Billet de blog 2 août 2024

Bernard Lamizet (avatar)

Bernard Lamizet

Ancien professeur à l'Institut d'Études Politiques de Lyon

Abonné·e de Mediapart

I comme Indépendance

L’indépendance ne se confond pas avec la liberté : en effet, on peut être libre sur le papier ou être libre, c’est-à-dire avoir les moyens de vivre de façon autonome en pouvant prendre seul les décisions qui nous concernent sans être indépendant pour autant. C’est pourquoi il importe de ne pas réduire l’indépendance à une dimension fonctionnelle.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’indépendance ne se confond pas avec la liberté : en effet, on peut être libre sur le papier ou être libre, c’est-à-dire avoir les moyens de vivre de façon autonome en pouvant prendre seul les décisions qui nous concernent sans être indépendant pour autant. C’est pourquoi il importe de ne pas réduire l’indépendance à une dimension fonctionnelle.
Être indépendant signifie ne pas dépendre, c’est-à-dire ne pas être pendu aux choix de l’autre, ne pas devoir les attendre pour prendre ses propres décisions et faire ses propres choix. Mais, au-delà, être indépendant désigne le fait de ne pas être enfermé dans un réseau d’agents et de fonctions dépendant les uns des autres : le fait de ne pas avoir une fonction ou occuper une place qui nous fait dépendre de celles et ceux qui, dans ce réseau, fondent les partis pris, les choix d’action et de parole, les décisions et les projets.
Comme toutes les places de médiation, l’indépendance a une dimension singulière et une dimension collective. Sur le plan singulier, l’indépendance a une dimension psychique : être indépendant, c’est ne pas voir son propre psychisme soumis à ceux des autres, c’est ne pas attendre que soient formulés les désirs de l’autres ou qu’ils apparaissent pour éprouver ses propres désirs. Sur le plan collectif, l’indépendance désigne, avant tout, pour un pays, le fait de ne pas être la colonie d’un autre, de ne pas dépendre des pouvoirs d’un autre pays. C’est ce qui se joue, en ce moment, en Kanaky ou en Palestine. Ces deux pays ne sont pas encore reconnus comme des pays à part entière, car ils sont toujours conçus comme des colonies, l’un de la France et l’autre d’Israël.
C’est que ce qui fonde l’indépendance est le fait d’être reconnu comme indépendant par les autres. C’est le fait de se voir une place dans l’espace des personnes, singulières ou morales, qui le sont. Finalement, l’indépendance désigne une relation particulière à l’autre : être reconnu par lui. Être indépendant, c’est se voir reconnaître par les autres, mais aussi par soi-même comme une personne.

Ancien professeur à Sciences Po Lyon (je suis à la retraite), j’ai réfléchi toute ma vie à la difficile question de l’identité. Professeur de sciences de l’information et de la communication, j’ai, aussi toute ma vie, réfléchi à la question de la parole. Or, on ne peut pleinement parler que si l’on ne dépend pas de la parole de l’autre, si nous avons nos propres mots, nos propres manières de nous exprimer. C’est, d’ailleurs, pour cela que, tous les jeudis, je publie un texte dans mon blog de Mediapart, qui, ainsi, comme Marsactu, à Marseille, où je vis, m’accueille dans ses mots.
Comme je travaille sur l’articulation entre le singulier de la psychanalyse et le collectif du politique, l’expérience de la cure analytique et celle du discours politique me rappelle sans cesse que la parole ne peut pas dépendre de celle des autres pour avoir du sens et que l’on ne peut choisir le sens que l’on donne aux mots que de façon indépendante.

Sources d'inspiration :

  • Les discours de la psychanalyse, en particulier ceux de Freud et de Lacan, sur le sujet, le désir, la parole.
    La sémiologie saussurienne et les réflexions de R. Barthes et de J. Kristeva, sur le texte, l'énonciation, la parole et l'écriture.
    La lexicologie et le regard critique sur les mots, en particulier les mots du politique.
    La médiation, en particulier la médiation culturelle, car je conçois la culture comme une expression de l'identité.
    La question de l'identité, de l'identification à la perte de l'identité et à la folie.

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