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Billet de blog 3 septembre 2025

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Scripturalisation et dissémination : un rituel épistolaire clandestin

Un voyage ferroviaire avorté, des lettres rouge coquelicot semées comme des bouteilles à la mer, l’attente d’une Minerve qui se confond parfois avec l’ombre d’une Inconnue. Entre procrastination vestimentaire, lectures déposées dans les wagons et rendez-vous différés, se tisse la quête obstinée d’une rencontre autant

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Dimanche 02 mars 2025

En ce Dominical Day, ce n’est pas au Starbucks à la table d’un inconnu que j’aurais dû me trouver afin de poursuivre la scripturalisation de cette missive, mais dans un train en direction de Paris Bercy pour un voyage de 5 heures, 03 minutes avant d’effectuer le trajet retour dans la foulée pour une durée au moins égale. Le but de ces 10 heures, 06 minutes de voyage au minimum en train en une journée était à l’origine uniquement destiné en le dépôt de lettres rouge coquelicot dans la totalité des wagons de ces deux trains tout au long de ce voyage dominical. En grand nombre. Plusieurs dizaines de lettres.
10 heures 06 minutes de voyage en train en une journée, c’est beaucoup, en particulier lorsqu’il s’agit d’un simple aller-retour uniquement destiné en le dépôt de plusieurs dizaines de lettres rouge coquelicot. C’est une randonnée ferroviaire, sans chaussures de marche, sans imperméable et sans trousse de secours d’urgence. Uniquement avec un ordinateur portable, un smartphone et leur chargeur, un casque audio, de l’eau minérale, du pain, des biscuits à la cannelle faits maison, deux livres en cours de lecture et une connexion Internet, éventuellement, un ou deux sandwichs végétariens.
En nombre d’enveloppes, il en était prévu 30 unités, le plus difficile étant de ne jamais être vu en train de les déposer. La manière idéale : changer de place à minima entre chaque arrêt en gare, mais parce qu’il y a un mais, ce voyage en train a été l’objet, la victime d’un report à durée déterminée. Mon nouveau dressing n’étant pas encore terminé, il me semble plus sage de débuter cette nouvelle aventure ferroviaire lorsque celui-ci sera mis en service afin d’être vêtu de circonstance. Lorsque l’idée de ce projet des Lettres à une Inconnue a vu le jour, nous étions au cœur de l’été et j’en étais encore à lire Nietzsche par Heidegger, je ne l’envisageais pas sous forme physique avec des enveloppes. L’idée est venue quelques mois plus tard, comme une évidence. La première enveloppe a été glissée entre un siège et la paroi d’un wagon de train, de nouveau quelques mois plus tard. Je n’étais pas prêt, mais déjà en retard. Pour ce premier voyage en train, je ne suis pas prêt et je vais avoir besoin de quelques mois supplémentaire même si je suis de nouveau en retard. Procrastination…
Ce dressing dont je me suis décidé à le créer, est une idée qui m’est venue quelques semaines avant le dernier jour de l’année précédente. Rien de très extravagant, mais indispensable afin que le personnage puisse être en accord avec son lieu de vie et c’est semblable à un sprinter que je me suis décidé à sa mise en place en ce début d’année calendaire 2025. Il ne se compose pour l’instant que de quelques pièces et ressemble tout au plus à des fondations incomplètement terminées.

À toutes ces acquisitions vestimentaires en cours, je dois également me préoccuper de la continuité de l’enrichissement de mes collections d’objets d’art et d’antiquités et ce n’est là, pas une mince affaire. Avec une deadline fixée arbitrairement au 1er juin pour ce dressing, j’ai épuisé la moitié de mon temps et il me reste encore beaucoup à faire pour acquérir le minimum syndical. Ce D day sera donc une journée « pas comme les autres », bien que je sois intimement persuadé chaque jour depuis la première lettre de ce mois d’août 2024 que tu en viendras à me troubler par un regard, me faire trébucher maladroitement lorsque tu seras prête, lorsque ce sera le moment, lorsque nos navires se croiseront sur l’océan de la vie…
Ce premier voyage ferroviaire composé d’un aller-retour d’une journée dominicale complète sera le premier et c’est dans l’un de ces trains que je te donnerai également rendez-vous la semaine précédente.

