Billet de blog 1 août 2024

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S comme Socialwashing

Définition et illustrations du socialwashing

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Le socialwashing

Le "socialwashing" est une stratégie de communication trompeuse utilisée par certaines entreprises pour se présenter comme socialement responsables, sans apporter de changements significatifs, largement implantés et authentiques à leurs pratiques internes. Cette approche consiste à manipuler les données, à exagérer les actions positives, à généraliser un exemple isolé en faveur des employés, des diversités, ou à mettre en avant des initiatives superficielles ou minimales, souvent présentées comme déjà mises en place, ou comme des objectifs à déployer "demain", sans que ce "demain" ne devienne "aujourd'hui" pour les salariés. Ces entreprises cherchent aussi à démontrer un véritable dialogue social interne, mais ce dialogue se limite souvent à des interactions avec ceux qui soutiennent la politique de la direction, tout en négligeant les voix critiques ou divergentes au sein de l'entreprise.

L'objectif principal de cette pratique est de séduire les consommateurs, le grand public, et potentiellement de futurs clients sensibles aux questions sociales, tout en persuadant en interne les employés que des actions sont entreprises en leur faveur, malgré l'absence de bénéfices concrets à court ou long terme. En réalité, ces entreprises ne mettent pas en œuvre de politiques sociales véritablement bénéfiques. Elles utilisent des exemples de manière stratégique pour créer l'illusion d'un engagement concret en faveur des conditions internes à l’entreprise pour l’ensemble des salariés, en déployant des actions qui semblent factuelles mais qui sont, en fait, limitées ou inexistantes dans leur portée réelle.

Cela est particulièrement évident pour les employés occupant des fonctions productives mais non décisionnelles, qui ne participent pas à la gouvernance ou à l'application des politiques structurelles de l'entreprise. Ces entreprises évitent ainsi d'apporter des changements durables ou significatifs à leur organisation, tout en faisant croire qu'elles sont activement engagées dans des pratiques socialement responsables à l'intérieur de l'entreprise. Cette façade trompeuse leur permet de maintenir une image positive sans réellement investir dans des améliorations sociales substantielles ou structurelles. Le "socialwashing" s'apparente donc à une forme de manipulation, visant à masquer l'inaction réelle par une communication soigneusement orchestrée, laissant croire à un engagement éthique et social qui n'est pas réellement présent dans les pratiques quotidiennes de l'entreprise.


Les conséquences du socialwashing

Elles sont nombreuses et variées, impactant les entreprises, les sphères privées et familiales, ainsi que la société dans son ensemble.

Tout d'abord, il y a une perte de confiance du public, qui se sent trompé par des engagements sociaux prétendument sincères mais en réalité superficiels. Cette désillusion peut également conduire à un désengagement des employés, qui perdent leur motivation et leur engagement envers une entreprise dont les pratiques réelles sont en contradiction avec ses déclarations publiques et dans l'entreprise, via aussi les politiques RH et managériales. Cela se traduit par une baisse de la productivité, un moral en baisse au sein de l'organisation, et des démissions régulières et continues de ceux qui ont une fonction productive dans l'entreprise.

En outre, le socialwashing contribue à la perpétuation des inégalités et de la discrimination, que ce soit de manière visible, dissimulée, voir organisé. Cela inclut le harcèlement et la discrimination basés sur des critères syndicaux, de genre, raciaux, liés à l'origine, au handicap ou à l'orientation sexuelle. Ces pratiques ne nuisent pas seulement à la réputation de l'entreprise, mais peuvent également entraîner des répercussions juridiques et économiques, notamment des poursuites judiciaires et des sanctions financières, visibles au grand public et démontrant factuellement le socialwashing.

Sur un plan plus large, le socialwashing compromet les véritables efforts en matière de responsabilité sociale des entreprises et exacerbe les problèmes sociaux qu'il prétend adresser. Les conséquences de ces pratiques s'étendent au-delà de l'entreprise elle-même, affectant la vie privée des employés et de leurs entourages, ainsi que les finances publiques. Cela peut engendrer un stress psychologique significatif et des conséquences physiques, nécessitant des soins de santé et augmentant la charge sur les services de santé. Cette pression se répercute sur la sécurité sociale et les mutuelles, qui peuvent être amenées à augmenter leurs coûts sur l'ensemble de la population. Par exemple, les dérèglements causés par le socialwashing peuvent entraîner des remboursements réduits sur certains médicaments et soins ; pour compenser les coûts accrus liés aux soins de santé et arrêt maladie engendrés par les pratiques inappropriées des entreprises.

En somme, le socialwashing, en offrant une façade de responsabilité sociale sans engagement réel, aggrave les violences sociales existantes, impacte négativement la santé publique des citoyens travailleurs et entrave les progrès vers une société plus équitable et inclusive, tout en engendrant des coûts supplémentaires pour la santé publique et les assurances privées. Ces effets cumulatifs montrent à quel point des pratiques trompeuses peuvent avoir des conséquences profondes et durables sur tous les aspects de la société.


Le socialwashing, sur le plan juridique

Le socialwashing peut être associé à des concepts tels que la publicité mensongère ou trompeuse, ou à des pratiques commerciales déloyales. Cependant, la condamnation juridique de ces pratiques dépend des législations nationales et des régulations en vigueur dans chaque pays.

