam déplaisait au puissant, ce dernier dépêchait quelques sicaires pour résoudre définitivement le problème. Aux 17 et 18èmes siècle, les seigneurs envoyaient leurs laquais bastonner l'insolent. Au 19ème siècle des nervis bien choisis et fort costauds vous faisait regretter les vilaines paroles que vous aviez sorties à l'encontre de leur patron ou d'un magnat quelconque, passons ce sinistre 20ème siècle : on se retrouvait dans des camps d'où on éprouvait toutes les difficultés à revenir vivant à cause d'un simple délit d'opinion.
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