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Billet de blog 30 juillet 2008

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La Ministre et le Sytème de Santé

Jean Le Taxé, assuré social, pas mal cabossé par la maladie, est à la retraite au moment où il écrit « La Ministre et le Système de Santé »...

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Jean Le Taxé, assuré social, pas mal cabossé par la maladie, est à la retraite au moment où il écrit « La Ministre et le Système de Santé »...

(à la manière de… )

_______________

Roselyne, à un micro qui n’était plus fermé

A propos de son plan santé,

Venait monologuer pensant nous être utile.

Légère sur les idées, elle donnait du bla-bla ;

Ayant osé ce jour-là, croyant être agile,

Propos creux et discours plat.

Notre ministre ainsi décidée

Comptait déjà dans sa pensée

Tout le coût de son plan, en employait l'argent,

Taxait les complémentaires pour un milliard récupéré ;

La chose allait à bien par son soin diligent.

Fonctionnariser les médecins, ces beaux zozos ?

Que nenni, auditeurs, je les veux libéraux :

Avant on s’exécutait, et ils promettaient

Maintenant je dis : d'abord six mois de taf pour voir !

Il m'est, disait-elle, facile,

D’établir différentes autres taxations :

La CRDS sera bien habile,

Si elle ne me laissait quelques quatre cents millions.

La CADES fera une nouvelle émission ;

Elle le faisait déjà en déficit raisonnable :

J'aurai la pressurisant de l'argent bel et bon.

Et qui m'empêchera si cela est faisable,

Vu les manchots qui m’accompagnent et leur niveau,

De faire sauter barrières pour d’autres impôts ?

Roselyne là-dessus saute aussi, transportée.

Le micro tombe ; adieu avatars, coquecigrues et billevesées.

Le récit en farce en fut fait ;

On l'appela « le Système de Santé ».

Quel esprit ne bat la campagne ?

Qui ne fait châteaux en Espagne ?

Médecins, Malades, la Ministre, enfin tous,

Autant les sages que les fous ?

Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :

Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :

Tout le bien du monde est à nous,

Tous les honneurs, mais pas les drames.

Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;

Je m'écarte, je vais titiller l’Ameli ;

On me dit roi, j’use du système ;

Même si rendre compte est embarrassant :

Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;

Je suis Gros-Jean comme devant.

____________________

... Mais il se souvient du temps où il avait commencé à cotiser, il y a plus de quarante ans. Avec une colère sourde, il dépeint ici une ministre primesautière. Le thème principal en est l'imagination au pouvoir. Jean Le Taxé en montre les limites...

(un clin d'oeil à Jean Claverie)

Analyse : I) Roselyne

- C'est le personnage clé de ce pastiche. On l'imagine perverse ; elle s'est bien préparée comme le montre la description de Jean Le Taxé, en particulier les vers 2, 4, 5 et 6.

- Elle aime la langue de bois car « elle donnait du bla-bla ». - Ce côté primesautier mais flagorneur pourrait nous laisser supposer que Roselyne est insouciante voire écervelée, ce qu'elle n'est pas du tout car après ce premier portrait, Jean Le Taxé en dresse un second où Roselyne a un certain réalisme de ministre de la Santé, comme l'indique le champ lexical de ses préoccupations : impôts, argent, taxation... - Il y a chez elle une certaine dureté inconsciente, soulignée par les petits tableaux qu'elle peint en imagination et qui évoquent certes le profit mais enrobé (vers 13, 20 et 21).- Cependant Roselyne a un « défaut » : elle est trop rêveuse ! II) Du rêve... à la réalité

- Dès le début du pastiche, on peut remarquer quelques signes annonciateurs comme le verbe « monologuer » au vers 3 ou le terme « déjà » du vers 8. Mais c'est surtout le contraste alexandrin/octosyllabe des vers 1 et 2 qui traduit le déséquilibre et qui laisse deviner la suite de l'histoire.

- Le passage au style direct au vers 12 fait entrer Roselyne dans un monde de rêve pour elle, de cauchemar pour les autres. - Jean Le Taxé nous montre ensuite la progression de ce rêve cauchemardesque, on peut en noter les différents éléments qui conduisent jusqu'au comblement du déficit de la Sécu ! - Cette progression semble délirante et pourtant elle n'est pas dépourvue, paradoxalement, de réalisme : Roselyne rêve mais rêve en ministre : vers 11, 18, 19, 22. A noter le temps des verbes : c'est déjà fait ! - Elle étaye son rêve, objectivement, même si elle se laisse un peu aller, s'énervant (vers 19) : elle s'exalte. - Puis le brusque retour à la réalité avec le descrescendo du vers 27. - Petits pas, hésitations des octosyllabes des vers 28 et suivants, qui traduisent l'état dans lequel on trouve la ministre. III) La morale

- Jean Le Taxé, aux vers 30, 31, 32, explique qu'il est comme elle et comme tout le monde. On attend une réponse positive à ces questions ; d'ailleurs, elle élargit par la fiction et par l'histoire.

- On note la juxtaposition des [m] dans le vers 32 qui est un alexandrin et juste après, la ministre est associée aux acteurs de ce système. - Le vers 33, au contraire, est très ramassé : les sages aussi rêvent. - Aux vers 36 et 37 on voit se succéder les différents éléments d'une énumération avec un rythme de plus en plus ramassé. Ils reproduisent l'histoire de la Ministre mais à partir du vers 38 jusqu'à la fin, ils concernent cette fois Jean Le Taxé lui-même avec un rythme plus rapide, montrant à quelle vitesse l'imagination s'échauffe. - Le rêve de Jean Le Taxé est fait à la fois de narcissisme et de fierté : c'est le rêve de bien des humains assurés sociaux. - La chute de ce rêve est bien plus vertigineuse que celle du rêve de Roselyne. - La platitude de sa condition est soulignée par les assonances en [an] et par le ridicule, sans méchanceté, du « Gros-Jean » (A noter que Le Taxé se prénomme Jean). Cependant cette fin de fable a un autre sens, un sens politique. C'est une réflexion sur la position vaniteuse des gouvernants en ce qu'elle a de chimérique, au sens de non naturelle : cela donne à réfléchir. Le rêve de Roselyne n'est pas dangereux, celui de puissance et de vanité si. Il faut savoir faire la part des choses…

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