Les Assises Citoyennes du Soin Psychique auront lieu à la Bourse du Travail de Paris les 24 et 25 mai prochains, autour du thème "Résister et Créer" (cf argumentaire et programme en fin de billet ou ici)
En vue de préparer l’Atelier « Soigner l’enfant dans le monde d’aujourd’hui – le soin psychique à l’épreuve de la normalisation », nous souhaiterions recueillir en amont des témoignages de professionnels, d’usagers, de familles, ou de personnes concernées par le soin infantile. Ainsi, nous vous présentons ci-dessous la description de l’Atelier, de même que les points que nous souhaiterions pouvoir approfondir et élaborer collectivement. Un questionnaire proposé à la suite peut éventuellement servir de base à vos transmissions, même si des commentaires libres sont tout à fait possibles, des esquisses ou des fragments. Toutes les réponses garantiront absolument l’anonymat, le respect des positions singulières ou des antagonismes, et nous vous tiendrons informés ultérieurement des suites données à ce recueil de témoignages. Vos réponses ou désirs de prise de contact peuvent être adressés directement à l’adresse suivante : assises.soins.enfance@gmail.com – merci de nous indiquer à cette occasion si vous souhaitez, ou pas, faire partie de la mailing liste d’informations et d’échanges qui se mettra en place autour de cet Atelier.
...Face aux malaises globaux (culturels, sociétaux, écologiques, politiques), au ruissellement des messages contradictoires et déstructurants (déni du psychisme, virtuel déconnecté de la réalité, publicité envahissante et ambiguë ...) et à la déstabilisation du système de santé (des lieux de soin, des réseaux, des méthodes de soin), comment accueillir l’enfant singulier en souffrance, agir pour la relance de son développement psychique, favoriser un environnement structurant, sans céder à la pression ambiante de juste étiqueter et normaliser son comportement, d’adapter sa pensée/conduite, voire de simplement l’abandonner (inclusion excluante, circuits du handicap) avec sa souffrance ? …

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Au-delà des constats concernant le délitement actuel des capacités de soin et d’accueil, il nous parait important de mettre aussi en avant les possibles en termes de créativité, d’imaginaire instituant, d’expérimentations, de bifurcations, de subversion ou de résistance face au rouleau compresseur des injonctions normatives et managériales. Aussi, nous souhaiterions recueillir et diffuser les témoignages de pratiques singulières, de propositions marginales, vectrices de désirs, de rencontres et d’élans. Certes, la chape de normalisation gestionnaire et l’expertise surplombante apparaissent désormais comme des contraintes indépassables, colonisant insidieusement, ou de façon autoritaire et brutale, l’espace des institutions soignantes. Et il serait bien vain - voire contre-productif - de dénier les affects que cette situation parfois tragique peuvent susciter, allant de la colère à la résignation, voire jusqu'à une forme d’abattement mélancolique…Mais peut-être faut-il pouvoir être traversé et éprouvé, afin de pouvoir aussi tenter de dépasser cet écueil ? ... Car nous restons convaincus qu’il reste du jeu, des interstices et des horizons. L’évaluation, la catégorisation, le triage systématique à la chaîne ne sont pas des fatalités indépassables. Et partager ces petites déviations, tous ces pas-de-côté, est sans doute susceptible de tisser du collectif, par-delà les impératifs de préservation, ou de survie, au quotidien. D’autres pratiques restent envisageables, permettant de faire germer des liens, des histoires et des ouvertures.
En tout cas, des questions méritent d’être soulevées, mises en commun et discuter : l’inclusion systématique, pour tous, dans les conditions actuelles, est-elle forcément légitime ? Comment faire en sorte que les institutions soignantes ne deviennent pas des dispositifs de ségrégation et de mise en filière ? Que penser des orientations préconisées en termes de rééducation, de réhabilitation, de remédiation, ou de l’usage de plus en plus massif de médications normalisatrices ?
Merci d’avance de votre participation à cette démarche, en nous faisant partager vos témoignages ou en prenant directement la parole lors des Assises. Vous pouvez d’ores-et-déjà répondre à notre appel, et vous exprimez en tant que soignant, parents, enfants, ou citoyens concernés par ces enjeux du soin psychique infantile. Nos propositions de question ne sont évidemment qu’indicatives, et vous pouvez également nous faire part librement de vos ressentis et expériences.
Questionnaire à destination des professionnels, des usagers
et des citoyens
1/ Dans votre pratique professionnelle, de quelle façon les injonctions gestionnaires et managériales se manifestent-elles ? Ont-elles pu constituer des contraintes concrètes pour la rencontre et la dynamique soignantes ? En tant qu’usagers, vous êtes-vous trouvés confrontés à des dispositifs purement gestionnaires, ne cherchant pas à vous comprendre et à vous rencontrer dans vos difficultés spécifiques ? Si oui, quel a été votre vécu dans de telles circonstances ?
2/ En tant que soignants, pensez-vous qu’il est nécessaire de pouvoir s’extraire des protocoles, recommandations normatives, impératifs de codage et de catégorisation ? Si oui, quels contournements vous paraissent envisageables ? En tant que personnes concernées, pensez-vous qu’il est prioritaire de standardiser les dispositifs thérapeutiques et d’appliquer systématiquement des procédures « validées », proposant un traitement univoque pour chaque diagnostic, avec des interventions plateformisées et interchangeables ? Ou souhaitez-vous en priorité bénéficier d’une relation singulière avec une équipe soucieuse de prendre en compte votre situation personnelle, avec tout ce que cela suppose de dégagement par rapport à toute forme de « protocolisation » ? Pensez-vous que ces deux dimensions pourraient éventuellement se concilier ?
