Billet de blog 28 décembre 2022

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1973 : l'Île Rouge passe à l'orange

Du protectorat à l'indépendance, le chemin est généralement long. On a coutume d'ajouter tortueux, épithète convenant mieux, en toutes époques, au pot de fer qu'au pot de terre de la « négociation ». Mais en 1973, Mada la rouge ne désespérait pas de l'être autrement que par la latérite de ses sols...

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"Madagascar est déterminée à recouvrer l’entier exercice de sa souveraineté dans tous les domaines : politique, économie, monnaie, défense, éducation", déclarait ainsi en janvier Didier Ratsiraka, ministre des affaires étrangères et futur président. Imaginons chez nous la tête violacée du nervi en chef Monsieur Françafrique, à deux doigts de l'apoplexie...

Sur son échiquier politique de voyage pliable, le très gaulliste Jacques Foccart ne voyait que des pions. Et un capitaine de corvette malgache prônant l'émancipation totale de son pays ne pouvait guère être qu'un énergumène gauchiste (sic) supplémentaire, lesquels pullulaient depuis cette funeste année 1960. Encore heureux qu'il n'ait pas eu l'écoute pompidolienne, plus soucieuse de s'ôter quelques épines post-colonialistes du pied que de les conserver dans le giron national.

Aussi les interlocuteurs officiels de l'énergumène, dont Valéry Giscard d'Estaing, ministre des affaires étrangères et futur président lui-même, avaient-ils pour principale mission de dissuader la délégation d'Antananarivo de quitter la zone franc. En court-circuitant Ratsiraka, autant dire une gageure à l'époque. C'est quel mot que vous ne comprenez pas? aurait dit aujourd'hui ce jeunot intransichiant... hélas très vite atteint par l'usure du pouvoir, destin classique.

Le mot était "monnaie", bien entendu. De plus, pas de bol pour les Bleus : le cyrard Gabriel Ramanantsoa, général et chef de l'Etat du moment, lui-même adoubé par son prédécesseur ex-cégétiste Philibert Tsiranana après les émeutes de l'année précédente, était en soutien inattendu. Au point de lâcher une connerie humaniste du style "Nous préférons rester pauvres, mais dignes, que nous agenouiller devant des richesses". Quelle insolence, non?

Cette année inspirante-expirante était accessoirement celle de mes 20 ans, âge à la con. Pas celle de mon éveil politique (ça c'est fait, se disaient mes grands-pères en frottant  leurs grosses mains calleuses d'un air patelin), mais bel et bien de l'acquisition d'une conscience élargie du monde, et de ses dirigeants occultes ou incultes.

En en parcourant une bonne moitié par la voie maritime, l'engagé volontaire sur un coup de tête (et sur un aviso-escorteur), se rêvait sans doute en bourlingueur culbutant la gent féminine à toutes les escales... Aussi incroyable que cela paraisse, cela n'a pas été le cas ! L'âge le plus crétin de la vie, vous dis-je.

Par contre, plus qu'un simple port d'attache Diego-Suarez, ou Antsiranana en version expurgée, reste ancrée profondément dans mon coeur d'artichaut. Pour avoir eu la chance d'un rapatriement sanitaire et disciplinaire en juillet de l'année suivante, je n'en ai pas été expulsé avec le reste (négligeable) de nos forces armées, grâces en soient rendues à "l'Amiral rouge" !

Au demeurant qu'y faisions-nous, en tant qu'unité de la marine nationale? Pour l'essentiel, des ronds dans l'eau. Des grands ronds dans l'Océan Indien et la Mer Rouge, avec parfois des jolis festons de missiles d'exercice autour. Histoire d'impressionner au-delà de Bab-el-Mandeb les sympathiques "chalutiers" soviétiques à grandes oreilles décollées... mais dans l'ensemble un crabe radiotélégraphiste s'emmerdait à 26 milles de l'heure en vitesse de croisière. Et pour le coup, se cultivait quant au contexte géopolitique motivant l'inquiétude de ses patrons, c'est humain.

Je tiens à le dire ici, il n'y a pas plus antimilitariste qu'un ex-militaire. Et tout particulièrement un marin, en raison de cette curieuse propension à faire des phrases, judicieusement notée par Maître Folace 45 ans avant la fondation de Mediapart. D'où ce texte...

n.b. : Toute réclamation est à adresser à Sabrina Kassa, Livia Garrigue et Romaric Godin ;-) 

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