La fondation Abbé Pierre et Emmaüs lancent un appel à la «mobilisation générale pour le logement». Selon eux, le «logement doit devenir une priorité pour (les) représentants politiques». Pour faire pression sur les candidats à la présidentielle, ils ont lancé une pétition.
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Parce que le logement nous concerne tous...
Nous avons tous été –ou serons– à la recherche d'un lieu où vivre, avec notre famille, nos enfants, un lieu pour nos parents. Or, les prix de vente pour devenir propriétaire ont doublé et les loyers dans le parc privé ont augmenté de 50% en dix ans. Le logement est désormais le premier poste de dépenses des ménages, qui y consacrent parfois jusqu'à la moitié de leurs ressources!
Certains sont plus affectés que d'autres, en particulier les 3,6 millions de personnes non ou mal logées. Mais au-delà de ces personnes en situation de grande fragilité, ce sont aujourd'hui près de 10 millions de nos concitoyens qui sont touchés de près ou de loin par la crise du logement.
82% des Français considèrent qu'il est difficile de trouver un logement. Un sur cinq déclare avoir des difficultés à faire face au paiement de son loyer ou au remboursement de son emprunt immobilier (Sondage Sofres, juin 2011). Cette situation a des conséquences sur notre quotidien et peut conduire à d'importants sacrifices: restriction des dépenses d'alimentation et de santé, dégradation des conditions de vie, allongement des trajets du domicile au travail... Derrière le problème du logement se cachent de nombreux autres problèmes.
...Mobilisons nous !
69% des Français (Sondage Sofres, juin 2011) jugent que l'action des pouvoirs publics n'est pas satisfaisante pour résoudre ces difficultés. À quelques mois des élections présidentielles et législatives, il faut agir! C'est pourquoi la Fondation Abbé Pierre appelle à une «mobilisation générale pour le logement». Plus nous serons nombreux à nous mobiliser, plus nous pèserons auprès des candidats pour qu'ils s'engagent fermement à mener une autre politique du logement. Parce qu'il est une priorité pour les Français, le logement doit devenir une priorité pour leurs représentants politiques. Sans attendre.
Ce n'est pas une fatalité.
La situation est devenue difficilement supportable pour de trop nombreuses personnes en France... l'augmentation des prix de l'immobilier, des loyers et des charges n'est pourtant pas une fatalité.
Il n'en a pas toujours été ainsi: au début des années 1980, les dépenses de logement ne représentaient en moyenne que 13% du budget des ménages contre... 25% aujourd'hui. Au niveau européen, la France se situe désormais dans le haut du tableau, avec des prix liés au logement supérieurs à ceux de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie ou du Royaume-Uni.
D'autres voies existent. L'Allemagne en donne un exemple, avec son dispositif de maîtrise des loyers et l'évolution limitée des prix de ses logements: ces dix dernières années, les prix des logements y sont restés stables alors qu'ils ont doublé en France.
Une autre politique s'impose pour permettre à chacun de se loger dans de bonnes conditions et aussi pour lutter contre les exclusions et les inégalités. Une action volontariste en faveur du logement, c'est aussi un investissement pour l'avenir (des jeunes, des familles) et à terme des économies pour la collectivité. Sans compter qu'elle aura des effets positifs sur le pouvoir d'achat, l'emploi (dans le secteur du bâtiment) et l'environnement (le bâtiment est un des plus gros consommateurs d'énergie).
Une autre politique est possible, mobilisons-nous!
Avec une réelle volonté politique, sortir de la crise du logement est possible. Désormais, un seul mot d'ordre s'impose: mobilisons-nous!
Cet appel à la «Mobilisation générale pour le logement» vise à interpeller les candidats aux élections, en leur demandant de se positionner de manière claire et ambitieuse sur la question du logement et de s'engager fermement auprès de leurs électeurs.
Nous demandons qu'un véritable changement de cap soit porté au plus haut niveau de l'État qui doit fixer les priorités, corriger les inégalités et sanctionner les égoïsmes. L'ampleur du chantier nécessite également des engagements forts au plus près des territoires et des habitants.
Le changement attendu exige enfin le déploiement de moyens importants qui doivent être considérés comme des investissements pour l'avenir.
Ils devront s'engager !
Jusqu'en février 2012, la Fondation Abbé Pierre travaillera à l'écriture d'un «Contrat social pour le logement» aux côtés des forces vives du pays: associations, syndicats, experts, acteurs du logement, collectivités locales... Ce contrat s'appuiera sur quatre engagements majeurs et un socle de réformes, autour desquels s'organise dès maintenant la mobilisation.
1. Produire suffisamment de logements accessibles partout où les besoins existent
Le manque de logements est devenu insoutenable, notamment en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales: le déficit global est aujourd'hui estimé à 900 000 logements et 1,2 million de ménages sont en attente d'un logement social! Dans le même temps, les pouvoirs publics consacrent plus d'1 million d'euros par jour pour payer des nuitées d'hôtel à des familles sans logement... Un important effort de construction et une mobilisation de tous les acteurs doivent être rapidement engagés:
* Construire 500 000 logements par an, pendant 5 ans, dont 150.000 logements vraiment sociaux en développant les moyens de production des organismes HLM.
* Développer l'offre de logements à loyers accessibles dans le parc privé en contractualisant avec les propriétaires, et en supprimant toute aide publique sans contrepartie sociale.
