Pourtant les hutong, ces quadrillages de ruelles, nés il y a près de huit cents ans, dissimulaient des résidences traditionnelles à cour carrée (siheyuan) derrière murs gris et portes vermillon. Gardien d’une âme pékinoise menacée par une soif de modernité à l’occidentale, ce patrimoine a commencé à se dégrader à partir de 1949 lors de l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong et à disparaître pour près de moitié depuis 1976. Dans les années 1990, de nombreuses industries s’implantèrent dans Pékin et les ouvriers-paysans, arrivés en masse et très pauvres trouvèrent refuge dans les hutong.
L’abolition de la propriété privée, verra ainsi les siheyuann, qui abritaient autrefois plusieurs générations de familles sous un même toit, se transformer en bidonvilles où des dizaines de familles s’entassaient parmi appentis et cabanes de fortune. On comprend alors pourquoi dès 2001, le petit peuple naïf, lassé de ces taudis meublés d’un lit, d’une table et de quatre chaises posées à même la terre battue, avec pour tout chauffage un poêle à bois, pas de tout-à-l'égout, et en guise de salle-de-bain, un unique point d'eau, se laissa tenté par des logements avec le confort moderne, éloigné du centre ville et de leurs échoppes, sans prendre conscience que leurs commerces devraient aussi partir à terme, dès l’ouverture des Jeux Olympiques en 2008.
Les avenues ont été élargies en deux fois trois voies par la destruction de la première rangée des maisons pour faire place à des projets immobiliers de luxe de type occidental : programmes soutenus par une spéculation remplissant les poches de Chinois aisés. Ces derniers n’ont pas oublié de conserver des hutong rénovés afin de les louer à prix d’or aux étrangers. Des maisons dites traditionnelles à étage pas très traditionnel ont remplacé les cours carrées. Quelques enclaves typiques ont été maintenues comme pièges à touristes et qui n’ont plus rien à voir avec les rues anciennes, grouillantes d’une population vivante, de boutiques et de petites haltes de restauration.
A la décharge de cette civilisation destructrice, il faut dire que pour rien au monde le petit peuple ne reviendrait dans leurs hutong même rénovés qui restent pour eux la marque indélébile de la misère dans laquelle ils ont été maintenus si longtemps.
