En 1968, la France s’ennuyait, pouvait-on lire dans le quotidien Le Monde. Eux, à vingt-cinq ans, ils voulaient secouer les carcans de la société. On voulait prendre la parole, dénoncer le vieux monde et rêver de lendemains qui chantent. Les années qui suivent Mai 68 sont marquées par un
mouvement sans précédent de toutes les composantes de la société. Sans précédent par sa profondeur sociale, son ampleur, ses composantes, ses sujets.
Au premier plan, le secteur de l’information. Ce n’était pas seulement l’ORTF, qui était sous le contrôle de l’État : la surveillance et la censure s’exerçaient sur la presse et la radio tout entières. C'est au cœur de cette situation bloquée qu'une nouvelle entreprise de presse va apparaître :
l’Agence de Presse Libération (APL) dont la première livraison sort le 18 juin 1971, puis le quotidien Libération. L'innovation la plus radicale en est le choix d'impliquer les lecteurs dans la vie même du journal : « prenez votre journal en mains ».
Jean-Claude Vernier, militant de la mouvance maoïste, crée en juin 1971 l'Agence de presse libération (APL) pour contribuer à la l'indépendance de l'information face au contrôle gouvernemental. L'entreprise s'appuie entre autres sur les comités locaux de la Gauche Prolétarienne. Il fera appel à Maurice Clavel, qui acceptera d'en être le co-directeur. Dans la dynamique de l'agence de presse, il lance avec Jean-René Huleu l'idée d'un journal. Cette fois, c'est Jean-Paul Sartre qu'il sollicitera pour en prendre la direction. Le 4 janvier 1973, entouré de Philippe Gavi, Jean-Paul Sartre, Serge July et Jean-René Huleu, il présente à la presse le nouveau quotidien : ce sera Libération.
Il relate ses évènements dans des entretiens qui se sont déroulés durant l’automne et l’hiver 2018-2019 et complétés à l’automne et l’hiver 2021-2022. Avec cinquante ans de recul, et pour la première fois sous forme écrite, il nous fait revivre ces années de folle genèse. « Je n’ai plus ni notes ni archives de cette époque. Je partage ici ma perception personnelle de ce que furent mes engagements. »
« Je voulais un journal qui appartienne autant a ses lecteurs qu'a ses rédacteurs, une sorte de noria de l'information. Ce projet a été refusé a l'époque par l'équipe de rédaction de Libération ; c'est ce qui a provoqué mon départ vers d'autres horizons ».
Gérard Brovelli, universitaire spécialiste de droit et science politique, lui-même engagé dans les mouvements de Mai 68 et leurs suites a su convaincre Jean-Claude Vernier de livrer sa vision de l'aventure.
Leurs entretiens sont à lire ici.
Martine et Jean-Claude Vernier