Billet de blog 28 août 2024

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L'Épistoléro

Prof, surtout, et auteur, un peu (La Ville brûle, Ellipses, Actes Sud Junior, Le Murmure, Densité, Le Boulon, Arléa, Umami, Klincksieck…)

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B comme Boucle

Debout les campeurs et haut les cœurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un gouvernement qui n’en finit pas de démissionner. Des Jeux Olympiques qui recommencent. Quelle furieuse sensation de déjà-vu ! Nous avions déjà connu cela avec le confinement et cette impression de jour sans fin. Emportés par la boucle. « I got you, babe. »

Le dictionnaire nous apprend que le nom boucle vient du latin buccula, diminutif de bucca, la bouche. Sur un plan abstrait, le mot boucle porte l'idée d'un circuit complet avec retour à l'état initial. L’adjectif au féminin temporelle vient du nom latin tempus qui a donné aussi le mot tempête.

La boucle temporelle génère souvent une tempête dans un crâne.

Au figuré, le mot boucle désigne le cercle vertical décrit par un avion (1914). On pense au looping. Et justement loop, c’est le terme utilisé en anglais pour désigner le concept de boucle temporelle, on y adjoint le nom time pour forger un nom composé : Time loop.

Bien sûr, depuis que de grands auteurs de SF anglophones (Heinlein, Bradbury…) ont imprimé leurs marques sur le genre et qu’Un jour sans fin d’Harold Ramis est devenu un film culte, le genre a un penchant clair vers l’anglais, voire l’américain.

Un jour sans fin (Teaser) © Institut Lumière

Avec la boucle temporelle tout commence pourtant par la langue grecque. Elle existe en tant que vecteur de tous ces mythes féconds pour le genre : Perséphone, Sisyphe, Les Danaïdes, Prométhée, Ulysse, Les Lotophages. Elle est la langue qui a drainé, par ses histoires, par sa littérature, de nombreux motifs propres à la boucle temporelle.

La boucle temporelle a régulièrement recours à une autre langue ancienne : le latin. Un latin magique, un latin d’abracadabra. C’est par exemple une incantation en latin qui engendrera la boucle dans laquelle sera prise Buffy (Life Serial, Tous contre Buffy, 2001).
Un latin de civilisation disparue dont les connaissances scientifiques étaient si grandes qu’elle avait déjà inventé le voyage dans le temps. C’est le cas dans un épisode de Stargate où deux personnages se retrouvent à devoir apprendre le latin pour espérer mettre fin à la buccula, à la boucle temporelle qui les emprisonne (Window of Opportunity, L'Histoire sans fin).

Un latin de prestige, un latin savant qui donne de la hauteur. Il y a ce film de Guy Debord qui parle de démocratie, d’un système de domination et de défaite de la pensée. Il porte un titre latin réversible In girum imus nocte et consumimur igni (essayez pour voir en commençant par la fin).

Un mot irrigue toutes les boucles temporelles. C’est un mot-clef inventé par le philosophe Emile Boirac. À Grenoble, cet homme s’illustre comme figure du monde de l’éducation, comme notable : il est président de l’Université de Grenoble (1896) et recteur de cette académie (1898). Emile Boirac ne se contente pas d’être une sommité universitaire. Ce philosophe, longtemps professeur de lycée puis auteur d’une thèse de doctorat d’État ès lettres (De Spatio apud Leibnizium,1894), s’intéresse à l’hypnose. C’est ainsi qu’il en vient à théoriser, en 1876, le concept de déjà-vu dans son ouvrage L’avenir des sciences psychiques.

Au moment où sont bouclées les valises du retour, surgit une furieuse sensation de déjà-vu.
Un gouvernement qui n’en finit pas de démissionner. Des Jeux Olympiques qui recommencent. Avec des médailles au bout d'un ruban de Moebius ?

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