Je propose de prolonger l’article de Fred en reproduisant un papier que j’ai écrit il y a quelques semaines pour un journal valaisan sur l’histoire du Chablais, cette entité originale à trois têtes, à cheval sur les canton Vaud-Valais et sur une partie de la Haute-Savoie.
Afin d’essayer de saisir la notion de Chablais dans le temps, nous nous sommes rapprochés de Pierre-Alain Bezat, archéologue et ethnologue de formation, et archiviste de la ville de Monthey. Au gré des caprices de l’histoire, et malgré une disparition du terme pendant le Moyen-âge, le Chablais ressort bel et bien en tant qu’entité à part.Le Chablais à l’heure actuelle, c’est 3 districts, 29 communes. La plus petite, Mex, compte 100 habitants, alors que la plus grande, Monthey a 15 000 âmes. Le Chablais, ramassé sur un espace finalement assez restreint de 77 400 hectares, fait l’apanage d’une belle diversité économique, géographique, sociale et culturelle. De la plaine industrielle et agricole aux cimes des Alpes –soit entre 373m et 3257m-, en passant par les régions viticoles, son emplacement de part et autre de la vallée du Rhône et aux confins de la France et de l’Italie fait de lui une région stratégiquement importante. « C’est pour cette raison que le Chablais a toujours été tributaire de puissances qui le dépassaient » glisse Pierre-Alain Bezat. Quelle fut son histoire ?Au commencement…Il y a 22 000 ans, le Chablais était recouvert d’une langue de glace d’une épaisseur de 1000 mètres en moyenne. Entre 17 000 et 10 000 ans avant JC, le glacier se retire. Les territoires sont alors colonisés par des chasseurs nomades. Vers le 5ème millénaire avant JC, des villages se développent à l’initiative de pasteurs agriculteurs venus d’Italie. Le Chablais devient un axe de communication.Durant l’âge du fer, la région est habitée par les Nantuates, l’un des quatre peuples celtes du Valais. Toutefois, comme le souligne Pierre-Alain Bezat « la notion de frontière à l’époque était beaucoup plus floue. Les territoires s’étendaient jusqu’à ce qu’une autre peuplade soit rencontrée. » Le Chablais n’avait donc évidemment pas le visage qu’on lui connaît.Aux origines du nom ChablaisPourtant, le cœur du Chablais, de part sa spécificité géographique, n’a guère changé. Lorsque les légions romaines arrivent en 57 avant JC à Martigny, Massongex, alors le chef lieu des Nantuates, devient un centre romain important. Les romains ont amené avec eux routes et cartes. « Les historiens mentionnent l’existence d’un bourg situé à proximité de la localité actuelle de Villeneuve. Décrivant les routes de l’Empire romain, l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger désignent cette cité sous le nom de Pennelucos. Ce terme est la forme latinisée du celte Penn-loch, qui signifie tête du lac » nous apprend Henri Michelet dans son ouvrage Le vieux Chablais, des origines à 1569.Par la suite, ce vocable est passé au latin Caput laci avant d’être vulgarisé pour finalement donner le mot Chablais. C’est donc avant tout la spécificité géographique de la région qui a créé le Chablais. Et ce n’est pas une surprise. Son identité, quant à elle, est plus complexe et ne peut pas se réduire à un concept monolithique si l’on considère l’histoire mouvementée de la région.Des conquêtes en sérieEn effet, au Ve siècle, les Barbares attaquent l’Empire romain. Les burgondes s’installent alors dans la région. En 515, le roi Sigismond fonde l’Abbaye d’Agaune. Le Christianisme prend pied. Après les Burgondes, la région passera ensuite successivement aux mains des Francs puis du Royaume de Bourgogne. C’est pendant cette période de 888 à 1032, que le Chablais est administrativement désigné, après le remaniement du pagus vallensis : le comté du Valais ne d’étend plus jusqu’au lac Léman.A la fin de la dynastie de Bourgogne en 1032, c’est la Maison de Savoie qui s’installe pendant cinq siècles.Après l’affaiblissement de la maison de Savoie, les Bernois s’emparent des Ormonts, d’Aigle, d’Ollon et de Bex. Les Valaisans dominent l’autre côté du Rhône, jusqu’à St Maurice. Cette conquête marque la fin politique du Chablais. La barrière religieuse s’installe également. : Il faudra attendre1798 en Vaud pour que les lois pouvant faire obstacle au mariage interconfessionnel soient abolies.La renaissance du terme« Le terme renaîtra dans le années 60 » rappelle Pierre-Alain Bezat. C’est l’époque du boom économique, d’un développement général. « Vivre trop loin des centres de décision a toujours été vécu comme un handicap. La résurrection du Chablais à cette époque correspond donc à une volonté politique et économique de dynamiser la région» poursuit-il. L’embellie du renouveau se concrétise économiquement avec la création de l’OIDC en 1981. Le Chablais réaffirme depuis lors sa place dans l’histoire, plus vigoureusement que jamais.Billet de blog 22 mai 2008
Le Chablais, histoire et devenir
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