Le CCFD-Terre Solidaire, qui appelle les candidats à l'élection présidentielle à signer son Pacte pour une Terre solidaire, a expertisé les propositions de la plupart d'entre eux. Mediapart publie le premier volet de cette étude, sur la lutte contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale.
Retrouvez ici le second volet sur la lutte contre l'impunité des multinationales.
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CCFD - Terre solidaire propose de lutter efficacement contre l'évasion fiscale pour financer des politiques publiques de qualité : mettre fin à l'évasion fiscale des entreprises multinationales, actualiser la liste française des paradis fiscaux, exiger un échange d'information de la part des intermédiaires financiers et renforcer la coopération internationale sur les questions fiscales.
Qu'en est-il dans les programmes des candidats?
François Bayrou
Ses propositions
«Supprimer les paradis fiscaux avec un calendrier contraignant» (programme du MoDem, p. 47).
«Mise en œuvre d’un vaste plan de lutte contre la fraude fiscale sous toutes ses formes» (programme du MoDem, p. 16).
«Pour lutter contre les paradis fiscaux il y a une chose extrêmement simple à faire, à partir du 1er janvier 2013, aux États-Unis, chaque fois qu'un compte bancaire sera ouvert au nom d'un citoyen américain dans un paradis fiscal, obligation sera faite à ces pays de le déclarer au fisc américain, en cas de déni les États-Unis n'auront plus d'échanges avec ce pays» (émission «Des paroles et des actes», France 2, 8 décembre 2012)
L'analyse du CCFD
François Bayrou pointe du doigt le problème des paradis fiscaux et propose leur suppression, sans toutefois définir ce qu'il entend par «paradis fiscaux». L'évasion fiscale des entreprises multinationales n'est pas mentionnée. Par ailleurs, dans sa proposition de créer une norme comptable sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la responsabilité fiscale n'est pas prise en compte. Enfin, dans une interview télévisée, il a présenté la piste explorée par les Etats-Unis sur l'obligation créée pour les banques de dévoiler leurs relations avec des contribuables américains à l'étranger. Cependant, il limite la portée de cette mesure en évoquant qu'elle ne pourrait s'appliquer que pour les paradis fiscaux (réintroduisant une nouvelle fois le problème de la définition et de la liste de ces territoires).
Nicolas Dupont-Aignan
Ses propositions
«Il faudra (...) introduire un contrôle de mouvement des capitaux aux frontières afin de limiter la spéculation et pour en finir avec les “parasites fiscaux”» (programme, p. 4).
«Je mettrai également en œuvre un “impôt de citoyenneté”, afin que chaque Français qui réside à l’étranger soit soumis à une taxe minimale et ne soit pas encouragé à l’évasion fiscale: il ne sera ainsi plus possible de profiter de Saint-Tropez et des meilleurs hôpitaux français tout en résidant à Monaco sans contribuer à l’effort national français» (programme, p. 4).
«Je m’attaquerai aux mafias qui contrôlent les réseaux de drogue et à la délinquance financière qui aide à blanchir cet argent. Les infractions financières les plus graves seront criminalisées» (programme, p. 7).
L'analyse du CCFD
Nicolas Dupont-Aignan évoque le problème de l'évasion fiscale et propose d'instaurer un impôt basé sur la citoyenneté et non pas sur la résidence. Cette mesure concrète pourrait se heurter au problème de l'opacité financière et juridique et du secret bancaire, qu'il n'aborde pas et qui empêchent d'identifier les avoirs des Français à l'étranger. Le problème de l'évasion fiscale des entreprises multinationales n'est pas présent dans son programme. Il évoque enfin la délinquance financière et le blanchiment d'argent, sans préciser les solutions avec lesquelles il entend lutter contre le phénomène.
François Hollande
Ses propositions
«J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux» (Les 60 engagements de François Hollande, n° 7)
«Je renforcerai les moyens de lutter contre la fraude fiscale» (Les 60 engagements de François Hollande, n° 17)
L'analyse du CCFD
François Hollande pointe du doigt la question de la présence des banques dans les paradis fiscaux à des fins d'évasion fiscale ou de contournement des règles de prudence financière. En effet, 1/4 des filiales des 12 premières banques européennes sont localisées dans des paradis fiscaux. Mais il ne précise pas de quels territoires il parle. A l'heure actuelle, il existe déjà en France un dispositif qui oblige les banques à faire état de leur présence dans les paradis fiscaux tels que la France les a listés (une liste qui ne compte que 18 Etats et territoires non coopératifs), et sanctionne certaines transactions en direction ou en provenance de ces territoires listés. Il évoque également le problème de la fraude fiscale mais pas celui de l'évasion fiscale, et ne détaille pas les moyens qu'il mettra en œuvre pour lutter contre ce phénomène.
