La nature que je souhaite évoquer ici ne se limite pas à l'environnement biophysique qui sert de cadre de vie aux espèces animales et en particulier aux humains. Dans leur quête d'une croissance ininterrompue, les activités humaines néfastes pour la pérennité du vivant sont au cœur des préoccupations des scientifiques mais aussi de toutes celles et ceux qui, en conscience constatent impuissants, la détérioration des conditions climatiques avec ce qu'elle charrie de conséquences irrémédiables pour les plus fragiles.
Serait-ce le seul facteur anxiogène pour une jeune population qui envisage un avenir proche ou lointain mais désormais sans cet optimisme que l'on pouvait afficher un demi-siècle auparavant ? Alors tenter humblement de comprendre la marche du monde et les comportements collectifs, moteurs des grands événements historiques qui ont jalonné l'histoire des peuples, indubitables progrès de civilisation, éthiques et sociaux mais en même temps hélas conflits, guerres, génocides … le bien et le mal au cœur de la même espèce. Comment expliquer ce paradoxe ? N'est-il pas essentiel de s'interroger d'abord sur la nature humaine originelle, son interaction avec la société et cette potentialité d'y engendrer des communautés qui vont grossir en groupes de pression aux motivations diverses pour le mieux ou pour le pire ?
La nature humaine.
Depuis Aristote et son « animal rationnel », les philosophes de toutes obédiences ont tenté au cours des siècles de définir ce qui distinguait l'homme de l'animal et de proposer diversement ce qu'ils pressentaient comme étant l'essence même de l'homme. Alors, se sont développés des courants de pensée qui s'opposent mais sans que se dégage vraiment un consensus majoritaire.
L'école naturaliste qui base son concept sur l'inné, prône l'idée que l'homme a déjà reçu de la nature ce qui fait son « essence » et donne donc à cette notion une dimension universelle et une réalité invariante. Cette thèse est très controversée par les courants existentialistes et culturalistes qui nient toute réalité à cette « nature humaine ».
L'objection culturaliste développe au contraire l'idée que la nature humaine n’est en rien une réalité invariante mais bien une réalité sociale et historique qui évolue au rythme des acquis. La seule chose qui distingue l’humain de l'animal c’est la perfectibilité qui repose ultimement sur la liberté. C'est ce libre arbitre qui donnerait à l'homme sa capacité à développer une éthique positive au contact de la société qui l'entoure. La nature cesse alors de définir à elle seule l’identité d’un être humain.
Mais peu importe l'option retenue, l'observateur le plus obtus ne peut que se rendre à l'évidence : la planète brûle et l'esprit des lumières n'éclaire plus grand chose. L'homme en tant qu'individu, n'a-t-il plus ce pouvoir d'agir sur les comportements collectifs ?
N'est-elle pas là, la faille, la grande faiblesse de l'être humain ? De sa capacité à la surmonter dépendra peut-être la survie de l'humanité.Ne plus être capable d'agir positivement sur son environnement social, mais y être conditionné est sans doute ce qui met à mal l'optimisme de la thèse culturaliste.
Cette faiblesse a de multiples causes :
-Dans une société de plus en plus inégalitaire, la défense des intérêts personnels prend le pas sur l'adhésion à des valeurs sociales, humanistes et républicaines. Dès lors, on observe une nouvelle propension de l'individu à se trouver un chef qui prétendra défendre ses avantages, au prix de promesses souvent hasardeuses et au détriment d'une démocratie vivante.
-Sa liberté d'adhérer à une communauté, à un cartel, à un parti ou à tout groupe d'influence, ne se trouve-t-elle pas obérée par l'obligation d'une loyauté pleine et entière ? Cet enfermement ne fait plus de l'individu un citoyen libre, mais un soldat au service d'une cause parfois dévoyée par ceux là même qui en ont pris le contrôle.
-Et puis, le maître à penser qui n'était que philosophe prenant conscience de son pouvoir sur les masses est devenu gourou et génère du fanatisme décervelé. Les dirigeants de sectes ne se privent pas de manipulations mentales et d'abus de toutes natures. L'individu docile semble s'en accommoder, les habitus possèdent sur sa conduite un fort pouvoir structurant.
L'animal rationnel ne contrôle plus guère son destin, la force de sa raison se trouve entravée par un faisceau d'influences qu'il subit et de tentations auxquelles il ne résiste pas. Sa conscience du bien et du mal est-elle en déclin ?
L'être humain se distingue de l'animal en cela qu'il est capable de créer des chefs-d’œuvre mais aussi qu'il peut se commettre dans l'abomination des tortionnaires. Est-il là le point d’équilibre de l'essence humaine, de quel coté peut-il basculer ?
PS : Les JO ont été pendant une quinzaine un formidable laboratoire à ciel ouvert pour tout observateur des comportements collectifs. La glorification de nos athlètes, la ferveur de la foule, la liesse populaire, l’unité retrouvée ... toutes ces valeurs positives ont été montées au pinacle et sans nuance par les médias mainstream. Notre journal préféré a produit une tonalité plus critique mais sans dénigrement d'un événement sportif réussi.
Mais cette liesse unanime a laissé chez moi un goût étrange, accepter de perdre son identité pour être en symbiose ? Dans ces jeux du cirque, pourquoi pas, mais après, quand sera en jeu la vie des peuples , pour la même jouissance, choisir toujours le clan des gagnants ? En espérant aussi que le chauvinisme exacerbé ne va pas laisser dans l'air des relents de xénophobie.