Le 12 janvier de cette année, je calculais qu’il me faudrait 4 à 6 mois pour disperser les 115 lettres de l’année précédente, plus les lettres de l’année suivante qui allaient s’accumuler avant d’en arriver au point où je pourrais enfin disséminer uniquement celle de la semaine précédente pour le dimanche suivant.
Le 23 février dernier, j’écrivais ceci :
Concernant les lettres datées de la nouvelle année calendaire, elles commenceront à être disséminées à partir du mardi 25 février
Et bientôt viendra le moment où elles le seront la semaine suivante de leur scripturalisation en 25 exemplaires. Et ainsi de suite chaque semaine….
L’intégralité des lettres de la nouvelle année calendaire ont été disséminées cette semaine et même ce matin dans le train, donc avec deux à quatre mois d’avance.
Cette lettre sera ainsi, déposée dans des wagons de trains en 25 exemplaires pour le dimanche suivant et les lettres suivantes sur ce même principe, toujours pour le dimanche suivant.
Pas mal pour un homme amoureux qui traverse le monde comme un anarchiste porteur d’une bombe à retardement.
T’attendrais-je désormais avec plus d’impatience que les semaines précédentes, que tous ces mois passés à scripturaliser ces lettres ?
Bien qu’elle soit dans ma nature, il n’est de prévisibilité qui devrait s’accompagner d’une brusquerie du destin que l’on aurait provoqué par la fébrilité d’une rencontre avec une Minerve au regard troublant qui chemine à son humeur et à son gré. Il ne s’agit pas de confondre une Inconnue au regard troublant avec une Minerve, car ce serait dramatique, digne d’une pièce de théâtre antique et il conviendrait alors que je me blâmasse pour cet écueil, pour cette bévue.
Il est des aventures d’amour qui naissent au premier regard, toujours avec une Minerve et l’on n’est jamais prêt, toujours médusé.
À toi lecteur inconnu qui te retrouve à parcourir cette lettre devant ton écran ou assis dans un wagon de train après avoir ouvert une lettre rouge coquelicot qui ne t’était pas destiné, quelle Inconnue recherches-tu ? Es-tu simplement un passager d’un navire fantôme sur l’océan de la vie ? Sans croyance et sans foi ?
À toi l’Inconnue qui te retrouve à parcourir cette lettre devant ton écran ou assise dans un wagon de train après avoir ouvert une lettre rouge coquelicot qui t’était peut-être destinée, es-tu une Minerve ? En serais-tu l’une de ces incarnations que cette question te semblerait incongrue, car il convient d’avoir une foi inébranlable en une croyance qui nous dépasse bien que le doute d’être la personnification de celle-ci est intrinsèque à son incarnation.

Parfois, j’observe des Inconnues qui parcourent l’allée centrale du wagon, qui descendent du train qui poursuivent leur voyage, alors que je descends à mon tour. Nos regards se croisent, nous nous oublions mutuellement quelques secondes plus tard.
Parfois, j’observe des Inconnues qui franchissent l’entrée du Salon Starbucks de la rue Victor Hugo à Lyon, qui vont s’asseoir avant de s’en aller alors que je reste assis à écrire. Nos regards se croisent, nous nous oublions mutuellement quelques secondes plus tard.

Viendra le jour où je me retrouverai en face d’une inconnue qui m’abordera après avoir trouvé l’une de ces lettres, dans un wagon de train, sinon à la table d’un Inconnu que j’occupe chaque dimanche à Lyon. De ce jour que j’attends avec autant de curiosité que je le redoute, il n’est que de plus en plus proche. Ce n’est pas l’abordage d’une Inconnue que je redoute, uniquement celui d’une personne qui ferait montre de curiosité seulement et ne ressemblant en rien à une Minerve pour quiconque.

De cette courte lettre, dont je conviens qu’elle peut être frustrante tant l’abordage du dernier sujet reste en suspens, je vais maintenant l’agrémenter de mes lectures de cette semaine, car j’ai à préparer la prochaine missive qui pourrait être d’une rare abondance.

Une lettre à une Inconnue ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.