Eva Joly
Ses propositions
«Lutter contre la corruption, lever le secret bancaire, s’attaquer aux paradis fiscaux» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 12).
«[Ce combat, les écologistes] l’ont mené dans les collectivités locales, nous le mènerons en France, en Europe et dans le monde» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 12).
«Seules les banques qui n’opèrent plus dans les paradis fiscaux garderont leur licence bancaire. Cette licence, octroyée par l’Etat, donne le droit de vendre des services bancaires» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 13).
«Les moyens législatifs, réglementaires et financiers des pôles judiciaires et policiers chargés de traquer la délinquance financière, environnementale et le crime organisé seront renforcés» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 45).
«Pour en finir avec le secret bancaire et l’évasion fiscale, toutes les institutions financières qui opèrent en France et qui ouvrent un compte à une Française ou un Français, n’importe où dans le monde, devront en informer l’administration fiscale. Une disposition semblable a été votée aux Etats Unis, qui s’appliquera dès 2013 aux citoyennes et citoyens américains» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 13).
«Pour limiter l’“optimisation fiscale”, établissement d’un impôt plancher sur les sociétés pour les multinationales de droit français, à hauteur de 17 % de leur bénéfice brut.» (Projet présidentiel d'Eva Joly, page 33).
L'analyse du CCFD
Eva Joly fait de la lutte contre les paradis fiscaux, le secret bancaire et la corruption une priorité de son programme. Elle avance des propositions concrètes pour faire reculer le secret bancaire, notamment avec la mise en place d'une obligation de transparence de la part des banques concernant leurs clients français à l'étrange. En revanche, concernant la lutte contre l'évasion fiscale des entreprises multinationales, elle propose l'instauration d'un taux plancher d'impôt sur les sociétés et ne retient pas la proposition du reporting comptable pays par pays, pourtant présente dans le programme du parti EELV et que les élus écologistes ont porté au niveau local. Enfin, elle propose de renforcer les moyens législatifs, réglementaires et financiers de la police et de la justice pour lutter plus efficacement contre la grande délinquance financière et le crime organisé.
Jean-Luc Mélenchon
Ses propositions
«[Blocage des] échanges de capitaux avec les paradis fiscaux» (programme du Front de gauche, page 5).
«Une loi anti-évasion fiscale permettra l’imposition des revenus des Français à l’étranger» (programme du Front de gauche, page 5).
«[Nous] obligerons les entreprises à la transparence financière» (programme du Front de gauche, page 5).
L'anlyse du CCFD
Jean-Luc Mélenchon met en avant la régulation financière et la lutte contre les paradis fiscaux. Il esquisse différentes pistes dont certaines vont dans le sens des propositions du CCFD-Terre Solidaire, notamment la transparence financière des entreprises et un dispositif anti évasion fiscale. Mais les mesures concrètes pour y parvenir ne sont pas précisées.
Dominique de Villepin
Dominique de Villepin ne mentionne pas les problèmes de la fraude et de l'évasion fiscales ou des paradis fiscaux. Les mesures qu'il propose en matière de fiscalité pour réduire la dette (hausse des impôts et réduction des niches fiscales) font l'impasse sur les 50 milliards de fraude fiscale annuelle en France. Par ailleurs, en mettant en avant des mesures de régulation des banques uniquement au niveau national, il n'évoque pas le contexte international et le déficit de régulation financière à l'échelle mondiale, à l'origine de la crise.
Nicolas Sarkozy
Ses propositions
«Nous voulons également créer un fichier national des fraudeurs sociaux et fiscaux, pour lutter contre la récidive et aggraver progressivement les sanctions. Nous voulons enfin créer un “FBI” de la lutte contre les fraudes, corps d’inspecteurs des contrôleurs qui aurait compétence sur toutes les fraudes sociales et fiscales» (programme de l'UMP, page 11).
L'analyse du CCFD
L'UMP ne mentionne pas la question des paradis fiscaux. En revanche, le parti de Nicolas Sarkozy met l'accent sur la fraude fiscale qu'il met en parallèle avec la fraude sociale. Le dispositif cible donc essentiellement les petits fraudeurs et non pas les plus gros utilisateurs des paradis fiscaux: les riches particuliers et les entreprises multinationales. Des moyens supplémentaires seront mis en œuvre pour lutter contre cette petite délinquance financière mais la grande délinquance n'est pas abordée. Enfin, l'approche développée jusqu'à présent par le gouvernement, qui fait reposer l'ensemble du dispositif anti fraude sur la courte liste française des paradis fiscaux, n'est pas remise en question.