
C'est dans le Paris de 1973 où Pompidou, en fin de vie, posait sa marque architecturale, que les Accords de Paris scellant la défaite US au Vietnam furent signés.
Beaubourg se construisait et le moins qu'on puisse dire c'est que la bâtisse ne faisait pas l'unanimité, encore moins chez ce Paris populaire chassé de ses petits métiers, de ses rues qui devaient faire place au Forum des Halles. Le trou des Halles était le sujet de moultes protestations des parisiens de l'époque au comptoirs des cafés populaires.
C'est Avenue Kléber au 19, sous les ors de l'ancien Ministère des Affaires Etrangères devenus Hotel Majestic, que les accords furent signés entre les USA avec un certain Henry Kissinger, le Vietcong sud vietnamien, le régime de Saigon, et le Nord Vietnam, le Samedi 27 Janvier 1973 à 11h00 précises.

copyright Alamy E10G/H - Samedi 27 Janvier 1973 - 11h00.
Samedi 27 Janvier 1973, 19 Avenue Kleber l'extraordinaire noria de limousines sombres, et les sorties d'officiels déboucherait sur des accords historiques et la défaite des USA, qui dès 72 décidèrent de la "vietnamisation" du conflit entre le nord et le sud . Cette défaite déboucheraient sur une humiliation cinglante en deux temps. Le refus par le leader vietnamien d'accepter le prix Nobel de la paix en "compagnie" de Kissinger, mais surtout la fuite en catastrophe, via les toits de l'Ambassade US de Saïgon le 30 avril 1975 des derniers vestiges d'une néo colonisation larvées des USA dans le prolongement de la colonisation française.
Les Accords de Paris, scellaient également la fin d'années de bombardements intensifs, des dizaines de milliers de morts et de mutilés, une catastrophe écologique massive par l'emploi de défoliants visant à débusquer le Vietcong de ses positions forestières et de ses tunnels où une armée combattante allaient vaincre le mastodonte US après avoir humilié la France coloniale à Dien Bien Phu .
La bascule que Romaric Godin raconte dans son article du 26 Décembre figurent parmi les préludes économiques de cet événement le 15 Aout 1971.
Déjà dans les alcôves de la Réserve Fédérale, de cette fin des accords de Bretton Woods on trouvait un certain Paul Volcker. Cette décision unilatérale sonnait la fin de la récréation US, probablement définissait les limites du programme lunaire, et le déluges de dollars sous forme des bombes sur la péninsule indochinoise visant en vain à effondrer le Nord Vietnam où Giap résistait et organisait la résistance de tout un peuple;
C'était pour les USA , la fin du "quoi qu'il en coûte" pour l'espace, pour la guerre au Vietnam coûteuse, ravageuse.
Volcker allait prendre la présidence de la Réserve Fédérale sous Carter, qui lui connaîtra une nouvelle humiliation en Iran en Novembre 1979.
La guerre du Vietnam jouera sans aucun doute un rôle majeur avec l'action de Volcker qui restera influent jusque sa mort, dans la conversion US tant côté démocrate (Carter) que républicain (Reagan) avec la montée en puissance du pétrodollar, de la finance et dans ce qu'on allait considérer comme la Révolution néolibérale aux USA.
Cette révolution là, avec la politique monétaire dont Volcker fut un des éminents partisans allait constituer une alternative au "tout militaire US". L'extraterritorialité du Droit du commerce US, mais aussi la politique monétaire US contribuèrent à effondrer "l'expérience chilienne" puis, par le durcissement de Volcker par l'augmentation des taux directeurs de la Réserve Fédérale, qui eut raison notamment de la politique menée en 1981 en France. Milton Friedman pouvait alors expérimenter dans le Chili de Pinochet, l'assassin d'Allende, ce qui devait devenir une doctrine que Reagan et Thatcher allaient systématisés. Déjà sous Franco, l'ère Carrero Blanco annonçait les prémices de cette évolution.
Washington par ses taux s'évitait ainsi les chars à Paris contre un pouvoir où la présence de ministres communistes leur sortait par les yeux, en étouffant une politique de gauche portée par des dirigeants socialistes pas si convaincus qu'il n'y paraissait.
La guerre du Vietnam représentait à l'époque, des images sur des postes en noir et blanc ou en couleur des bombardements, occasion dans les familles de se rappeler ceux qui avaient explosés les quartiers populaires parisiens ou dans le nord du pays lors de l'occupation. C'était aussi des discussions assez animées contre les crimes US. Le Vietnam, autrefois Indochine française n'était pas totalement étrangère pour ceux qui avaient croisés ces travailleurs vietnamiens à Paris, ces militants anticoloniaux depuis 1920.
Un ancien Résistant, compagnon de Jean Moulin, présent et arrêté en sa compagnie à Caluire, Raymond Aubrac joua un rôle méconnu dans cette affaire. Il était un proche de Ho Chi Minh qu'il avait hébergé à Soisy Sous Montmorency (actuel 95) et dont il était devenu conseiller avant de s'attacher aux services de Pham Van Dong à Hanoï où il a assisté en 1975 à la prise de Saïgon.
Dans ses mémoires on trouvera
« Et comme tous les habitants de Hanoï, je sortis dans la rue […] des centaines de milliers de gens étaient dehors. La foule était silencieuse, paisible ou plutôt apaisée. J'ai vu dans ma vie bien des foules. Celles du Front populaire et de la Libération de Marseille. Jamais je n'ai rien vu de semblable. La paix, c'était donc cela. »
Après le 27 Janvier 1973 et les Accords de Paris, la guerre tuait encore via les mines truffant le territoire vietnamien faisant également des milliers de handicapés, de mutilés, d'amputés.
Raymond Aubrac qui avait été commissaire à la reconstruction à la Libération, se dépensa pour que toutes les agences de l’O.N.U. concourent à la reconstruction du Vietnam.
En mai 1975, reçu à la banque mondiale par Robert Mac Namara, il lui transmit un message du premier Ministre Pham Van Dong: la guerre était terminée. Ce message le priait de remettre à leurs anciens ennemis leurs plans des champs de mines. Ainsi le déminage pourrait être effectué rapidement et efficacement, épargnant aux populations morts et mutilations. Raymond Aubrac lui dit en substance qu'il avait le choix soit d'apparaître comme un gentleman, soit il associerait son nom à un effroyable carnage qui viendrait s'ajouter à un bilan politique et militaire effroyable au Vietnam.
Mac-Namara parut profondément bouleversé par le plaidoyer de Raymond Aubrac et répondit que, bien qu’il n’appartienne plus au gouvernement des Etats Unis, il prendrait contact avec le Pentagone. Quelques semaines plus tard, les Vietnamiens reçurent, secrètement, les plans qu’ils désiraient, transportés par une noria d'avions de transport militaires US.
Le 20 Janvier 1973, à Paris mais aussi à Chicago, des manifestations violentes protestaient contre l'investiture de Nixon et revendiquaient "l'impeachment" : le Watergate allait l'emporter avec son mandat .
Cette guerre avait marqué les années 60, et les protestations contre l'agression US avaient été portées par toute une jeunesse en 1968, puis à Woodstock, influençant en profondeur la culture pop.