Le tambour
Günter GRASS
Editions du Seuil
1er trimestre 1980
Milieu de la page 217 et début de la page 218 (fin du chapitre)
Il était une fois un musicien, il s’appelait Meyn et savait fabuleusement de la trompette.
Il était une fois un marchand de jouets, il s’appelait Markus et vendait des tambours de fer battu vernis blanc et rouge.
Il était une fois un musicien, il s’appelait Meyn et avait quatre chats dont l’un s’appelait Bismarck.
Il était une fois un tambour , il s’appelait Oscar et était à la merci du marchand de jouets.
Il était une fois un musicien, il s’appelait Meyn et assomma ses quatre chats avec le tisonnier.
Il était une fois un horloger, il s’appelait Laubschad et était membre de la Société protectrice des animaux.
Il était une fois un tambour , il s’appelait Oscar, et ils lui prirent son marchand de jouets.
Il était une fois un marchand de jouets, il s’appelait Markus et emporta avec lui tous les jouets de ce monde.
Il était une fois un musicien, il s’appelait Meyn, et s’il n’est pas mort il vit encore et sonne toujours fabuleusement de la trompette.

Le quatrième mur
Sorj CHALANDON
Le livre de poche
Imprimé en France par CPI en mai 2018
Dernier paragraphe de la page 266.
Je n’étais jamais entré dans la maison d’Imane. La porte donnait sur la cuisine, une pièce minuscule, encombrée jusqu’aux murs par la table et les chaises. Elles étaient renversées. La table était dressée pour le repas du soir. Cette fois, je n’ai pas appelé. Je n’ai pas crié. J’ai regardé la porte menant à l’autre pièce.
Livre lu et déposé dans un wagon de train le 26/02/2025
Imane était Palestinienne. Elle était l’Antigone de Sam, de Georges, elle est une victime de guerre. Une sale guerre, comme toutes celles de l’humanité.

De deux roses l’une
Juliette BENZONI
Edition Pocket
Dépôt légal : novembre 1999
Milieu de la page 37, début de la page suivante.
Les premières heures du voyage se déroulèrent sans incidents. Mais le deuxième jour et, en dépit des prévisions optimistes de maître Adam, un vent violent souleva les flots devenus noirs et ce fut l’horreur. Toutes les tempêtes de la Manche semblaient s’être donné rendez-vous sur le chemin du navire. Voiles éclatées, mâts brisés le cock ne fut bientôt plus qu’une coque de noix ballotée sur des montagnes d’eau qui le jetait ensuite au fond de gouffres béants. Pour le maintenir à flots l’équipage fit des prodiges de valeur tandis que, dans les appartements, ceux qui n’étaient pas ravagés par le mal de mer, harcelaient le ciel de supplications frénétiques. Seules, les prières de Sufolk avaient de quoi surprendre, même le seigneur : il suppliait pour obtenir que l’on n’atteignît jamais la côte anglaise, pour que ce navire se brisât et qu’il pût mourir en serrant Marguerite dans ses bras. Un instant, alors que les membrures craquaient de toutes parts, menaçant de se rompre, il croisa son regard. Ce qu’il y lut l’emplit de bonheur et il tendit vers elle une main où elle glissa la sienne.
– Avez-vous peur de mourir, Madame ?
– Pas si c’est avec vous. Il me semble que tout deviendrait merveilleusement simple…
– Je le crois aussi…
Lu et déposé dans un wagon de train le 02 mars 2025

Vénus
Ben BOVA
Edition Fleuve Noir
Dépôt légal : novembre 2005
En cours de lecture et sans extrait à partager ce jour.

Dans l’hypothèse où tu serais également une lectrice assidue et une Minerve, il sera toujours envisageable de se rencontrer par hasard à une table de lecture.
Table de lecture : Leonidas Chocolates Cafés, 693 rue Nationale, Villefranche-sur-Saône
Vendredi 07 mars 2025 : 16H30

Si tu as récupéré une enveloppe coquelicot, nous pourrons nous retrouver là où je t’attendrais désormais chaque Dominical Day avec un Caramel Macchiato Chantilly.
Table d’un Inconnu : Starbucks, 2 rue Victor Hugo, Lyon
Dimanche 09 mars 2025 : 10H30 – 14H30

Nombre de lettres coquelicot déposées dans les trains depuis le 09 janvier 2025 : 155

Scripturalisation et dissémination : un rituel épistolaire clandestin

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