Plusieurs associations se sont réunies pour évoquer les problèmes liés à l'accueil des migrants. L'Association pour la formation des travailleurs africains et malgaches (Aftam), la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociales (Fnars), le Forum réfugiés et France terre d'asile dénonçent l'instauration d'une logique de prestation de service entre elles et l'Eat, et une réduction du champs de leurs missions suite aux baisses de leurs moyens. Elles réclament l'ouverture d'un dialogue entre l'Etat et les opérateurs d'asiles pour sauvegarder la tradition de réparation sociale et d'accueil des réfugiés.
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En cette année du soixantième anniversaire de la Convention de Genève pour les réfugiés, le nombre de personnes sollicitant la protection de la France s'annonce au moins aussi élevé qu'en 2010, où il atteignait près de 53.000 demandes cumulées. Les crises politiques et les conflits continuent de pousser à l'exil des hommes, des femmes et des enfants qui fuient la persécution et les menaces pour leur vie. Cette situation fonde une responsabilité, celle d'accueillir dans la dignité les demandeurs d'asile et d'examiner avec toutes les garanties de l'Etat de droit leur demande de protection, puis de favoriser l'intégration de ceux qui sont reconnus réfugiés.
Depuis des années, les capacités du Dispositif national d'accueil (DNA) restent très insuffisantes au regard des besoins, et ce malgré la création de 1.000 places en 2010. En France en 2011, dans les départements les plus sollicités, des familles, des personnes vulnérables demandant l'asile dorment dans la rue faute de places d'hébergement. Pour faire face à ses engagements internationaux, la France doit assurer la protection des réfugiés mais aussi un accueil suffisant et digne aux demandeurs d'asile qui se trouvent souvent en situation de précarité lorsqu'ils arrivent sur le territoire.
Or l'accueil et l'accompagnement des demandeurs d'asile sont aujourd'hui menacés d'une fragilisation importante par des choix politiques et budgétaires de plus en plus contraignants pour les personnes accueillies -et au-delà, pour les professionnels dont les missions d'accompagnement social sont clairement interrogées.
Conscientes des contraintes budgétaires qui affectent globalement la collectivité nationale, nos associations, depuis longtemps professionnelles, savent gérer au plus serré l'argent public qui leur est confié. Il est parfaitement légitime d'observer, d'apprécier et, le cas échéant, d'optimiser, mutualiser et rationaliser les organisations et les pratiques. L'évaluation des politiques publiques est de ce point de vue aussi souhaitable que celle des acteurs associatifs qui les mettent en œuvre.
Si les opérateurs de l'asile sont prêts à améliorer la cohérence des dispositifs et à participer aux efforts de rationalisation des missions et de mutualisation des moyens, ils s'alarment du risque de voir baisser le niveau d'accueil et d'accompagnement d'un public vulnérable nécessitant un suivi spécifique. Pour ces opérateurs, une telle baisse ne serait pas acceptable. Dans ce contexte, les opérateurs rappellent que le devoir d'accueil des personnes en quête de protection ne doit donc pas être sacrifié sur l'autel de la rigueur budgétaire, et encore moins devenir un enjeu de tactiques électoralistes.
Aujourd'hui, des audits réalisés par des cabinets de consultants privés produisent des conclusions coïncidant avec les vœux de leurs commanditaires, à savoir la réduction des services rendus par les associations du secteur, et de leur financement. D'un côté, nous observons le passage d'une logique de partenariat à une logique de prestations de services entre les associations du secteur et les pouvoirs publics, notamment par le développement des appels à projet et des appels d'offre. D'un autre côté, les missions des associations tendent à se réduire à des prestations d'information et d'hébergement soit par manque de moyens, en particulier dans les plates-formes et les dispositifs d'hébergement d'urgence, soit par une remise en cause par les autorités des missions d'accompagnement social et juridique. Pour préserver la qualité des missions confiées aux associations, il est indispensable que l'action de l'Etat s'inscrive dans le cadre d'un dialogue ouvert avec les opérateurs de l'asile, dont l'expérience et l'expertise ont vocation à s'exercer au bénéfice tant des demandeurs d'asile que de la définition des politiques publiques.
La tradition républicaine de la «réparation sociale» et de l'accueil des réfugiés sont la traduction de deux principes inscrits dans la devise de la République française: la liberté pour les personnes qui fuient les persécutions et la fraternité pour les personnes les plus démunies. Cette tradition repose depuis l'après-guerre, via l'impôt, sur la solidarité nationale. Celle-ci doit être réaffirmée et traduite à la hauteur des enjeux et des besoins.
C'est à cette fin que nous en appelons à la mobilisation de tous les acteurs du secteur de l'asile.