3/ Dans vos lieux d’intervention, avez-vous contribué à l’émergence de pratiques créatives, non normées ? Qu’elles ont été les conditions de possibilités de ces constructions ? Dans votre parcours de soin, avez-vous eu le sentiment de pouvoir partager des moments singuliers, empreints d’écoute et de bienveillance ? Avez-vous eu l’impression que les propositions d’accompagnement pouvaient prendre en compte vos enjeux personnels ? Dans quels lieux, à quelles conditions ? Avez-vous été surpris par des propositions de soin inhabituelles, n’apparaissant pas a priori comme thérapeutiques ?
4/ Quels retours d’expériences soignantes particulières souhaiteriez-vous partager ? Auriez-vous des propositions à faire à partir de pratiques institutionnelles « décalées » ? Pourriez-vous rapporter des « moments soignants » qui vous ont semblé particulièrement porteurs et aidants ?
5/ Les pratiques artistiques, l’implication dans la vie de quartier, dans des lieux tiers, avec d’autres publics, etc., peuvent-elles contribuer au processus soignant ? Doivent-elles être soutenues, valorisées et prises en compte dans les politiques de soin ?
6/ Au vu de vos expériences, aussi bien positives qu’entravantes, quelles pourraient-être vos revendications à l’égard des pouvoirs publics et des instances administratives ? Quels combats prioritaires vous semblent devoir être engagés collectivement en faveur du soin psychique à destination des enfants ?
7/ Que pourriez-vous attendre des Assises du Soin Psychique et de l’Atelier Enfance ? Avez-vous des requêtes spécifiques, des espoirs, des réserves ?
8/ Témoignages libres concernant des pratiques hors sentiers balisés, remarques et propositions ouvertes

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Les Assises Citoyennes du Soin Psychique, les 24 et 25 mai à la Bourse du Travail de Paris
RÉSISTER ET CRÉER
La catastrophe de la psychiatrie, et en particulier de la pédopsychiatrie, que nous annoncions lors des précédentes Assises est maintenant avérée, rendue publique dans la grande presse et l’ensemble des médias. Des services sont supprimés, tant dans les hôpitaux que dans les centres ambulatoires, entravant l’accès à des soins de proximité, avec des listes d’attente dont se plaignent à juste titre patients, familles et soignants. Ayant à prendre en charge les personnes en souffrance psychique, la psychiatrie devrait s’intéresser à leurs conditions sociales, anthropologiques, culturelles...Les pratiques de psychothérapie Institutionnelle témoignent de la possibilité de faire autrement dans les Collectifs qui résistent à l’air du temps, en construisant avec les patients des moments d’accueil et d’hospitalité. Dans les clubs thérapeutiques, dans les interstices des institutions, mais aussi dans les groupes d’entraide mutuelle, nous pouvons être sensibles à l’émergence d’espaces de solidarité et de rencontres entre patients et soignants œuvrant ensemble à des tâches communes. Ce travail sur l’ambiance est précieux dans les moments de vie quotidienne et ouvre également aux potentialités créatrices de chacun(e). Ce qui vaut pour les institutions de soin garde toute sa pertinence dans le social et le médicosocial. Aujourd’hui un grand nombre de patients peuvent se retrouver à la rue ou en prison. Nous avons à y réaffirmer la nécessité d’un accueil et de soins psychiques, ce que certaines équipes mettent en œuvre avec les moyens du bord. Nous soutenons la nécessité d’une articulation étroite entre tous ces lieux, ce qui était présent dans la politique de secteur dès sa fondation. Ces deuxièmes Assises citoyennes du soin psychique s’adressent aux professionnels, patients, familles, mais également au grand public concerné par les attaques des gouvernements successifs contre un abord multidimensionnel de la souffrance psychique. Cette maltraitance concerne l’ensemble de la société, et la part qu’elle laisse à ses marges, aux sources de la créativité. Les créateurs, écrivains et artistes, en témoignent dans leurs œuvres, mais aussi dans les actions qu’ils mènent dans les lieux d’accueil et de soins. Nous appelons donc l’ensemble des personnes concernées à se rassembler, à mettre en lumière les attaques subies, mais aussi les possibilités de résistance et de création dans les lieux de soins, ainsi que dans les formations initiales et permanentes. Les pratiques émancipatrices persistent, y compris dans les lieux les plus improbables : elles témoignent de la possibilité d’émergences «d’utopies concrètes » dans le fracas du monde actuel. Il s’agit d’un défi politique et créatif que nous vous proposons de relever pendant ces deux journées.
PROGRAMME
-RÉSISTER ET CRÉER DANS LES INSTITUTIONS ET LEURS MARGES : Intervention de Pierre DARDOT, philosophe
Discussion : Groupe psy psy & Fanny REBUFFAT, psychiatre
-IMMERSION EN LIEUX DE SOINS ET PROCESSUS CRÉATIF : dialogue entre Clara BOUFFARTIGUE, réalisatrice, et Joy SORMAN, écrivain.
-LIBERTÉS & DROITS :
La passion d'enfermer : Dominique SIMONNOT, CGLPL
Le fou dans l’œil de l’État : Sarah MASSOUD, JLD, Syndicat de la Magistrature
ATELIERS :
1-Psychiatrie sinistrée: quel accès à quel soin, dans quel dispositif de soins?
2-Soigner l’enfant dans le monde aujourd’hui –les soins psychiques à l’épreuve de la normalisation
3-Quelle contenance par le soin psychique ?
4-Espaces collectifs et vie démocratique : pour des pratiques humaines, vivantes et indisciplinées des soins psychiques
5-Quel accueil de la souffrance psychique dans la cité ?
6-Clinique des marges et réinvention institutionnelle
7-Une civilisation d’exclusion