* Généraliser la taxe sur les logements vacants et réquisitionner dans un second temps ces logements non remis à la location sans jus- tification.
* Inciter les investisseurs institutionnels (institutions bancaires, compagnies d'assurance, caisses de retraites...) à développer l'offre de logements locatifs et contribuer ainsi à résorber la pénurie.
* Libérer les terrains pour permettre la construction de logements à hauteur des besoins et à des prix compatibles avec les ressources des ménages en adoptant une loi foncière et en sortant de la logique de spéculation.
2. Réguler les marchés et maîtriser le coût du logement
Loyer, emprunt à rembourser, charges locatives... les dépenses de logement pèsent de plus en plus dans le budget des ménages. Elles ont doublé en 30 ans et peuvent atteindre 50% des ressources. Les dépenses énergétiques explosent aussi dans le logement: 3,8 millions de ménages y consacrent plus de 10% de leurs revenus et se trouvent aujourd'hui en précarité énergétique. Dans ce contexte, être logé, pour de nombreux ménages, c'est devoir faire des arbitrages difficiles avec d'autres dépenses: santé, alimentation, loisirs...
Le décrochage entre les ressources et le coût du logement est tel qu'il est urgent de réguler avec détermination les marchés immobiliers et de maîtriser les dépenses d'énergie. Plus que jamais, la défense du pouvoir d'achat nécessite que l'on mène des réformes ambitieuses:
* Encadrer les loyers en mettant en place un système de référence transparent pour établir des niveaux de prix cohérents et des augmentations modérées, tout en prenant en compte la qualité du logement.
* Réguler les prix de l'immobilier en encadrant les plus-values et la rémunération des intermédiaires.
* Réduire les coûts de construction en favorisant l'émergence de nouvelles méthodes de production, sans sacrifier la qualité des logements et répercuter les baisses sur les prix d'achat et les loyers.
* Revaloriser les aides personnelles au logement et les rendre plus favorables aux salariés pauvres, aux isolés et aux jeunes ménages.
*Instaurer un «bouclier énergétique» garantissant l'accès à l'énergie aux plus modestes et développer un grand programme de soutien aux propriétaires pour améliorer la performance énergétique de leurs logements.
3. Moins d'injustices sociales et plus de solidarité
1 million de personnes vivent dans des logements indignes. 1 personne sur 20 dit s'être retrouvée sans domicile personnel au cours de sa vie et 2 sur 3 ne se sentent pas protégées face à la perte de leur logement. Devant le dénuement total et l'injustice qui frappent les ménages mal logés ou à la rue, un renforcement des protections est indispensable. La priorité est de venir en aide aux plus vulnérables et d'instaurer une véritable protection sociale de l'habitat qui garantisse à chacun et en toutes circonstances un filet de sécurité:
* Eradiquer les 600.000 logements indignes. Soutenir et inciter les propriétaires à entretenir ou rénover leurs logements. Sanctionner systématiquement les bailleurs qui, délibérément, ne respectent pas les normes de décence et de confort.
* Instaurer un dispositif de prévention des expulsions locatives qui, tout en traitant les causes des impayés, garantisse aux locataires en difficulté le maintien dans leur logement (ou leur relogement) et aux propriétaires le paiement de leurs loyers.
* Donner une priorité absolue à l'accès au logement des personnes en grande difficulté et développer les alternatives à l'hébergement.
* Donner au secteur de l'hébergement les moyens d'accueillir et d'accompagner dignement les plus défavorisés: une solution immédiate dans l'urgence (violences conjugales, jeunes en détresse, catastrophes naturelles...) et une aide plus durable favorisant les parcours d'insertion pour retrouver un logement.
* Renforcer les dispositifs et les aides destinés aux personnes qui ne peuvent plus faire face à leurs dépenses de logement (Fonds solidarité logement, Fonds d'aide aux accédants en difficulté, Fonds énergie...).
4. Construire une ville équitable et durable: un impératif pour vivre ensemble
Le fonctionnement des marchés immobiliers accentue les clivages entre les territoires en développant, d'un côté, l'attractivité des quartiers recherchés et en réduisant, de l'autre, celle des secteurs où vivent les plus fragiles. C'est pourquoi il est urgent de renforcer la mixité urbaine et sociale et de donner un nouveau souffle aux politiques de promotion sociale des habitants dans les territoires délaissés. Un changement de cap est indispensable pour éviter de mettre en danger la cohésion sociale, pour permettre à chacun de trouver sa place et de résider dans un environnement adapté :
* Instaurer des «secteurs de mixité urbaine et sociale», partout où il est nécessaire de diversifier l'habitat, en inscrivant une part obligatoire de logements financièrement accessibles dans les programmes de construction.
* Renforcer les obligations de la «loi SRU» en imposant aux communes une part de 25% de vrais logements sociaux et en prévoyant des pénalités financières ou des sanctions dissuasives.
* Corriger les inégalités entre les territoires en renforçant et réequilibrant les dotations aux collectivités territoriales et en posant les bases d'une taxe de solidarité urbaine sur les transactions immobilières.
* Orienter les aides à l'accession à la propriété vers les classes moyennes et les ménages modestes. Imposer dans les copropriétés des provisions pour gros travaux et obliger les syndics à davantage de transparence. Agir activement en faveur des copropriétés en difficulté.
* Mener une politique de la ville ambitieuse en dotant les quartiers populaires de moyens d'exception pour la rénovation urbaine, la création de services publics, les transports et le développement social (emploi, santé, éducation...).