L'Union Européenne dispose de régulations strictes sur les pratiques commerciales déloyales, incluant des directives contre la publicité trompeuse. Si une entreprise affirme, de manière fausse ou trompeuse, adopter des pratiques socialement responsables, elle pourrait être sanctionnée pour publicité mensongère.

Aux États-Unis, la Federal Trade Commission (FTC) réglemente la publicité et les pratiques commerciales. Elle peut intervenir si une entreprise fait des déclarations fausses ou trompeuses sur ses pratiques sociales ou environnementales.

Illustration 1
Socialwashing © ChatGPT

Illustration de socialwashing

Un exemple de socialwashing peut être observé lorsqu'une entreprise, qu'elle soit privée ou publique, proclame offrir des salaires dignes à ses employés, leur permettant ainsi de subvenir à leurs besoins primaires, de planifier des projets de vie et d'enrichir leur quotidien à travers des activités extérieures à leurs habitudes de vie. Cependant, en réalité, les rémunérations versées sont souvent insuffisantes pour garantir un niveau de vie décent à la majorité des employés. L'entreprise peut manipuler les données en utilisant une moyenne salariale artificiellement élevée, gonflée par les salaires substantiels des cadres, des cadres supérieurs et des dirigeants. En intégrant ces salaires élevés dans le calcul de la moyenne, l'entreprise présente une image trompeuse de sa politique salariale, laissant entendre qu'elle rémunère dignement l'ensemble de ses employés du fait de leurs créations de plue-value. Cependant, une analyse plus détaillée par tranche de salaire révèle que de nombreux employés perçoivent des salaires bas, souvent proches du minimum légal ou même inférieurs à la moyenne nationale. Cette manipulation des statistiques salariales constitue une forme de socialwashing, où l'entreprise prétend offrir des salaires compétitifs et équitables tout en masquant la réalité des bas salaires qui affectent une grande partie de son personnel. Cette stratégie de communication est particulièrement pernicieuse car elle peut induire en erreur non seulement les employés potentiels mais aussi les partenaires commerciaux, les clients et futurs clients, qui peuvent être influencés par l'image socialement responsable que l'entreprise souhaite projeter.

Une entreprise peut afficher publiquement un engagement envers le respect et l'écoute de tous les syndicats, projetant une image de dialogue social ouvert et inclusif. Cependant, en réalité, elle peut adopter une approche sélective, ne prêtant une oreille attentive qu'aux syndicats et aux revendications syndicales dont les positions sont uniquement alignées avec les intérêts et la politique de la direction. Les syndicats et leurs représentants qui adoptent une posture critique ou qui s'opposent aux politiques de l'entreprise peuvent être marginalisés, voire persécutés, de manière dissimulée ou organisée, notamment par des personnes ayant des fonctions de direction ou d'application des directives d'entreprise. Cette stratégie de communication vise à tirer parti de la sensibilité accrue des consommateurs et du public aux questions de justice sociale et de responsabilité d'entreprise. En projetant une image de coopération et d'engagement envers les droits des travailleurs, l'entreprise tente de renforcer sa réputation tout en masquant un manque d'engagement véritable dans ces domaines. En réalité, cette pratique constitue une forme de "socialwashing". Elle trompe les parties prenantes en leur faisant croire à un engagement sincère envers le dialogue social et l'équité, alors que les pratiques internes montrent une manipulation des relations syndicales pour maintenir un contrôle strict et minimiser les critiques. L'entreprise peut utiliser des méthodes condamnables juridiquement et moralement pour écarter ou affaiblir ceux et celles qui ne soutiennent pas ses vues, ce qui soulève des questions sérieuses sur l'intégrité de son engagement en matière de responsabilité sociale. Ainsi, bien que l'entreprise se présente comme un acteur socialement responsable, ses actions révèlent une tentative cynique de manipuler l'opinion publique, interne, ses propres employés et de protéger sa propres politiques interne au détriment de la véritable justice sociale et du bien-être des travailleurs.

Une entreprise peut proclamer un engagement fort en faveur de la diversité et de l'inclusion dans ses campagnes de communication internet et ou externe à l’entreprise, mettant en avant des statistiques flatteuses ou des témoignages positifs de la part d'employés. Cependant, en pratique, cette diversité est souvent superficielle et ne se reflète pas dans les postes de direction, dans les niveaux de décision stratégique, ou dans le déploiement des politiques d’entreprise. Par exemple, l'entreprise peut afficher une proportion élevée de femmes ou de personnes issues de minorités ethniques dans l'ensemble de ses effectifs, mais ces groupes restent sous-représentés dans les postes de pouvoir, de responsabilité, managériale. Cette pratique de mise en avant de la diversité sans engagement réel est une forme de socialwashing. Elle permet à l'entreprise de projeter une image positive et socialement responsable, tout en évitant de s'attaquer aux problèmes systémiques d'inégalité au sein de l'organisation. En se concentrant sur des indicateurs superficiels de diversité, l'entreprise peut détourner l'attention des vraies questions, telles que les obstacles à l'avancement des minorités, des représentants syndicaux et des femmes, les biais dans les processus de recrutement et de promotion, ou encore les écarts de rémunération persistants.

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