Avec un taux de chômage qui a passé la barre des 10%, décrocher un emploi est un parcours du combattant. Surtout pour toutes celles et tous ceux déjà touchés par la discrimination. De leur côté, les grandes entreprises découvrent depuis peu les minorités visibles …
par Laurence BambaPromouvoir la diversité et l’égalité des chances… Nombre d’entreprises privées ou publiques, de ministères et d’associations s’y engagent. Mais quel contenu mettre dans cette fameuse « diversité » ? Pour les entreprises, cette notion complexe regroupe les personnes frappées par la discrimination : les femmes, les handicapés, les jeunes, les séniors, les personnes de couleur et les habitants de quartiers sensibles… Dans l’esprit des organisations gouvernementales, elle concerne les générations descendantes d’immigrés. Jeunes français noirs ou maghrébins qui ne vivent pas toujours dans des quartiers classés « ZUS» (Zone Urbaine Sensible). La législation française empêchant les statistiques ethniques, cette population, difficilement identifiable, est qualifiée, la plupart du temps, de « jeunes de banlieue » ou minorité « visible ». Une minorité visible occultée que les entreprises françaises commencent à peine à considérer.
Le salon « Paris de la diversité et du premier emploi » organisé par l’association Carrefours pour l’emploi encourage cette démarche. En 2010, pour sa quatrième édition, près de deux cents employeurs étaient présents. « L’avantage de se salon, c’est qu’il s’ouvre à toutes les formes de discrimination, précise l’une des organisatrices. Et pas seulement aux femmes ou aux handicapés. Cet événement concerne les origines sociales et ethniques différentes. Même si certaines entreprises ne sont là que pour leur image, la majorité d’entre-elles recrute. » A l’issue de ce forum, 500 candidats ont été recrutés en 2006 et 740 en 2007. La demande des entreprises existe bel et bien. C’est ce que constate également Chantal Berard, managing partner du cabinet de ressources humaines Neumann International. Un cabinet spécialisé dans le recrutement de cadres de haut niveau. « Aujourd’hui, les entreprises vont vers de nouveaux profils et cherchent des personnes issues de milieux socio-culturels différents. »
Une démarche verbalisée, assumée et généralisée qui émerge depuis environ deux ans et uniquement dans les grands groupes. L’origine de ce mouvement pourrait s’expliquer par l’influence du model des firmes américaine soumises aux quotas. « Il s’agit avant tout d’une démarche pragmatique, poursuit Chantal Berard, les entreprises ont pris conscience des potentiels existant au sein d’autres populations, elles cherchent avant tout de nouveaux profils compétents».
La formation, c'est la clef. La première voie pour acquérir des compétences, c’est la formation. Le chômage des jeunes issus de l’immigration s’explique, bien souvent, par le manque de qualifications. Le rapport de la commission à la diversité et à l’égalité des chances remis en mai 2009, mise avant tout sur la formation pour promouvoir l’emploi des jeunes. L’accès à l’éducation est un enjeu majeur pour le développement des classes populaires.
Pour autant, la diversité comprend de hauts diplômés qualifiés, laissés pour compte. Au-delà du chômage, Benoit Hamon, porte-parole du Parti Socialiste lors d’un entretien sur la chaîne LCP constate un phénomène de déclassement. Il s’avoue frappé par le fait que de nombreux jeunes diplômés issus de la diversité sont contraint d’accepter des postes en dessous de leurs qualifications. Un phénomène difficilement quantifiable, mais bien présent. APC Recrutement est le premier cabinet associatif de ressources humaines spécialisé sur les questions d'égalité et de promotion de la diversité. A sa création, en 2005, le positionnement du cabinet était l’emploi des jeunes diplômés, pour des postes de cadre. Aujourd’hui, les annonces présentes sur le site correspondent à des postes d’employés peu ou non-qualifiés.
Chasser dans les grandes écoles. D’après les explications de Chantal Berard sur le processus de recrutement des cadres de haut niveau, les futures élites sont «chassées » dans les grandes écoles. Celles-là même qui restent difficilement accessibles aux milieux populaires. Les jeunes de la diversité, cantonnés à l’université, ne sont ciblés que depuis peu. Reste à voir si ce phénomène d’ouverture sera durable ? Et quid des PME (petites et moyennes entreprises) ? Prendront-elles exemple sur leurs grandes sœurs ?
D’ici là, le débat des quotas plane. Le principe même d’embaucher selon le seul critère de l’origine ethnique rebute associations, politiques et entreprises. En revanche, la question des statistiques reste entière. Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, affirme dans un entretien au monde « Pour sortir des fantasmes et des idées reçues, il faudra bien, un jour ou l’autre, compter ».