Utopie n°7 - Richard Moyon, Resf
Nous allons gagner. Non pas vulgairement plus en travaillant plus, ou une Rolex ; Mais devant l'Histoire, en toute simplicité. Ou, pour le dire plus exactement, les tenants de la pensée étroite, les descendants de Déroulède ou de l’OAS, les Le Pen, Sarkozy, Hortefeux et autres Besson vont perdre. Ils ne le savent pas encore. Ils s’imaginent encore pouvoir redorer leur blason en se proclamant les artisans d’une politique brutale d’expulsion d’humains par dizaines de milliers, de stigmatisation de l’immigration rendue responsable de la délinquance, de propos racistes sur les Roms, appuyés d’une circulaire raciste émise par les services d’un ministre condamné pour racisme.
Mais ils se trompent d’époque. S’il y a une trentaine d’années un Le Pen avait pu bâtir sa seconde carrière politique sur le thème « La France aux Français » ou« Les étrangers dehors », ces temps sont révolus. Les mots comme les idées passent de moins en moins.
Yannick Noah et Zinédine Zidane sont, depuis belle lurette, les personnalités préférées de l’opinion. Et Rama Yade est sa responsable politique favorite… c’est dire ! L’opinion affiche massivement sa sympathie pour les parents sans papiers d’enfants scolarisés et pour les jeunes sans papiers scolarisés, victimes du ministre de la chasse à l’Enfant, pour les travailleurs sans papiers en grève traqués par le ministre de la Rafle et du drapeau, pour les amoureux espionnés par le ministre du Trou de serrure. Une sympathie qui souvent va très au-delà d’une simple réponse aux questions d’un sondage. Dans les écoles, les lycées, les villes et les quartiers, les parents d’élèves, les enseignants, les élèves eux-mêmes, les amis, les collègues signent des pétitions, se rassemblent devant les préfectures et les commissariats, bombardent les préfectures, le ministère et l’Elysée de mails, de fax et de coups de téléphone. Des copains, des voisins, des inconnus investissent les salles d’audience des tribunaux, se lèvent aux aurores pour se rendre dans les aéroports où on expulse, des passagers se dressent dans les avions. Des artistes, des intellectuels, des cinéastes, des écrivains crient, chantent, jouent, miment, claironnent que trop c’est trop. Des fonctionnaires, des magistrats, des policiers même, ne cachent pas l’aversion que leur inspire la politique du gouvernement. Oui, un vrai courant, puissant, qui ne pourra être endigué se manifeste depuis quelques années dans la société française.
L’action des associations, et au premier rang d’entre elles, la Cimade a contribué à mettre à jour une évolution profonde et, faut-il espérer, irréversible, des consciences. La société française se sait métissée, le revendique et en est fière.
D’une certaine façon, il se produit en France ce qui s’est passé aux Etats-Unis. Il y a cinq ans, personne n’aurait misé un dollar sur l’élection d’Obama. Et pourtant… Obama est ce qu’il est, président des Etats-Unis avec tout ce que cela signifie. Mais le fait qu’il soit Noir et élu témoigne de ce que la société américaine avait bien plus évolué sur cette question que les observateurs et ses élites ne le supposaient. On peut prendre le pari qu’une évolution comparable est à l’œuvre dans la société française. Et qu’elle se produira aussi dans les pays qui semblent aujourd’hui dans l’état de crispation où était la France il y a trente ans, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas. Ce n’est qu’affaire de temps et d’amour. Que les couples se forment, qu’ils aient des enfants, que les sangs mêlés diffusent dans toute la société.
Alors, certes, tout n’est pas gagné. Les malfaisants ont encore bien des souffrances à infliger et des saloperies à accomplir. Mais à terme l’affaire est entendue. Devant l’Histoire, ils ont perdu. Et si un jour des manuels scolaires consacrent quelques lignes à leur action, il est peu probable que ce soit très élogieux.
Réseau Education Sans Frontières sera présentle 27 novembre au Théâtre du Soleil